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importance, qu'ils requierent toute voftre attention, pour eftre bienfaicts, de temps en temps vous regarderez à Dieu, comme font ceux qui nauiguent en mer, lefquels pour aller à la terre qu'ils defirent, regardent plus en haut au ciel que non pas en bas où ils voguet: ainfi Dieu trauaillera auec vous, en vous, & pour vous, & vostre trauail fera fuiuy de confolation.

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A feule Charité nous met en la perfection, mais l'obeïffance, la chafteté & la pau

ureté font les trois grands moyens pour l'acquerir; l'obeïffance cofacre noftre coeur, la chafteté noftre corps, & la pauvreté nos moyens à l'amour & feruice de Dieu. Ce font les trois branches de la croix fpirituelle : toutes trois neantmoins fondees fur la quatriefme, qui eft l'humilité. Ie ne diray

T. II.

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rien de ces trois vertus, en tant qu'elles font voüees folemnellement, parce que cela ne regarde que les religieux ny mefmes en tant qu'elles font voüees fimplement, d'autant qu'encor que le vœu donne toufiours beaucoup de graces & de merite à toutes les vertus ; fi eft-ce que pour ce que ie prétends il n'eft pas neceffaire qu'elles foient voüees ou non voüees, pourueu qu'elles foyent obferuees. Car bien qu'eftans voüees, & fur tout folemnellement, elles mettent l'homme en l'eftat de perfection; fi eft-ce que pour le mettre en la perfection, il fuffit qu'elles foyent obferuees, y ayant bien de la difference entre l'eftat de perfection & la perfection; puis que tous les Euefques & religieux font en l'Eftat de perfection : & tous neatmoins ne sot pas en la perfection, comme il ne fe void que trop. Tafchons doncques, Philothee, de bien prattiquer ces trois vertus, vn chacun felon fa vocation. Car encores qu'elles ne nous mettent pas en l'eftat de perfection,

elles nous donnerons neãtmoins la perfection-mefme: aufli nous fommes tous obligez à la prattique de ces trois vertus, quoy que non pas tous à les prattiquer de mefme façon.

Il y a deux fortes d'obeiffance, l'vne neceffaire, & l'autre volontaire. Par la neceffaire, vous deuez humblement obeir à vos Superieurs Ecclefiaftiques, comme au Pape, & à l'Euefque, au Curé, & à ceux qui font commis de leur part. Vous deuez obeïr à vos Superieurs politiques, c'est à dire à voftre Prince, & aux Magiftrats qu'il a estably fur vostre païs: vous deuez enfin obeïr à vos Superieurs domeftiques; c'eft à dire, à voftre pere, mere, maiftre, maiftreffe. Or cette obeïffance s'appelle neceffaire, parce nul ne se peut exempter du deuoir d'obeïr à ces fuperieurs-là, Dieu les ayant mis en auctorité de commander & gouuerner chacun en ce qu'ils ont en charge fur nous. Faictes donques leurs commandements, & cela eft

de neceffité: mais pour eftre parfaite, fuiuez encor leurs confeils, & mefme leurs defirs & inclinations, en tant que la charité, & prudence vous le permettra; obeiffez quand ils vous ordonneront chofe agreable, comme de manger, predre de la recreation car encor qu'il femble que ce n'eft pas grande vertu d'obeyr en ce cas, ce feroit neantmoins vn grand vice de defobeir. Obeyffez és chofes indifferentes, comme à porter tel ou tel habit, aller par vn chemin ou par vn autre, chanter, ou fe taire, & ce fera vne obeyssance"defia fort recommandable. Obeyffez en chofes malaifees, afpres & dures, & ce sera vne obeyffance parfaicte. Obeyssez en fin doucement fans replique, promptement fans retardation, gayemēt fans chagrin, & fur tout obeyffez amoureusement, pour l'amour de celuy qui pour l'amour de nous s'eft faict obeïffant iufques à la mort de la Croix, & lequel, comme dit Sainct Bernard, ayma mieux perdre la vie que l'obeïffance.

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