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Ainsi, quand une femme a sa tête fantasque,
On voit une tempète en forme de bourrasque,
Qui veut compétiter par de certains... propos;

Et lors un... certain vent, qui, par... de certains flots,
De... certaine façon, ainsi qu'un banc de sable...
Quand... Les femmes enfin ne valent pas le diable.

C'est fort bien raisonner.

ERASTE.

GROS-RENÉ.

Assez bien, Dieu merci.1

Mais je les vois, monsieur, qui passent par ici.
Tenez-vous ferme, au moins.

ERASTE.

Ne te mets pas en peine.

GROS-RENÉ.

J'ai bien peur que ses yeux resserrent votre chaîne.

SCENE III.

LUCILE, ERASTE, MARINETTE, GROS-RENÉ.

MARINETTE.

Je l'aperçois encor, mais ne vous rendez point.

temps de Molière veut que l'acteur qui fait le personnage du Gros-René indique le plafond pour montrer la cave, et le plancher pour montrer le grenier, ce contre- sens dans les gestes achevant de révéler la confusion dans les idées.

Cette tirade est fort propre, du reste, à exercer le talent des acteurs. Les plus habiles, les maîtres de la scène, par l'art de ménager leur voix, la gaieté et la variété des intonations, la verve et le naturel du débit, y trouvent une occasion de se faire vivement applaudir.

1. Gros-René a raison d'être fier de ce galimatias, que par la suite presque tous les personnages de valets, les Frontin, les Crispin imiteront, et qui ne manquera jamais d'obtenir un franc succès de rire. Disons cependant qu'il en existoit déjà plus d'un modèle.

LUCILE.

Ne me soupçonne pas d'être foible à ce point.

Il vient à nous.

MARINETTE.

ERASTE.

Non, non, ne croyez pas, madame,
Que je revienne encor vous parler de ma flamme.
C'en est fait; je me veux guérir, et connois bien
Ce que de votre cœur a possédé le mien.

Un courroux si constant pour l'ombre d'une offense
M'a trop bien éclairé de votre indifférence,*

Et je dois vous montrer que les traits du mépris
Sont sensibles surtout aux généreux esprits.

Je l'avouerai, mes yeux observoient dans les vôtres
Des charmes qu'ils n'ont point trouvés dans tous les autres,
Et le ravissement où j'étois de mes fers

Les auroit préférés à des sceptres offerts.1

Oui, mon amour pour vous, sans doute, étoit extrême:

Je vivois tout en vous; et, je l'avouerai même,
Peut-être qu'après tout j'aurai, quoique outragé,
Assez de peine encore à m'en voir dégagé :
Possible que, malgré la cure qu'elle essaie,
Mon âme saignera longtemps de cette plaie,
Et qu'affranchi d'un joug qui faisoit tout mon bien,
Il faudra se résoudre à n'aimer jamais rien.**

VAR. M'a trop bien éclairci de votre indifférence (1682).
VAR. Il faudra me résoudre à n'aimer jamais rien (1682).

1. Ces fers préférés à des sceptres offerts figurent souvent dans les scènes amoureuses de nos vieilles comédies. On trouve dans les Menechmes de Rotrou :

Mon cœur est tout de flamme, et des sceptres offerts
Ne lui plairoient pas tant que l'honneur de vos fers.

Mais enfin il n'importe; et puisque votre haine

Chasse un cœur tant de fois que l'amour vous ramène, C'est la dernière ici des importunités

Que vous aurez jamais de mes vœux rebutés.

LUCILE.

Vous pouvez faire aux miens la grâce tout entière,
Monsieur, et m'épargner encor cette dernière.

ÉRASTE.

Hé bien! madame, hé bien! ils seront satisfaits.
Je romps avecque vous, et j'y romps pour jamais,
Puisque vous le voulez. Que je perde la vie
Lorsque de vous parler je reprendrai l'envie!

LUCILE.

Tant mieux : c'est m'obliger.

ERASTE.

Non, non, n'ayez pas peur

Que je fausse parole; eussé-je un foible cœur
Jusques à n'en pouvoir effacer votre image,
Croyez que vous n'aurez jamais cet avantage
De me voir revenir.

LUCILE.

Ce seroit bien en vain.

ÉRASTE.

Moi-même de cent coups je percerois mon sein,

Si j'avois jamais fait cette bassesse insigne
De vous revoir après ce traitement indigne.

LUCILE.

Soit; n'en parlons donc plus.

ERASTE.

Oui, oui, n'en parlons plus;

Et, pour trancher ici tous propos superflus

Et vous donner, ingrate, une preuve certaine

Que je veux, sans retour, sortir de votre chaîne,
Je ne veux rien garder qui puisse retracer
Ce que de mon esprit il me faut effacer.

Voici votre portrait: il présente à la vue

Cent charmes merveilleux dont vous êtes pourvue;'
Mais il cache sous eux cent défauts aussi grands,
Et c'est un imposteur enfin que je vous rends.

Bon.

GROS-RENÉ.

LUCILE.

Et moi, pour vous suivre au dessein de tout rendre, Voilà le diamant que vous m'aviez fait prendre.

MARINETTE.

Fort bien.

ÉRASTE.

Il est à vous encor, ce bracelet.

LUCILE.

Et cette agate à vous, qu'on fit mettre en cachet.

((

ÉRASTE lit:

« Vous m'aimez d'une amour extrême,

Éraste, et de mon cœur voulez être éclairci:

« Si je n'aime Éraste de même,

« Au moins aimé-je fort qu'Éraste m'aime ainsi.

« LUCILE. »

Vous m'assuriez par là d'agréer mon service;
C'est une fausseté digne de ce supplice.

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LUCILE lit:

(Il déchire la lettre. )

J'ignore le destin de mon amour ardente, « Et jusqu'à quand je souffrirai ;

VAR. Cent charmes éclatants dont vous êtes pourvue (1682).

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