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CHAPITRE II

I.

RHÉTORIQUE DE FROMENTIÈRES

Le Séminaire de Saint-Magloire... esprit qui présidait à son enseignement... Le P. Sénault...

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II. Ce que Fromentières pensait de la prédication... ce qu'il demande du prédicateur: désintéressement, piète, doctrine,

travail.

III. — Idée générale des sermons de Fromentières, procédés de composition... Analyse du sermon pour le jour de Pentecôte.

IV.

Examen de quelques détails : les textes, l'Ave Maria, les transitions, les troisièmes parties et les pèroraisons.

V. - Larges emprunts que Fromentières fait aux auteurs sacrés, manque d'inspiration personnelle, abus des citations sacrées; part très petite accordée aux citations profanes. VI. - Gravité et simplicite, soin du style, phrase périodique, variété des tons, comparaisons tirées de la nature, liberté de Remarques sur la langue.

langage.

chapitre.

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Conclusion du

I

Fromentières n'ignorait pas cette vérité banale, que l'art doit aider la nature, et que les plus heureuses qualités demeurent stériles, si elles ne sont pas cultivées par le travail et fécondées par l'étude. Il ne tint pas à lui qu'il ne réalisât les espérances que sa jeunesse précoce avait données. Sur les hauteurs de la montagne Ste-Geneviève, s'élevait le prieuré ou commanderie de St-Jacques, à côté de l'église et sur la paroisse qui portent

encore son nom. Au XVIe siècle, les religieux de Saint-Magloire s'en étaient rendus acquéreurs, et l'antique prieuré était devenu abbaye. Sécularisée bientôt et dépendant de l'Archevêque de Paris, Mgr de Gondi résolut d'y établir un séminaire dont il confia la direction aux prêtres de l'Oratoire dès 1620. (1) Mais l'opposition des religieux dépossédés, et plus tard, des difficultés financières retardèrent l'établissement projeté. Ce n'est qu'en 1642, avec l'appui et aussi quelques libéralités de Richelieu, (2) que le séminaire put être ouvert. C'est là qu'au sortir des écoles de philosophie et de théologie, Fromentières vint achever sa préparation directe à la prédication. Rien ne pouvait mieux servir son dessein, que le choix de ses nouveaux maîtres et de cette demeure, « où dans l'air le plus pur et le plus serein de la << ville, tant d'ecclésiastiques respirent un air encore plus pur de << la discipline cléricale. » (3)

L'esprit qui présidait à Saint-Magloire à la formation de la jeunesse cléricale était l'esprit dans lequel les Oratoriens euxmêmes avaient été élevés. Le but du cardinal de Bérulle, en groupant autour de lui une congrégation de prêtres, était de les amener à la perfection du sacerdoce, sans leur imposer d'autres obligations que celles qui découlent de la sainteté de leur état. Former des prêtres à tous les devoirs que ce caractère auguste leur impose, tel était le but poursuivi à l'Oratoire et à Saint-Magloire. La méthode n'y différait pas sensiblement de celle que Bérulle avait conseillée et suivie lui-même à l'égard des prêtres de sa Congrégation ; elle tenait tout entière dans ces deux mots piété, doctrine, qui se fondaient l'une et l'autre sur

(1) Le Beuf Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris. Paris, 1754. T. I. p. 250.

Cf. Bibliothèque oratorienne. T. I. p. 209. Le prieuré des religieux de Saint-Jacques a subi une troisième transformation. En 1792, il devenait Institut National des Sourds-muets, destination qu'il conserve encore aujourd'hui. Cf. Vie du card. de Bérulle par l'abbé Houssaye. T. I. p. 467.

(2) Archives nat. MM. 624.

(3) Bossuet Orais. fun. du P. Bourgoing. IIe part.

:

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la méditation des Mystères, et l'étude ininterrompue des Saints Livres. « Il avait en telle estime la méditation des << Saints Livres, disent les mémoires de l'Oratoire, qu'il nous << recommandait de les porter sur nous, et de ne passer jamais un jour sans les lire. » (1) Il avait même établi l'usage d'une sorte de controverse que, par mode de passe-temps, on organisait en commun après le repas. « Nous proposions donc quelque chose << de l'Ecriture, de l'Evangile, des cas de conscience, un trait << de l'histoire ecclésiastique et quelques doutes de piété. » (2) Aussi, Bossuet pouvait-il dire en toute vérité, en parlant de l'Oratoire : << Lȧ pour former de vrais prêtres, on les mène à la « source de vérité : ils ont toujours en mains les Saints Livres, pour en chercher sans relâche la lettre par l'étude, l'esprit par << l'oraison, la profondeur par la retraite, l'efficace par la pratique, la fin par la charité. » (3) Nous allons retrouver à Saint-Magloire le même but et le même esprit.

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Ce qui nous permet d'en juger, c'est le plan d'études qu'en 1643 les Oratoriens adressèrent aux évêques de France, pour les engager à fonder des grands séminaires, et pour leur en demander la direction. (4) S'il faut en croire l'analyste anonyme, aucun évêque ne répondit à ces avances. Mais le plan d'études et de direction n'en fut pas moins appliqué à Saint-Magloire, qui restait pour les Oratoriens le séminaire modèle, à l'image duquel tous les autres devaient être formés. Dans ce plan, tout est prévu et réglé. D'abord le partage de la journée, depuis quatre heures et demie, moment du lever, jusqu'au coucher, qui a lieu un peu après neuf heures. (5) Du lever au coucher, rien n'est

(1) Archives nat. MM. 621. Vie manusc. du card. de Bérulle. p. 127. (2) Ibid.... Pour tout ce qui concerne l'Oratoire, voir l'ouvrage de Mgr Perraud : L'Oratoire de France, I vol. Paris 1866.

(3) Bossuet: Oraison fun. du P. Bourgoing. Ire partie.

(4) Archives nat. MM. 628. Exemplar Seminarii sive Institutionis ecclesiasticæ, etc.

(5) Consurgunt mane hora semi quarta... Undecima, brevi præmissa recollectione, sine mora pergunt ad prandium, quod pia et multiplici lectione conditur... Tandem paulo post nonam pie decumbunt.

laissé à l'inspiration du moment, et toutes les heures de cette laborieuse journée ont un emploi réglé d'avance. Tous les exercices y tendent à cultiver le cœur par la piété, à orner l'intelligence d'une science solide, à former enfin le jeune disciple à la pratique du ministère sacerdotal : « Ceterum in summa tria sunt in quibus assidue instruuntur: pietas, doctrina, praxis.»(1) C'est bien ici que nous retrouvons l'esprit du cardinal de Bérulle. Mais ce qu'on n'avait garde d'oublier, surtout à l'Oratoire, c'était de former les jeunes clercs au ministère de la prédication et à l'art de la parole. Dans ce but, les auteurs du plan d'études avaient combiné une série d'exercices, capables de former les futurs apôtres à l'art d'évangéliser et d'instruire : « Singuli pro captu ad pueros, ad rudiores, vei ad populum catechises habent, nonnumquam conciones, vel exhortationes pastorales; homiliis quoque in textum evangelicum ex libro lectum, ut olim moris fuit familiari stylo recitandis assuescunt. » (2)

en

On s'étonnera, peut-être, que nous nous arrêtions aux détails d'un programme, dont les prescriptions s'étendent aujourd'hui à toutes les maisons qui ont la même destination que Saint- Magloire. Mais, il faut se souvenir que nous sommes 1643, qu'à cette époque, l'organisation des séminaires n'était ni complète, (3) ni uniforme; que le plan, dont nous n'avons fait que signaler les grandes lignes, était précisément destiné, dans la pensée de ses auteurs, à procurer cette uniformité de direction. De plus, dans le sujet qui nous occupe, ce plan d'études présente cet intérêt particulier, qu'il nous permet de nous rendre compte de la manière dont furent cultivés ces jeunes clercs qui, plus tard, paraîtront avec éclat dans les diverses chaires de la capitale, et par quelle série d'épreuves variées a dû passer

(1) Ibidem.

(2) Ibidem.

(3) Saint-Sulpice était à peine fondé. Les séminaristes avaient été réunis pour la première fois en 1642, et ce n'est qu'en 1649, que fut posée la première pierre de l'établissement. Voir Vie de M. Olier par l'abbé Faillon. IIIme partie. Livre I.

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