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ART. 7.

Le Prince de la Bulgarie sera librement élu par la population et confirmé par la SublimePorte avec l'assentiment des Puissances. Aucun Membre des Dynasties régnantes des grandes Puissances européennes ne pourra être élu Prince de la Bulgarie.

En cas de vacance de la dignité de Prince de la Bulgarie, l'élection du nouveau Prince se fera dans les mêmes conditions et dans les mêmes formes.

Une assemblée de notables de la Bulgarie, convoquée à Philippopoli (Plovdiv) ou Tirnovo, élaborera, avant l'élection du Prince, sous la surveillance d'un commissaire impérial russe et en présence d'un commissaire ottoman, l'organisation de l'administration future conformément aux précédents établis en 1830, après la paix d'Andrinople, dans les Principautés danubiennes.

Dans les localités où les Bulgares sont mêlés aux Turcs, aux Grecs, aux Valaques (Koutzo-Vlachs) ou autres, il sera tenu un juste compte des droits et intérêts de ces populations dans les élections et l'élaboration du règlement organique.

L'introduction du nouveau régime en Bulgarie et la surveillance de son fonctionnement seront confiées pendant deux années à un commissaire impérial russe. A l'expiration de la première année après l'introduction du nouveau régime, et si une entente à ce sujet s'établit entre la Russie, la Sublime-Porte et les Cabinets européens, ils pourront, s'il est jugé nécessaire, adjoindre au commissaire impérial de Russie des délégués spéciaux.

ART. 8.

L'armée ottomane ne séjournera plus en Bulgarie, et toutes les anciennes forteresses seront rasées aux frais du Gouvernement local. La Sublime-Porte aura le droit de disposer à sa guise du matériel de guerre et autres objets appartenant au Gouvernement ottoman, et qui seraient restés dans les forteresses du Danube déjà évacuées en vertu de l'armistice du 19 (31) janvier, ainsi que de ceux qui se trouveraient dans les places fortes de Schoumla et de Varna.

Jusqu'à la formation complète d'une milice indigène suffisante pour le maintien de l'ordre, de la sécurité et de la tranquillité, et dont le chiffre sera fixé plus tard, par une entente entre le Gouvernement ottoman et le Cabinet Impérial de Russie, des troupes russes occuperont le pays et prêteront main-forte au commissaire en cas de besoin. Cette occupation sera limitée également à un terme approximatif de deux années.

L'effectif du corps d'occupation russe, composé de six divisions d'infanterie et de deux de cavalerie, qui séjournera en Bulgarie après l'évacuation de la Turquie par l'armée impériale, n'excédera pas cinquante mille hommes. Il sera entretenu aux frais du pays occupé. Les troupes d'occupation russes en Bulgarie conserveront leurs communications avec la Russie non-seulement par la Roumanie, mais aussi par les ports de la mer Noire, Varna et Bourgas, où elles pourront organiser, pour la durée de l'occupation, les dépôts nécessaires.

ART. 9.

Le montant du tribut annuel que la Bulgarie payera à la Cour suzeraine, en le versant à la Banque que la Sublime-Porte désignera ultérieurement, sera déterminé par un accord entre la Russie, le Gouvernement ottoman et les autres Cabinets à la fin de la première année du fonctionnement de la nouvelle organisation. Ce tribut sera établi sur le revenu moyen de tout le territoire qui fera partie de la Principauté.

La Bulgarie sera substituée au Gouvernement Impérial ottoman dans ses charges et obli

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES.

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gations envers la Compagnie du chemin de fer de Roustchouk-Varna, après entente entre la Sublime-Porte, le Gouvernement de la Principauté et l'administration de cette Compagnie. Le règlement relatif aux autres voies ferrées qui traversent la Principauté est également réservé à un accord entre la Sublime-Porte, le Gouvernement institué en Bulgarie et l'administration des Compagnies intéressées.

ART. 10.

La Sublime-Porte aura le droit de se servir de la voie de la Bulgarie pour le transport, par des routes déterminées, de ses troupes, munitions et approvisionnements, dans les Provinces situées au delà de la Principauté et vice versa. Afin d'éviter les difficultés et les malentendus dans l'application de ce droit, tout en garantissant les nécessités militaires de la Sublime-Porte, un règlement spécial en établira les conditions dans l'espace de trois mois après la ratification du présent Acte, par une entente entre la Sublime-Porte et l'administration de la Bulgarie.

Il est bien entendu que ce droit ne s'étendra qu'aux troupes ottomanes régulières et que les irréguliers, les Bachi-bouzouks et les Circassiens en seront absolument exclus.

La Sublime-Porte se réserve aussi le droit de faire passer à travers la Principauté sa poste et d'y entretenir une ligne télégraphique. Ces deux points seront également réglés de la façon et dans le laps de temps susindiqués.

ART. 11.

Les propriétaires musulmans ou autres, qui fixeraient leur résidence personnelle hors de la Principauté, pourront y conserver leurs immeubles en les faisant affermer ou administrer par d'autres. Des commissions turco-bulgares siégeront dans les principaux centres de population, sous la surveillance de commissaires russes, pour statuer souverainement, dans le courant de deux années, sur toutes les questions relatives à la constatation des propriétés immobilières où des intérêts musulmans ou autres seraient engagés.

Des commissions analogues seront chargées de régler, dans le courant de deux années, toutes les affaires relatives au mode d'aliénation, d'exploitation ou d'usage pour le compte de la Sublime-Porte, des propriétés de l'État et des fondations pieuses (vacouf).

A l'expiration du terme de deux années, mentionné plus haut, toutes les propriétés qui n'auront pas été réclamées seront vendues aux enchères publiques et le produit en sera consacré à l'entretien des veuves et des orphelins, tant musulmans que chrétiens, victimes des derniers événements.

ART. 12.

Toutes les forteresses du Danube seront rasées. Il n'y aura plus dorénavant de places fortes sur les rives de ce fleuve, ni de bâtiments de guerre dans les eaux des Principautés de Roumanie, de Servie et de Bulgarie, sauf les stationnaires usités et les bâtiments légers destinés à la police fluviale et au service des douanes.

Les droits, obligations et prérogatives de la Commission internationale du Bas-Danube sont maintenus intacts.

ART. 13.

La Sublime-Porte prend à sa charge le rétablissement de la navigabilité du passage de Soulina et le dédommagement des particuliers dont les biens auraient souffert du fait de la guerre et de l'interruption de la navigation sur le Danube, en affectant à cette double dépense une somme de cinq cent mille francs sur celles qui lui sont dues par la Commission danubienne.

ART. 14.

Seront immédiatement introduits en Bosnie et en Herzégovine les propositions européennes communiquées aux Plénipotentiaires ottomans dans la première séance de la Conférence de Constantinople, avec les modifications qui seront arrêtées d'un commun accord entre la Sublime-Porte, le Gouvernement de Russie et celui d'Autriche-Hongrie. Le payement des arriérés ne sera pas exigé, et les revenus courants de ces Provinces jusqu'au premier mars 1880 seront exclusivement employés à indemniser les familles des réfugiés et des habitants victimes des derniers événements, sans distinction de race et de religion, ainsi qu'aux besoins locaux du pays. La somme qui devra revenir annuellement après ce terme au Gouvernement central sera fixée ultérieurement par une entente spéciale entre la Turquie, la Russie et l'Autriche-Hongrie.

ART. 15.

La Sublime-Porte s'engage à appliquer scrupuleusement dans l'île de Crête le règlement organique de 1868, en tenant compte des vœux déjà exprimés par la population indigène.

Un règlement analogue, adapté aux besoins locaux, sera également introduit dans l'Épire, la Thessalie et les autres parties de la Turquie d'Europe pour lesquelles une organisation spéciale n'est pas prévue par le présent Acte.

Des commissions spéciales, dans lesquelles l'élément indigène aura une large participation, seront chargées dans chaque Province d'élaborer les détails du nouveau règlement. Le résultat de ces travaux sera soumis à l'examen de la Sublime-Porte, qui consultera le Gouvernement Impérial de Russie avant de les mettre à exécution.

ART. 16.

Comme l'évacuation par les troupes russes, des territoires qu'elles occupent en Arménie et qui doivent être restitués à la Turquie, pourrait y donner lieu à des conflits et à des complications préjudiciables aux bonnes relations des deux pays, la Sublime-Porte s'engage à réaliser sans plus de retard les améliorations et les réformes exigées par les besoins locaux dans les Provinces habitées par les Arméniens et à garantir leur sécurité contre les Kurdes et les Circassiens.

ART. 17.

Une amnistie pleine et entière est accordée par la Sublime-Porte à tous les sujets ottomans compromis dans les derniers événements, et toutes les personnes détenues de ce fait, ou envoyées en exil, seront immédiatement mises en liberté.

ART. 18.

La Sublime-Porte prendra en sérieuse considération l'opinion émise par les commissaires des Puissances médiatrices au sujet de la possession de la ville de Khotour, et s'engage à faire exécuter les travaux de délimitation définitive de la frontière turco-persane.

ART. 19.

Les indemnités de guerre et les pertes imposées à la Russie, que Sa Majesté l'Empereur de Russie réclame et que la Sublime-Porte s'est engagée à lui rembourser, se composent de: a. Neuf cent millions de roubles de frais de guerre (entretien de l'armée, remplacement du matériel, commandes de guerre);

b. Quatre cent millions de roubles de dommages infligés au littoral méridional du pays, au commerce d'exportation, à l'industrie et aux chemins de fer;

c. Cent millions de roubles de dommages causés au Caucase par l'invasion;

d. Dix millions de roubles de dommages et intérêts aux sujets et institutions russes en Turquie.

Total mille quatre cent dix millions de roubles.

Prenant en considération les embarras financiers de la Turquie, et d'accord avec le désir de Sa Majesté le Sultan, l'Empereur de Russie consent à remplacer le payement de la plus grande partie des sommes énumérées dans le paragraphe précédent, par les cessions territoriales suivantes :

a. Le sandjak de Toultcha, c'est-à-dire les districts (cazas) de Kilia, Soulina, Mahmoudié, Isaktcha, Toultcha, Matchine, Babadagh, Hirsovo, Kustendjé et Medjidié, ainsi que les îles du Delta et l'île des Serpents.

Ne désirant pas s'annexer ce territoire et les îles du Delta, la Russie se réserve la faculté de les échanger contre la partie de la Bessarabie détachée par le Traité de 1856 et limitée au Midi par le thalweg du bras de Kilia et l'embouchure du Stary-Stamboul. La question du partage des eaux et des pêcheries devra être réglée par une commission russo-roumaine dans l'espace d'une année après la ratification du Traité de paix.

b. Ardahan, Kars, Batoum, Bayazet et le territoire jusqu'au Saganlough. En traits généraux la ligne frontière, en quittant la côte de la mer Noire, suivra la crête des montagnes qui séparent les affluents de la rivière Hopa de ceux de la rivière Tcharokh et la chaîne de montagnes au Sud de la ville d'Artvin jusqu'à la rivière Tcharokh près des villages Alat et Béchaget; puis la frontière se dirigera par les sommets des monts Dervénikgheki, Hortchezor et Bedjiguin-Dagh, par la crête qui sépare les affluents des rivières Tortoum-Tchaï et Tcharokh, et par les hauteurs près de Yaïly-Vihine, pour aboutir au village Vihine-Kilissa, sur la rivière Tortoum-Tchaï; de là elle suivra la chaîne Sivridagh, jusqu'au col de ce nom, en passant au Sud du village Noriman; elle tournera ensuite vers le Sud-Est, ira à Zivine, d'où la frontière, passant à l'Ouest de la route qui mène de Zivine aux villages Ardost et Horassan, se dirigera au Sud par la chaîne de Saganlough jusqu'au village Gilitchman; puis, par la crête du Charian-Dagh, elle arrivera à dix verstes au Sud de Hamour au défilé de Mourad Tchaï; la frontière longera ensuite la crête de l'Alla-Dagh et les sommets du Hori et du Tandouret, et, passant au Sud de la vallée de Bayazet, ira rejoindre l'ancienne frontière turcopersane au Sud du lac de Kazli-Gueul.

Les limites définitives du territoire annexé à la Russie, indiquées sur la carte ci-jointe, seront fixées par une commission composée de délégués russes et ottomans. Cette commission tiendra compte dans ses travaux tant de la topographie des localités, que des considérations de bonne administration et des conditions propres à assurer la tranquillité du pays.

c. Les territoires mentionnés dans les paragraphes a et b sont cédés à la Russie comme équivalent de la somme d'un milliard cent millions de roubles. Quant au reste de l'indemnité, sauf les dix millions de roubles dus aux intérêts et institutions russes en Turquie, soit trois cent millions de roubles, le mode de payement de cette somme et la garantie à y affecter seront réglés par une entente entre le Gouvernement Impérial de Russie et celui de Sa Majesté le Sultan.

d. Les dix millions de roubles réclamés comme indemnité pour les sujets et institutions

russes en Turquie seront payés à mesure que les réclamations des intéressés seront examinées par l'Ambassade de Russie à Constantinople et transmises à la Sublime-Porte.

ART. 20.

La Sublime-Porte prendra des mesures efficaces pour terminer à l'amiable toutes les affaires litigieuses des sujets russes pendantes depuis plusieurs années, dédommager ces derniers, s'il y a lieu, et faire exécuter sans délai les sentences rendues.

ART. 21.

Les habitants des localités cédées à la Russie, qui voudraient fixer leur résidence hors de ces territoires, seront libres de se retirer, en vendant leurs propriétés immobilières. Un délai de trois ans leur est accordé à cet effet à partir de la ratification du présent Acte. Passé ce délai, les habitants qui n'auront pas quitté le pays et vendu leurs immeubles, resteront sujets

russes.

Les biens immeubles appartenant à l'État ou aux fondations pieuses sises en dehors des localités précitées, devront être vendus dans le même délai de trois années, suivant le mode qui sera réglé par une commission spéciale russo-turque. La même commission sera chargée de déterminer le mode de retrait, par le Gouvernement ottoman, du matériel de guerre, des munitions, des approvisionnements et autres objets appartenant à l'État, et qui existeraient dans les places, villes et localités cédées à la Russie et non occupées actuellement par les troupes russes.

ART. 22.

Les ecclésiastiques, les pèlerins et les moines russes, voyageant ou séjournant dans la Turquie d'Europe et d'Asie, jouiront des mêmes droits, avantages et privilèges que les ecclésiastiques étrangers appartenant à d'autres nationalités. Le droit de protection officielle est reconnu à l'Ambassade Impériale et aux Consulats russes en Turquie, tant à l'égard des personnes susindiquées, que de leurs possessions, établissements religieux, de bienfaisance et autres dans les Lieux-Saints et ailleurs.

Les moines du mont Athos d'origine russe seront maintenus dans leurs possessions et avantages antérieurs et continueront à jouir, dans les trois couvents qui leur appartiennent et dans les dépendances de ces derniers, des mêmes droits et prérogatives que ceux qui sont assurés aux autres établissements religieux et couvents du mont Athos.

ART. 23.

Tous les Traités, conventions et engagements, antérieurement conclus entre les deux hautes Parties contractantes relativement au commerce, à la juridiction et à la position des sujets russes en Turquie, et qui avaient été supprimés par l'état de guerre, seront remis en vigueur, sauf les clauses auxquelles il serait dérogé par le présent Acte. Les deux Gouvernements seront replacés, l'un vis-à-vis de l'autre, pour tous leurs engagements et rapports commerciaux et autres, dans la situation même où ils se trouvaient avant la déclaration de guerre.

ART. 24.

Le Bosphore et les Dardanelles resteront ouverts, en temps de guerre comme en temps de paix, aux navires marchands des États neutres, arrivant des ports russes ou en destination de ces ports. La Sublime-Porte s'engage en conséquence à ne plus établir dorénavant, devant les ports de la mer Noire et de celle d'Azow, de blocus fictif qui s'écarterait de l'esprit de la déclaration signée à Paris le 4 (16) avril 1856.

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