Images de page
PDF
ePub
[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

combat en avoit aussi: on changeoit suivant qu'on étoit plus frappé des uns et des autres.

D'un côté, les ecclésiastiques se plaisoient à voir que, dans toutes les affaires séculières, on recourût aux églises a et aux autels; et, de l'autre, une noblesse fière aimoit à soutenir ses droits par son épée.

Je ne dis point que ce fût le clergé qui eut introduit l'usage dont la noblesse se plaignoit. Cette coutume dérivoit de l'esprit des lois des barbares, et de l'établissement des preuves négatives. Mais une pratique qui pouvoit procurer l'impunité à tant de criminels, ayant fait penser qu'il falloit se servir de la sainteté des églises pour étonner les coupables et faire pâlir les parjures, les ecclésiastiques soutinrent cet usage et la pratique à laquelle il étoit joint; car d'ailleurs ils étoient opposés aux preuves négatives. Nous voyons dans Beaumanoir que ces preuves né furent jamais admises dans les tribunaux ecclésiastiques; ce qui contribua sans doute beaucoup à les faire tomber, et à affoiblir la disposition des codes des lois des barbares à cet égard.

b

a Le serment judiciaire se faisoit pour lors dans les églises; et il y avoit dans la première race, dans le palais des rois, une chapelle exprès pour les affaires qui s'y jugeoient. Voyez les formules de Marculfe, liv. I, ch. XXXVIII; les lois des Ripuaires, tit. LIX, S. 4; tit. LXV, §. 5. l'histoire de Gré goire de Tours; le capitulaire de l'an 803, ajouté à la loi salique.

b Ch. XXXIX, p. 212.

Ceci fera encore bien sentir la liaison entre l'usage des preuves négatives et celui du combat judiciaire dont j'ai tant parlé. Les tribunaux laïcs les admirent l'un et l'autre, et les tribunaux clercs les rejettèrent.

Dans le choix de la preuve par le combat la nation suivoit son génie guerrier; car, pendant qu'on établissoit le combat comme un jugement de Dieu, on abolissoit les preuves par la croix, l'eau froide et l'eau bouillante, qu'on avoit regardées aussi comme des jugements de Dieu.

Charlemagne ordonna que, s'il survenoit quelque différent entre ses enfants, il fût terminé par le jugement de la croix. Louis le Débonnaire a borna ce jugement aux affaires ecclésiastiques: son fils Lothaire l'abolit dans tous les cas; il abolit de même la preuve par l'eau froide.

Je ne dis pas que, dans un temps où il y avoit si peu d'usages universellement reçus, ces preuves n'aient été reproduites dans quelques églises, d'autant plus qu'une chartre de Philippe Auguste en fait mention; mais je dis qu'elles furent de peu d'usage. Beaumanoir d, qui vivoit du temps de S. Louis et un peu après, faisant l'énumération des différents genres de preuves,

parle

a On trouve ses constitutions insérées dans la loi des Lombards, et à la suite des lois saliques.

b Dans sa constitution insérée dans la loi des Lombards,

liv. II, tit. LV, §. 31.

c De l'an 1200.

a Coutume de Beauvoisis, ch. XXXIX.

[ocr errors]

parle de celle du combat judiciaire, et point du tout de celles-là.

CHAPITRE X I X.

Nouvelle raison de l'oubli des lois saliques, des lois romaines et des capitulaires.

J'AI

'AI déjà dit les raisons qui avoient fait perdre aux lois saliques, aux lois romaines, et aux capitulaires, leur autorité ; j'ajouterai que la grande extension de la preuve par le combat en fut la principale cause.

[ocr errors]

Les lois saliques, qui n'admettoient point cet usage, devinrent en quelque façon inutiles, et tombèrent les lois romaines, qui ne l'admettoient pas non plus, périrent de même. On ne songea plus qu'à former la loi du combat judiciaire, et à en faire une bonne jurisprudence. Les dispositions des capitulaires ne devinrent pas moins inutiles. Ainsi tant de lois perdirent leur autorité, sans qu'on puisse citer le moment où elles l'ont perdues; elles furent oubliées sans qu'on en trouve d'autres qui aient pris leur place.

Une nation pareille n'avoit pas besoin de lois écrites, et ses lois écrites pouvoient bien aisé ment tomber dans l'oubli.

Y avoit-il quelque discussion entre deux parties? on ordonnoit le combat. Pour cela il ne falloit pas beaucoup de suffisance,

Toutes les actions civiles et criminelles se réduisent en faits. C'est sur ces faits que l'on combattoit; et ce n'étoit pas seulement le fond de T'affaire qui se jugeoit par le combat, mais encore les incidents et les interlocutoires, comme le dit Peaumanoira, qui en donne des exemples.

Je trouve qu'au commencement de la troisième race la jurisprudence étoit toute en procédés; tout fut gouverné par le point d'honneur. Si l'on n'avoit pas obéi au juge, il poursuivoit son offense. A Bourges b, si le prévôt avoit mandé quelqu'un et qu'il ne fût pas venu:,, Je t'ai envoyé chercher, disoit-il; tu as dédaigné de ve,,nir; fais - moi raison de ce mépris. Et l'on combattoit. Louis le Gros réforma cette coutume.

[ocr errors]
[ocr errors]

Le combat judiciaire étoit en usage à Orléans dans toutes les demandes de dettes d. Louis le Jeune déclara que cette coutume n'auroit lieu que lorsque la demande excéderoit cinq sous. Cette ordonnance étoit une loi locale; car, du temps de S. Louis, il suffisoit que la valeur fût de plus de douze deniers. Beaumanoir f avoit

a 'Ch. LXI, p. 309 et 310.

b Chartre de Louis le Gros, de l'an 1145, dans le recueil des ordonnances.

c Ibid.

à Chartre de Louis le Jeune, de l'an 1168, dans le recueil des ordonnances.

c Voyez Beaumanoir, ch. LXIII, p. 325.

f Voyez la coutume de Beauvoisis, ch. XXVIII, p. 203.

ouï dire à un seigneur de loi qu'il y avoit autrefois en France cette mauvaise coutume, qu'on pouvoit louer pendant un certain temps un champion pour combattre dans ses affaires. Il falloit que l'usage du combat judiciaire eût pour lors une prodigieuse extension.

ON

CHAPITRE X X.

Origine du point-d'honneur.

N trouve des énigmes dans les codes des lois des barbares. La loi des Frisons ne donne qu'un demi-sou de composition à celui qui a reçu des coups de bâton; et il n'y a si petite blessure pour laquelle elle n'en donne davantage. Par la loi salique, si un ingénu donnoit trois coups de bâton à un ingénu, il payoit trois sous; s'il avoit fait couler le sang, il étoit puni comme s'il avoit blessé avec le fer, et il payoit quinze sous: la peine se mesuroit par la grandeur des blessures. La loi des Lombards établit différentes compositions pour un coup, pour deux, pour trois, pour quatre. Aujourd'hui un coup en vaut cent mille.

La constitution de Charlemagne, insérée dans la loi des Lombards, veut que ceux à qui elle permet le duel combattent avec le bâton. Peutêtre que ce fut un ménagement pour le clergé ;

a Additio sapientium Willemari, tit. V.

b Liv. I, tit. VI, §. 3.
Liv. II, tit. V, §. 23.

« PrécédentContinuer »