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ayez foin d'accroiftre vos moyens & facultez, pourueu que ce foit non feulement iuftement, mais doucement & charitablemét.

Si vous affectionnez fort les bies que vous auez, fi vous etes fort embefongnee, y mettant voftre coeur en iceux, y attachant vos penfees, & craignant d'vne crainte viue & empreffee de les perdre, croyezmoy, vous auez encore quelque forte de fieure car les febricitans boiuent l'eau qu'on leur donne, auec vn certain empreffement, auec vne forte d'attention & d'aife, que ceux qui font fains n'ont point accoutumé d'auoir. Il n'eft pas poffible de fe plaire beaucoup en vne chose, que l'õ n'y mette beaucoup d'affection. S'il vous arriue de perdre des biens, & vous fentez que vostre cœur s'en defole & afflige beaucoup, croyez Philothee, que vous y auez beaucoup d'affection car rien ne tefmoigne tant l'affection à la chofe perdue, que l'affliction de la perte.

Ne defirez donc point d'vn defir entier & formé le bien que vous n'auez pas ne mettez point fort auant voftre cœur en celuy que vous auez: ne vous defolez point des pertes qui vous arriueront, & vous aurez quelque fujet de croire qu'eftat riche en effect, vous ne l'eftes point d'affectio, mais que vous eftes pauure d'efprit, & par confequent bien heureufe : car le royaume des cieux vous appartient.

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Comme il faut prattiquer
la pauureté reelle.

demeurant neantmoins reellement riche

CHAPITRE XV.

E Peintre Parrhafius, peignit le peuple Athenien par vne inuention fort ingenieufe, le reprefentant d'vn naturel diuers, & variable, cholere, iniufte, inconftant, courtois, clement, mifericordieux, hautain, glorieux, humble, brauache, & fuyard, & tout cela ensemble; mais moy, chere Philothee, ie voudrois faire dauantage car ie voudrois

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mettre en vostre cœur la richeffe & la pauureté tout enfemble, vn grand foin & vn grand mefpris des chofes temporelles.

Ayez beaucoup plus de foin de rendre vos bies vtiles & fructueux, que les mondains n'en ont pas. Dites-moy, les iardiniers des grands Princes ne font-ils pas plus curieux & diligens à cultiuer & embellir les iardins qu'ils ont en charge, que s'ils leur appartenoient en proprieté? Mais pourquoy cela parce fans doute qu'ils confiderent ces iardins-là, comme iardins des Princes & des Rois, aufquels ils defirent de fe rendre agreables par ces feruices là. Ma Philothee, les poffeffions que nous auos ne font pas noftres, Dieu les nous a donnees à cultiuer, & veut que nous les rendions fructueufes & vtiles, & partant nous luy faifons feruice aggreable d'en auoir foin.

Mais il faut donc que ce foit vn foin plus grand & folide, que celuy que les mondains ont de leurs bies, car ils ne

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