Images de page
PDF
ePub

canons des conciles et les décrétales des papes; et le clergé reçut ces lois, comme venant d'une source plus pure. Depuis l'érection des grands fiefs, les rois n'eurent plus, comme j'ai dit, des envoyés dans les provinces pour faire observer des lois émanées d'eux; ainsi, sous la troisième race, on n'entendit plus parler de capitulaires.

[blocks in formation]

Continuation du même sujet.

Ox ajouta plusieurs capitulaires à la loi des

Lombards, aux lois saliques, à la loi des Bavarois. On en a cherché la raison; il faut la prendre dans la chose même. Les capitulaires étoient de plusieurs espèces; les uns avoient du rapport au gouvernement politique, d'autres au gouvernement économique, la plûpart au gouvernement ecclésiastique, quelques-uns au gouvernement civil. Ceux de cette dernière espèce furent ajoutés ' à la loi civile, c'est-à-dire, aux lois personnelles de chaque nation : c'est pour cela qu'il est dit dans les capitulaires qu'on n'a rien stipulé a con. tre la loi romaine. En effet, ceux qui regardoient le gouvernement économique, ecclésiastique, ou politique, n'avoient point de rapport avec cette loi; et ceux qui regardoient le gouvernement civil n'en eurent qu'aux lois des peuples barbares,

a Voyez l'édit de Pistes, art. XX.

que l'on expliquoit, corrigeoit, augmentoit, et diminuoit. Mais ces capitulaires, ajoutés aux lois personnelles, firent, je crois, négliger le corps même des capitulaires : dans des temps d'ignorance, l'abrégé d'un ouvrage fait souvent tomber l'ouvrage même.

CHAPITRE X I.

Autres causes de la chute des codes des lois des barbares, du droit romain et des capitulaires.

LORS

ORSQUE les nations germaines conquirent l'empire romain, elles y trouvèrent l'usage de l'écriture; et, à l'imitation des Romains, elles rédigèrent leurs usages par écrit, et en firent des codes. Les règnes malheureux qui suivent celui de Charlemagne, les invasions des Normands, les guerres intestines, replongèrent les nations victo. rieuses dans les ténèbres dont elles étoient sorties on ne sut plus lire ni écrire. Cela fit oublier en France et en Allemagne les lois barbares écrites, le droit romain et les capitulaires. L'usage de l'écriture se conserva mieux en Italie, où régnoient les papes et les empereurs grecs, et où

a Cela est marqué expressément dans quelques prologues de ces codes. On voit même, dans les lois des Saxons et des Frisons, des dispositions différentes selon les divers districts. On ajouta à ces usages quelques dispositions particulières que les circonstances exigèrent; telles furent les lois dures contre les Saxons.

il y avoit des villes florissantes, et presque le seul commerce qui se fît pour lors. Ce voisinage de l'Italie fit que le droit romain se conserva mieux dans les contrées de la Gaule autrefois soumises aux Goths et aux Bourguignons, d'autant plus que ce droit y étoit une loi territoriale et une espèce de privilège. Il y a apparence que c'est l'ignorance de l'écriture qui fit tomber en Espagne les lois wisigothės; et, par la chûte de tant de lois, il se forma par-tout des coutumes.

Les lois personnelles tombèrent. Les compositions, et ce que l'on appeloit fredaa, se réglèrent plus par la coutume que par le texte de ces lois. Ainsi, comme dans l'établissement de la monarchie on avoit passé des usages des Germains à des lois écrites, on revint quelques siè cles après, des lois écrites à des usages non écrits.

CHAPITRE X I I.

Des coutumes locales: révolution des lois des peuples barbares et du droit romain.

Ox voit par plusieurs monuments qu'il y avoit

déjà des coutumes locales dans la première et la seconde race. On y parle de la coutume dit lieu, de l'usage ancien, de la coutume, des

a J'en parlerai ailleurs.

b Préface des formules de Marculfe.

e Loi des Lombards, liv. II, tit. LVIII, §. 3.

Ibid. tit. XLI, §. 6.

[ocr errors]

loisa, et des coutumes. Des auteurs ont cru que ce qu'on nommoit des coutumes étoient les lois des peuples barbares, et que ce que l'on appeloit la loi étoit le droit romain. Je prouve que cela ne peut être. Le roi Pepin b ordonna que par-tout où il n'y auroit point de loi on suivroit la coutume, mais que la coutume ne seroit pas préférée à la loi. Or, dire que le droit romain eut la préférence sur les codes des lois des barbares, c'est renverser tous les monuments anciens, et sur-tout ces codes des lois des barbares qui disent perpétuellement le contraire.

[ocr errors]

Bien loin que les lois des peuples barbares us sent ces coutumes, ce furent ces lois mêmes qui, comme lois personnelles, les introduisirent. La loi salique, par exemple, étoit une loi personnelle; mais, dans des lieux généralement ou presque généralement habités par des Francs saliens, la loi salique, toute personnelle qu'elle étoit, devenoit, par rapport à ces Francs saliens, une loi territoriale, et elle n'étoit personnelle que pour les Francs qui habitoient ailleurs. Or, si dans un lieu où la loi salique étoit territoriale il étoit arrivé que plusieurs Bourguignons, Allemands, ou Romains même, eussent eu souvent des af faires, elles auroient été décidées par les lois de ces peuples; et un grand nombre de jugements conformes à quelques-unes de ces lois auroit dû

a Vie de S. Léger.

Loi des Lombards, liv. II, tit. XLI, §. 6.

introduire dans les pays de nouveaux usages. Et cela explique bien la constitution de Pepin. Il étoit naturel que ces usages pussent affecter les Francs mêmes du lieu, dans les cas qui n'étoient point décidés par la loi salique; mais il ne l'étoit pas qu'ils pussent prévaloir sur la loi salique.

Ainsi il y avoit dans chaque lieu une loi dominante, et des usages reçus qui servoient de supplément à la loi dominante, lorsqu'ils ne la choquoient pas.

Il pouvoit même arriver qu'ils servissent de supplément à une loi territoriale; et, pour suivre le même exemple, si, dans un lieu où la loi salique étoit territoriale, un Bourguignon étoit jugé par la loi des Bourguignons, et que le cas ne se trouvât pas dans le texte de cette loi, il ne faut pas douter que l'on ne jugeât suivant la coutume du lieu.

Du temps du roi Pepin, les coutumes qui s'étoient formées avoient moins de force que les lois : mais bientôt les coutumes détruisirent les lois; et, comme les nouveaux réglements sont toujours des remèdes qui indiquent un mal présent, on peut croire que du temps de Pepin on commençoit déjà à préférer les coutumes aux lois.

Ce que j'ai dit explique comment le droit romain commença dès les premiers temps à devenir une loi territoriale, comme on le voit dans l'édit de Pistes, et comment la loi gothe ne laissa pas d'y être encore en usage, comme il paroît

« PrécédentContinuer »