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Il ne pouvoit guère être question de l'appel de défaute de droit; car, bien loin que dans ces temps-là on eût coutume de se plaindre que les comtes et autres gens qui avoient droit de tenir des assises ne fussent pas exacts à tenir leur cour, on se plaignoit au contraire qu'ils l'étoient trop; et tout est plein d'ordonnances qui défendent aux comtes et autres officiers de justice quelconques de tenir plus de trois assises par an. Il falloit moins corriger leur négligence qu'arrêter leur activité..

Mais, lorsqu'un nombre innombrable de petites seigneuries se formèrent, que différents degrés de vasselage furent établis, la négligence de certains vassaux à tenir leur cour donna naissance à ces sortes d'appels, d'autant plus qu'il en revenoit au seigneur suzerain des amendes considé◄ rables.

L'usage du combat judiciaire s'étendant de plus en plus, il y eut des lieux, les cas, des temps, où il fut difficile d'assembler les pairs, et où par conséquent on négligea de rendre la justice. L'appel de défaute de droit s'introduisit; et ces sortes d'appels ont été souvent des points remarquables de notre histoire: parce que la plûpart des guerres de ces temps-là avoient pour motif la violation du droit politique, comme nos

a Voyez la loi des Lombards, liv. II, tit. LII, art. 22. b On voit des appels de défaute de droit dès le temps de Philippe Auguste.

guerres d'aujourd'hui ont ordinairement pour cause ou pour prétexte celle du droit des gens.

Beaumanoir dit que, dans le cas de défaute de droit, il n'y avoit jamais de bataille; en voici les raisons. On ne pouvoit pas appeler au combat le seigneur lui-même, à cause du respect dû à sa personne; on ne pouvoit pas appeler les pairs du seigneur, parce que la chose étoit claire, et qu'il n'y avoit qu'à compter les jours des ajournements ou des autres délais: il n'y avoit point de jugement, et on ne faussoit que sur un jugement: enfin le délit des pairs offensoit le seigneur comme la partie; et il étoit contre l'ordre qu'il y eût un combat entre le seigneur et ses pairs.

Mais b, comme devant le tribunal suzerain on prouvoit la défaute par témoins, on pouvoit appeler au combat les témoins, et par-là on n'offensoit ni le seigneur ni son tribunal.

Dans les cas où la défaute venoit de la part des hommes ou pairs du seigneur qui avoient différé de rendre la justice, ou évité de faire le jugement après les délais passés, c'étoient les pairs du seigneur qu'on appeloit de défaute de droit devant le suzerain; et s'ils succomboient, ils d payoient une amende à leur seigneur. Celui-ci ne pouvoit porter aucun secours à ses hommes; au

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contraire, il saisissoit leur fief, jusqu'à ce qu'ils lui eussent payé chacun une amende de soixan. te livres.

2o. Lorsque la défaute venoit de la part du seigneur, ce qui arrivoit lorsqu'il n'y avoit pas assez d'hommes à sa cour pour faire le jugement, ou lorsqu'il n'avoit pas assemblé ses hommes, ou mis quelqu'un à sa place pour les assembler, on demandoit la défaute devant le seigneur suzerain: mais, à cause du respect dû au seigneur, on faisoit ajourner la partie a, et non pas le seigneur.

Le seigneur demandoit sa cour devant le tribunal suzerain; et, s'il gagnoit la défaute, on lui renvoyoit l'affaire et on lui payoit une amende de soixante livres ; mais si la défaute étoit prouvée, la peine contre lui étoit de perdre le jugement de la chose contestée; le fond étoit jugé dans le tribunal suzerain; en effet, on n'avoit demandé la défaute que pour cela.

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3°. Si l'on plaidoit d à la cour de son seigneur contre lui, ce qui n'avoit lieu que pour les affaires qui concernoient le fief; après avoir laissé

a Defont. ch. XXI, art. 32.

b Beaum. ch. LXI, p. 312.

e Défont. ch. XXI, art. 1, 29.

d Sous le règne de Louis VIII, le site de Nesle plaidoit contre Jeanne, comtesse de Flandre; il la somma de le faire juger dans quarante jours, et il l'appela ensuite de défaute de droit à la cour du roi. Elle répondit qu'elle le feroit juger par ses pairs en Flandre. La cour du roi prononça qu'il n'y seroit point renvoyé, et que la comtesse seroit ajournée.

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passer tous les délais, on sommoit le a seigneur même devant bonnes gens et on le faisoit sommer par le souverain, dont on devoit avoir permission. On n'ajournoit point par pairs, parce que les pairs ne pouvoient ajourner leur seigneur; mais ils pouvoient ajourner ↳ pour leur seigneur.

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Quelquefois l'appel de défaute de droit étoit suivi d'un appel de faux jugement, lorsque le seigneur, malgré la défaute, avoit fait rendre le jugement.

Le vassal d qui appeloit à tort son seigneur de défaute de droit, étoit condamnéà lui payer une amende à sa volonté.

Les Gantois avoient appelé de défaute de droit le comte de Flandre devant le roi, sur ce qu'il avoit différé de leur faire rendre jugement en sa cour. Il se trouva qu'il avoit pris encore moins de délais que n'en donnoit la coutume du pays. Les Gantois lui furent renvoyés; il fit saisir de leurs biens jusqu'à la valeur de soixante mille livres. Ils revinrent à la cour du roi, pour que cette amende fût modérée; il fut décidé que le comte pouvoit prendre cette amende, et même

a Défont. ch. XXI, art. 34.
b Défont. ch. XXI, art. 9.

c Beauman. eh. LXI, p. 311,

plus

d Ibid. p. 312. Mais celui qui n'auroit été homme ni tenant du seigneur, ne lui payoit qu'une amende de 60 livres. Ibid.

e Ibid. p. 318.

plus s'il vouloit. Beaumanoir avoit assisté à ces jugements.

4°. Dans les affaires que le seigneur pouvoit avoir contre le vassal pour raison du corps ou de l'honneur de celui-ci, ou des biens qui n'étoient pas du fief, il n'étoit point question d'appel de défaute de droit; puisqu'on ne jugeoit point à la cour du seigneur, mais à la cour de celui de qui il tenoit les hommes, dit Défontaines a, n'ayant pas droit de faire jugement sur le corps de leur seigneur.

J'ai travaillé à donner une idée claire de ces choses, qui, dans les auteurs de ces temps-là, sont si confuses et si obscures, qu'en vérité les tirer du chaos où elles sont, c'est les découvrir.

CHAPITRE X X I X.

Époque du règne de saint-Louis.

SAINT-LOUIS abolit le combat judiciaire dans

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les tribunaux de ses domaines, comme il paroît par l'ordonnance qu'il fit là-dessus, et par les Etablissements .

a Ch. XXI, art. 35.

En 1260.

e Liv. I, ch. II et VII; liv. II, ch. X et XI.

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