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Quand il y avoit une guerre et qu'un des parents donnoit ou recevoit les gages de bataille, le droit de la guerre cessoit; on pensoit que les parties vouloient suivre le cours ordinaire de la justice; et celle qui auroit continué la guerre auroit été condamnée à réparer les dommages.

Ainsi la pratique du combat judiciaire avoit cet avantage, qu'elle pouvoit changer une querelle générale en une querelle particulière, rendre la force aux tribunaux, et remettre dans l'état civil ceux qui n'étoient plus gouvernés que par le droit des gens.

Comme il y a une infinité de choses sages qui sont menées d'une manière très-follę, il y a aussi des folies qui sont conduites d'une manière très-sage.

Quand a un homme appelé pour un crime montroit visiblement que c'étoit l'appelant même qui l'avoit commis, il n'y avoit plus de gages de bataille; car il n'y a point de coupable qui n'eût préféré un combat douteux à une punition certaine.

Il n'y avoit point de combat dans les affaires qui se décidoient par les arbitres ou par les cours ecclésiastiques; il n'y en avoit pas non plus, lorsqu'il s'agissoit du douaire des femmes.

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,, Femme, dit Beaumanoir, ne se peut combattre." Si une femme appeloit quelqu'un sans

a Beaum. ch. LXIII, p. 324.

b Ibid. p. 323.

nommer son champion, on ne recevoit point les gages de bataille. Il falloit encore qu'une femme fût autorisée par son barona, c'est-à-dire, par son mari, pour appeler; mais sans cette autorité elle pouvoit être appelée.

Si l'appelant ou l'appelé avoit moins de quinze ans, il n'y avoit point de combat. On pouvoit pourtant l'ordonner dans les affaires de pupilles, lorsque le tuteur ou celui qui avoit la baillie, vouloit courir les risques de cette procédure.

Il me semble que voici les cas où il étoit permis au serf de combattre. Il combattoit contre un autre serf: il combattoit contre une personne franche, et même contre un gentilhomme, s'il, étoit appelé : mais s'il l'appeloit, celui-ci pouvoit refuser le combat; et même le seigneur du serf étoit en droit de le retirer de la cour. Le serf pouvoit, par une chartre du seigneur 4, ou combattre contre toutes personnes franches; et l'église e prétendoit ce même droit pour ses serfs, comme une marque de respect pour elle f

par usage,

a Beaum. ch. LXIII, p. 325.

b Ibid. p. 323. Voyez aussi ce que j'ai dit au liv. XVIII,

c Ibid. p. 322.

d Défont. ch. XXII, art. 7.

e Habeant bellandi et testificandi licentiam. Chartre de Louis le Gros, de l'an 1118.

f Ibid.

CHAPITRE XX V I.

Du combat judiciaire entre une des parties et un des témoins.

BEAUMANOIR dit qu'un homme qui voyoit

qu'un témoin alloit déposer contre lui, pouvoit éluder le second en disant aux juges que sa partie produisoit un témoin faux et calomniateur; et si le témoin vouloit soutenir la querelle, il donnoit les gages de bataille. Il n'étoit plus question de l'enquête; car, si le témoin étoit vaincu, il étoit décidé que la partie avoit produit un faux témoin, et elle perdoit son procès.

Il ne falloit pas laisser jurer le second témoin; car il auroit prononcé son témoignage, et l'affaire auroit été finie par la déposition de deux témoins. Mais, en arrêtant le second, la déposition du premier devenoit inutile.

Le second témoin étant ainsi rejeté, la partie n'en pouvoit faire ouïr d'autres, et elle perdoit son procès mais, dans le cas où il n'y avoit point de gages de bataille, on pouvoit produire d'autres témoins.

a

Ch. LXI, p. 315.

Beaumanoir

b Leur doit-on demander, avant qu'ils fassent nul serment, pour qui ils veulent témoigner; car l'enques gist li point d'aus, lever de faux témoignage. Beaum. ch. XXXIX, p. 218.

• Beaumanoir, ch. LXI, p. 316.

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Beaumanoir dit a que le témoin pouvoit dire à sa partie avant de déposer:,, Je ne me bée pas à combattre pour votre querelle, ne à entrer ,, en plet au mien; mais se vous me voulez dé,, fendre, volontiers dirai ma vérité. " La partie se trouvoit obligée à combattre pour le témoin; et, si elle étoit vaincue, elle ne perdoit point le corps, mais le témoin étoit rejeté.

Je crois que ceci étoit une modification de l'ancienne coutume; et ce qui me le fait penser, c'est que cet usage d'appeler les témoins se trouve établi dans la loi des Bavarois et dans celle des Bourguignons, sans aucune restriction.

J'ai déjà parlé de la constitution de Gondebaud, contre laquelle Agobarde et S. Avit f se récrièrent tant.

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Quand l'accusé, dit ce prince, présente des témoins pour jurer qu'il n'a pas commis le crime, l'accusateur pourra appeler au com,, bat un des témoins; car il est juste que celui ,, qui a offert de jurer, et qui a déclaré qu'il ,, savoit la vérité, ne fasse point de difficulté de combattre pour la soutenir. Ce roi ne laissoit aux témoins aucun subterfuge pour éviter le combat.

a Ch. VI, p. 39 et 40.

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b Mais si le combat se faisoit par champions, le champion

vaincu avoit le poing coupé.

c Tit. XVI, §. 2.

d Tit. XLV.

e Lettre à Louis le Débonnaire.

f Vie de S. Avit.

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:

CHAPITRE XX VI I.

Du combat judiciaire entre une partie et un des pairs du seigneur. Appel de faux jugement.

La nature de la décision par le combat étant

de terminer l'affaire pour toujours, et n'étant point compatible avec un nouveau jugement et de nouvelles poursuites, l'appel, tel qu'il est établi par les lois romaines et par les lois canoniques, c'est-à-dire, à un tribunal supérieur pour faire réformer le jugement d'un autre, étoit inconnu en France.

Une nation guerrière, uniquement gouvernée par le point-d'honneur, ne connoissoit pas cette forme de procéder; et, suivant toujours le même esprit, elle prenoit contre les juges les voies qu'elle auroit pu employer contre les parties.

L'appel, chez cette nation, étoit un défi à un combat par armes, qui devoit se terminer par le sang, et non pas cette invitation à une querelle de plume qu'on ne connut qu'après.

Aussi S. Louis dit-il, dans ses établissements que l'appel contient félonie et iniquité. Aussi

a " Car en la cour où l'on va par la raison de l'appel » pour les gages maintenir, se bataille est faite, la querelle est venue la fin, si que il n'y a métier de plus d'apiaux. Beaum. ch. II, p. 22.

رو

b Id. ch. LXI, p. 212; et ch. LXVII, p. 338.
Liv. II, ch. XV.

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