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n'avoir pas pu s'opérer par le changement qui était survenu dans la loi domiciliaire d'Elisabeth Belot, comment le Code civil aurait-il pu l'opérer par les changemens qu'il a faits aux lois sous lesquelles une infinité de femmes s'étaient mariées avant sa promulgation? Ubi eadem ratio, ibi idem jus (1).

» 2o Quand nous supposerions, avec les sieurs et dame Solem, que le Code civil a rendu l'autorisation du mari nécessaire à la femme mariée précédemment sous le régime dotal, pour l'aliénation de ses biens parapher naux, quelle conséquence pourrait-on tirer de là contre l'arrêt qui vous est dénoncé? »En ajoutant ainsi à la capacité que la femme mariée précédemment sous le régime dotal, avait conservée, par son mariage, d'aliener ses biens paraphernaux, la condition de ne pouvoir en user sans le secours de l'autorisation maritale, le Code civil n'aurait point nui à cette femme il aurait au contraire pourvu à ses intérêts; il n'aurait fait que créer pour elle une précaution contre les surprises qu'on eût pu faire à son inexperience; et la femme ne pourrait jamais être lésée par un refus injuste que ferait son mari de l'autoriser car la justice serait toujours là pour suppléer, par son autorisation, à celle qui serait injustement refusée par le mari. Le Code civil aurait donc, à cet égard, amélioré la condition de la femme; et l'on sent que la loi qui améliore la condition des personnes, est toujours susceptible de l'interpretation qui lui donne les effets les plus étendus (2).

» Mais que résulterait-il de l'abolition qu'eût prononcée le Code civil de l'incapacité dans laquelle était la femme mariée avant sa promulgation, d'aliener et d'hypothéquer ses immeubles normands, même avec l'autorisation de son mari? Il en résulterait pour la femme, la perte du droit que la coutume de Normandie lui avait irrévocablement as. suré en se m ariant, de faire annuler les alienations auxquelles une tendresse aveugle

ou une crainte révérentielle l'auraient fait consentir pendant le mariage. Il en résulterait, pour la femme, la privation de la planche sur laquelle la coutume de Normandie lui avait promis qu'elle pourrait compter après le naufrage qui eût pu survenir dans

(1) En raisonnant ainsi dans ces conclusions, je supposais que l'arrêt du 19 janvier 1807, avait bien jugé, mais j'ai reconnu depuis que j'étais dans l'erreur. V. l'article Effet rétroactif, sect. 3, §. 2, art. 5. (2) V. l'article Effet rétroactif, sect. 3, S. 2,

au commencement.

la fortune de son époux. Il en résulterait par conséquent, pour la femme, une rétroactivité préjudici able et ruineuse.

» Et c'est assez dire que l'on ne peut pas argumenter ici de la prétendue incapacité actuelle de la femme mariée sous le régime dotal avant le Code civil, d'aliener ses biens paraphernaux sans l'autorisation de son mari; c'est assez dire que, même en admettant cette prétendue incapacité actuelle, nous devrions regarder comme régies actuellement par l'art. 542 de la coutume de Normandie, les alienations faites, sous le Code civil, d'immeubles que cet article eût frappés d'aliénabilité dans le temps où il en avait encore le pouvoir; c'est assez dire que les arrêts de la cour quil'ont ainsi juge, et sur lesquels s'est modelée la jurisprudence constante des cours de Rouen et de Caen, forment, pour la cour elle-même, une règle d'autant plus invariable qu'elle est calquée sur les vrais principes; c'est assez dire, en un mot, que la requête des sieur et dame Solem doit être rejetée; et c'est à quoi nous concluons »>.

Par arrêt du 21 avril 1813, au rapport de M. Brillat de Savarin,

« Attendu que Louise Paris, veuve Bellecote, est devenue propriétaire de l'immeuble par elle hypothéqué, pendant qu'elle était sous le pouvoir de la coutume de Normandie qui declarait cet immeuble inalienable entre ses mains;

» Que le statut normand étant un statut réel, a dû avoir son exécution même à l'égard de la veuve Bellecote mariée à Paris;

» D'où il suit qu'on ne peut lui appliquer les dispositions du Code civil sans le faire rétroagir et sans priver cette femme du bénéfice qui lui avait été assuré, d'être protégée contre les alienations qu'elle pourrait faire de ses immeubles normands, soit par la suite d'une tendresse aveugle, soit par crainte révérentielle;

» Qu'ainsi l'arrêt attaqué a jugé conformément aux lois;

» La cour rejette le pourvoi.... ».

Cet arrêt a été suivi d'un autre, du 22 juin 1815, qui a jugé le contraire. Mais la cour de cassation est revenue depuis au principe qu'elle avait adopté par le premier. V. Recueil de Questions de droit, aux mots Puissance maritale. ]]

mon

ART. III. Qualité des statuts qui règlent le pouvoir des maris, relativement à l'a liénation des biens de leurs femmes.

Ce serait ici le lieu de discuter, avec toute la profondeur qu'elle mérite, la question de

savoir par quelle loi ou coutume doit se régler le pouvoir du mari, quand il s'agit de l'aliénation des biens de sa femme. Mais, comme nous n'avons rien à ajouter aux auteurs qui ont épuisé cette matière, nous nous contenterons d'observer que l'opinion la plus commune et la plus exacte, est que l'on doit suivre, sur ce point, les dispositions de chacune des lois ou coutumes sous l'empire desquelles les biens sont situés, sans avoir égard au domicile des époux.

C'est ce que pensent, entre autres, Vandermeulen sur les coutumes de Vianen et d'Ameyden, rubr. 1, art. 7, §. 1; Voët, sur le Digeste, liv. 23, tit. 2, no 60; et Boullenois, Traité des Statuts personnels et réels, tome 1, page 213.

C'est aussi ce qu'ont jugé deux arrêts, l'un, du parlement de Grenoble, du 16 mars 1688; l'autre, du parlement de Paris, du 17 août

1761.

Par le premier, rapporté dans la Jurisprudence de Guy-Pape de Chorier, liv. 4, sect. 1, art. 3, il a été jugé qu'une femme domiciliée dans le Lyonnais, n'avait pas pu, nonobstant la déclaration de 1664, qui a force de loi dans ce pays, vendre, conjointement avec son mari, les fonds dotaux qu'elle possédait en Dauphine.

Par le second, rendu dans le cas inverse et rapporté par Denisart, au mot Dot, §. 14 de la nouvelle édition, il a été décidé que les sieur et dame Pierreux, domiciliés en Auvergne, où la loi Julia est en pleine vigueur, avaient pu aliéner un fonds dotal situé en Forez, où cette loi est abrogée, comme dans le, Lyonnais, par la déclaration de 1664.

[[ V. d'ailleurs le plaidoyer du 19 août 1812, rapporté dans le S. précédent, no 19; l'article Sénatus-consulte Velléien, S. 2, mon Recueil de Questions de droit, aux mots Puissance maritale. ]]

et

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Cela résulte de ce que, pendant le mariage, il est, comme on l'a vu au mot Dot, $ 7, no 2, réputé propriétaire de ces biens. Aussi la femme n'est-elle pas admise elle-même à l'exercice de ces actions. Doce ancillam de quá supplicas, dotalem fuisse, in notione præsidis: quo patefacto, dubium non erit vindicari ab uxore tud nequivisse (Loi 9, C de rei vindicatione). Rei dotalis nomine quæ periculo mulieris est, non mulier furti actionem habet, sed maritus. ( Loi 49, S. 1, D. de furtis).

Il paraît néanmoins qu'au parlement de Bordeaux, le mari ne peut pas défendre, sans le concours de sa femme, aux demandes ou poursuites des tiers qui tendent à le déposseder d'un bien dotal: « La femme (dit La » Peyrère, lettre F, no 17) est restituée >> contre les arrêts rendus sur la tête de son » mari, en qualité de mari, si elle n'a été » appelée dans l'instance, étant partie néces »saire dans les causes qui tendent à l'aliéna» tion de sa dot et de ses autres biens, dont » on poursuit le décret. Jugé par arrêt rendu » au rapport de M. Dumirat, en décembre » 1669 ».

riété de l'ordre des avocats de cette cour, de [[ C'est aussi ce qu'atteste un acte de notol'année 1673, rapporté par Salviat, Jurisprudence du parlement de Bordeaux, page 196: « Quoique le mari puisse (y est-il dit) inten» ter les actions personnelles en qualité de t » mari, pour les biens dotaux, il ne peut » néanmoins défendre aux actions réelles, » comme desistat, décret, et autres qui por>>tent aliénation du fonds; la femme doit » être, dans l'instance, procédant sous l'au»torité du mari, ou, à son refus, sous celle » de la justice; et les procédures qui sont » faites, dans le cas susdit, avec le mari seul, » sans que la femme y soit appelée, sont >>nulles et cassables ». ]]

III. De toutes les coutumes qui interdisent au mari l'aliénation des propres de sa femme, sans son consentement, la plupart lui refusent également le droit d'intenter ou de soutenir les actions réelles qui la concernent, à moins qu'elle ne soit en cause avec lui. Telles sont Paris, art. 233; Sens, art. 276; Etampes, art. 97; Laon, art. 30; Reims, art. 14; Péronne, art. 124; Châlons, art. 23; Nivernais, chap. 23, art. 6; Artois, art. 88.

Cette disposition que l'on suit en France dans toutes les coutumes muettes, est fondée, suivant tous les auteurs qui en parlent, sur la loi 7, S. 2, D. de jure deliberandi, dans laquelle on remarque les termes suivans :

Absurdum est ei cui alienatio interdicitur, permitti actiones exercere.

IV. Il y a des coutumes qui, distinguant l'attaque de la défense, declarent le mari capable de soutenir celle-ci, et demandent pour celle-là l'intervention de la femme. Telle est, entre autres, celle de la chatellenie de Lille, tit. 12, art. 14.

V. Quelques-unes attribuent indistinctement au mari le pouvoir d'intenter et de sou. tenir seul toutes les actions réelles qui intéressent sa femme. Ce sont celles d'Orléans, art. 195; de Poitou, art. 228; de Melun, art. 214; de la Marche, art. 27; de Cambresis, tit. 7, art. 5.

VI. Avant de décider si l'on peut ranger. dans l'une de ces trois classes la disposition que les chartes generales du Hainaut, chap. 78, art. 42, renferment sur cette matière, il est nécessaire d'en bien peser les termes; voici comment elle est conçue : « Si l'homme n'ayant enfant de sa femme, veut, à titre » d'elle, intenter quelque action réelle, il >> devra être avoué d'icelle par acte passé par» devant la loi de sa résidence, ou deux » hommes de fief; et quand telle poursuite se » fera contre eux, icelle se devra adresser » tant contre l'homme que contre sa femme, » puisqu'il n'a d'enfant d'elle, sans qu'il soit » besoin de s'adresser contre l'hoir apparent». Ce texte décide, comme on le voit, qu'un mari sans enfans ne peut soutenir aucune action réelle à titre de sa femme, à moins que celle-ci ne soit en cause avec lui. Mais peut-on conclure de là qu'il n'aurait pas besoin de son intervention, s'il avait des enfans d'elle? Dumées (Jurisprudence du Hainaut, page 271) l'a pensé ainsi, et cette conséquence parait assez naturelle au premier aspect: cependant, en l'examinant de plus près, on ne laisse pas d'y trouver bien des difficultés.

On a vu plus haut, §. 2, art. 2, que les chartes générales n'attribuent pas aux maris qui ont des enfans, plus de droits qu'à ceux qui n'en ont pas, sur la propriété des biens de leurs femmes. Il est vrai que les premiers peuvent aliéner ces biens quand leurs femmes y consentent, ce que les seconds ne peuvent faire en aucun cas; mais les uns et les autres sont par eux-mêmes dans une égale incapacité. D'après cela, si l'on peut regarder comme vrai le principe adopte par tous les auteurs français, que la faculté d'aliener est la mesure de celle d'agir en justice, ne doit-on pas tenir pour constant en Hainaut, que le mari qui a des enfans, est aussi incapable que celui qui

n'en a pas, d'agir seul pour la propriété des fonds dotaux de sa femme? Qu'on ne dise pas que l'art. 42 du chap. 78, par cela seul qu'il ne s'explique qu'à l'égard du mari sans enfans, sur la nécessité de l'intervention de la femme, en dispense tacitement celui qui réunit la qualité de père à celle d'époux : comme l'ont très-bien remarqué Fachinée, controv., liv. 13, chap. 7, et Voët, sur le Digeste, liv. 1, tit. 3, no 22, on ne peut pas argumenter à contrario sensu, d'un statut qui déroge au droit commun, parceque toute dérogation doit être renfermée dans ses termes précis et directs.

Il y a même, dans le texte des chartes géné rales, une raison particulière pour ne pas tirer une conséquence semblable du silence fans. On connaît en Hainaut certaines espèces que garde le legislateur sur le mari sans end'incapacités, qui s'étendent jusqu'à empêcher le propriétaire de plaider pour le fonds de ses biens, sans l'assistance de son héritier présomptif. De là vient, aux termes de l'article place immédiatement après celui dont il est ici question qu'en faisant une poursuite contre une personne vefve ayant enfans, ou mineur, icelle poursuite se devra adresser contre l'hoir apparent étant ágé. En partant de ce principe, et en le combinant avec l'art. 3 du chap. 94,

qui défend au mari l'aliénation des biens de la consente, on devait naturellement regarder femme dont il n'a pas d'enfans, quoiqu'elle y l'intervention de l'héritier présomptif d'une femme sans enfans, comme indispensable dans les actions réelles qui la concernent; mais l'art. 42 du chap. 78 en a décidé autrement, par la consideration, sans doute, qu'une femme mariée n'a pas besoin d'un autre défenseur que son mari ; et il a voulu que celui-ci pút agir avec la procuration de celle-là, quoiqu'il n'en eût pas d'enfans, sans qu'il fût besoin de l'adresser (l'action) contre l'hoir› apparent. On voit par-là que l'objet direct et principal de cet article était d'excepter la femme mariée de la règle, qu'un incapable d'aliéuer ne peut pas agir sans l'assistance de son héritier présomptif; aussi n'a-t-il parlé que du cas où le défaut d'enfans établit, à l'égard des fonds dotaux, une inalienabilité que ni le consentement de la femme, ni l'autorisation du mari, ne peuvent lever. Il a gardé le silence sur le cas où l'existence d'un ou de plusieurs enfans procure au mari la faculté d'aliéner ces sortes de biens, moyennant le consentement de sa femme; mais ce silence ne peut raisonnablement faire présumer que l'intention du législateur ait été d'attribuer au mari qui a des enfans, le droit de plaider

seul sur la propriété des biens de sa femme. Il paraît au contraire, que déclarer l'intervention de la femme suffisante dans le cas où il n'y a pas d'enfans, nonobstant la règle qu'un incapable ne peut plaider qu'avec l'assistance de son héritier présomptif, c'est supposer bien évidemment que cette même intervention est nécessaire lorsqu'il y a des enfans.

On doit donc, sur cet objet, assimiler entiè rement les chartes générales aux coutumes de Paris, de Nivernais, d'Artois, de Reims, en un mot à la jurisprudence qui forme le droit commun des pays coutumiers.

Je l'avouerai cependant, cette jurisprudence, quelque constante qu'elle soit, est fondée sur un mauvais principe; car c'est raisonner très-mal que de mesurer la faculté d'agir sur la faculté d'aliéner. Un tuteur n'a aucun pouvoir sur la propriété des biens de son pupille; néanmoins il peut intenter et soutenir toutes les actions qui le concernent; et les jugemens prononcés contre lui, sont exécutoires contre le pupille (1). Le droit romain défend à un mari d'aliéner des fonds dotaux de sa femme: néanmoins il lui permet d'agir en justice pour raison de ces biens. Aussi Voet, sur le Digeste, liv. 5, tit. no 14, soutient-il que la disposition de la coutume d'Utrecht qui défend aux maris sans enfans, d'aliéner les biens de leurs femmes malgré elles, ne doit pas les empêcher d'intenter et de soutenir, au nom de leurs femmes toutes les actions réelles qui peuvent intéresser celles-ci.

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En vain oppose-t-on à cette doctrine, le passage déjà cité de la loi 7, S. 2, de jure deliberandi, au Digeste: absurdum est enim ei cui alienatio interdicitur, permitti exercere. C'est bien le cas de dire ici, avec le jurisconsulte Celsus, dans la loi 24, de legibus, au Digéste : incivile est nisi totá lege perspectá, und aliquá particulá ejus propositá, judicare vel respondere. En effet, de quoi s'agit-il dans la loi citée? D'un héritier apparent qui délibère s'il acceptera la succession, ou s'il s'en abstiendra. Le préteur avait décidé que, dans cet intervalle, il ne pourrait aliéner, bona intereà diminui vetabo; et de là le jurisconsulte Ulpien infère qu'il est également sans pouvoir relativement à la poursuite des dettes actives de la succession his autem verbis prætor non tantùm alienationem impedit, verùm etiam actiones exerceri non patitur; et il en donne cette

(1) Loi 3, §. 3. D. de rebus eorum qui sub tutelá.

raison est enim absurdum ei cui alienatio interdicitur, permitti actiones exercere; c'està-dire, il serait absurde que celui à qui l'on défend de toucher aux biens quelconques. d'une succession, pût exercer les actions que le défunt y a laissées. Pourquoi cela? Parcequ'en recevant les deniers provenant de ces actions, il enfreindrait autant la lettre que l'esprit de l'édit du préteur, bona intereà diminui vetabo. Or, je le demande, quel rapport y a-t-il entre cette loi et l'espèce à laquelle la plupart des rédacteurs et des interprètes de nos coutumes l'ont appliquée? N'est-il pas évident que l'incapacité dans laquelle ils ont placé le mari, relativement aux actions réelles de la femme, n'est fondée sur aucune raison solide, et n'a d'autre source que l'erreur et le défaut d'examen?

Aussi, pour en revenir à la jurisprudence du Hainaut, ne balancerais-je pas à l'en rejeter, si je ne l'y trouvais établie d'une manière assez expresse pour me convaincre que le système adopté par les coutumes voisines, a étendu ses progrès jusque dans ce pays. Car, je le répète, l'art. 42 du chap. 78 des chartes générales suppose bien clairement que le mari ne peut intenter ni soutenir aucune qu'il en a des enfans; et d'ailleurs, l'art. 43 action réelle à titre de sa femme, lors même nous fait voir que les rédacteurs étaient entachés de cette fausse maxime, qu'il faut être capable d'aliéner pour être capable de défendre à une action réelle.

VII. Mais voici une autre question. L'article que je viens de discuter, se sert du mot générique action réelle, sans spécifier si l'on doit borner sa disposition aux fiefs et aux francs-alleux, ou s'il faut l'étendre aux mainfermes : ce silence ne peut faire naître aucun doute par rapport aux mainfermes situés dans le chef-lieu de la cour, parcequ'ils suivent les mêmes règles que les fiefs; mais que doit-on dire de ceux qui sont régis par les coutumes de Mons et de Valenciennes?

En géneral, les chartes du Hainaut n'influent point sur ces sortes de biens; mais ce n'est point par défaut de pouvoir de la part de ceux qui ont fait ces lois, puisqu'ils avaient certainement autant de puissance sur les mainfermes que sur les fiefs; c'est par un arrangement assez bizarre, que ces législateurs ont cru devoir faire, en partageant le Hainaut en différens chefs-lieux. Mais comme cet arrangement a été purement volontaire de leur part, ils ont été libres d'y déroger: or, en quels cas sont-ils censés le faire? c'est, sans contredit, lorsqu'on trouve dans les

chartes générales, une disposition qui n'est, ni limitée aux fiefs et aux francs-alleux, ni contredite par la coutume locale des mainfermes auxquels on voudrait l'appliquer. Quand ces deux circonstances se rencontrent, point de doute qu'on ne puisse et qu'on ne doive même recourir aux chartes générales, pour gouverner les mainfermes situés dans un autre chef-lieu que celui de la cour.

Cela posé, notre question se résoud d'ellemême. D'un côté, l'art. 42 du chap. 78 détermine le pouvoir des maris relativement aux actions réelles de leurs femmes, sans restreindre sa disposition aux fiefs ni aux francsalleux; d'un autre côté, les coutumes de Mons, de Valenciennes, et les autres coutumes loca les de la province, gardent un profond silence sur cet objet : on doit donc appliquer aux main fermes qu'elles régissent, la règle établie par le texte cité, c'est-à-dire, refuser aux maris le droit d'agir seuls en justice, à titre de leurs femmes, pour la propriété des biens de cette nature.

On pourrait peut être croire que les mainfermes du chef-lieu de Mons dussent être exceptés de cette règle dans le cas où il y a des enfans, parcequ'alors le mari n'a pas besoin du consentement de sa femme pour aliéner les biens dont elle est propriétaire; mais il est rare que cette exception puisse avoir lieu. L'exercice du pouvoir exorbitant que la coutume accorde, en matière d'aliénation de fonds dotaux, à un mari qui a des enfans, est subordonné à la condition de n'avoir plus de biens de son côté dans tout le chef-lieu, ou au moins de jurer qu'on n'en a plus. Ainsi, en partant du principe que la faculté d'agir dépend de celle d'aliéner, il faudrait qu'un mari, pour être admis en justice à soutenir seul une action réelle, à titre de sa femme, affirmat préalablement, lui, son adversaire et le juge, qu'il ne possède plus rien de son côté dans tout le ressort de la coutume. Car cette loi municipale dit très positivement, comme on l'a déjà vu, qu'un mari ne peut vendre, déshériter, charger, conditionner, aliéner ne fourfaire par possession, NE AUTREMENT, l'héritage venant de par sadite femme, à moins qu'il n'ait épuisé tout son propre patrimoine et qu'il ne le jure ainsi. Or, on sent combien de telles recherches et de telles affirmations seraient embarrassantes et singulières dans le commencement d'une instance : il est bien plus simple et plus régulier de faire intervenir la femme. Il faut cependant excepter de cette décision les coutumes locales de Chimay et de Binche. La première permet indéfiniment au

mari d'aliéner tous les biens de sa femme sans le consentement de celle-ci; la seconde accorde le même pouvoir à celui qui a des enfans : à plus forte raison un mari quelconque, dans l'une, et un mari qui est en même temps père, dans l'autre, peuvent-ils agir seuls en justice pour la propriété des biens de leurs femmes.

[[ VIII. A ces diverses règles, ou plutôt à toutes ces bigarrures de notre ancien droit, le Code civil substitue des dispositions simples et communes à toute la France.

S'agit-il des actions relatives à des biens dotaux proprement dits, c'est-à-dire, à des biens constitués en dot au profit d'une femme mariée sous le regime dotal? L'art. 1549, après avoir dit que « le mari seul en a l'ad»ministration pendant le mariage », ajoute qu'il a le droit d'en poursuivre les débiteurs et détenteurs ; ce qui s'accorde parfaitement, comme l'on voit, avec les décisions du droit romain rappelées ci-dessus, no 1, mais laisse à désirer comme elles, une explication sur le point de savoir si le mari a aussi le droit de defendre seul aux demandes en délaissement, explication qui pourtant peut paraître superflue, si l'on considère que le droit de plaider en défendant, est renfermé dans le droit de plaider en demandant, comme le plus l'est dans le moins.

S'agit-il des actions relatives à des biens qui ne sont qu'improprement qualifiés de dotaux, c'est-à-dire, aux biens personnels d'une femme mariée sous le régime de la communauté? L'art. 1428 porte que le mari peut exercer seul toutes les actions mobilières et possessoires qui appartiennent à sa femmé.

Il ne dit rien, comme l'on voit, des actions immobilières et petitoires. Mais de ce qu'il n'attribue au mari que l'exercice des actions mobilières et possessoires, on peut, on doit même inférer qu'il lui refuse celui des autres actions; et c'est d'ailleurs ce qui résulte évidemment de l'art. 818, rapporté au mot Partage, §. 2, no 3.

S. IV. La Puissance maritale suspend-elle, en faveur de la femme, la pres cription qui courrait contre elle, si elle était libre?

Cette question est traitée au mot Prescrip- ` tion, sect. 1, §. 7, art. 2, quest. 5.

Au surplus, V. les articles Autorisation maritale, Communauté, Dot, Femme, Mari, Récompense, Remploi, Séparation de biens et Séparation de corps. ]]

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