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cela est confirmé par les Établissements a. Aussi,

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dit encore Défontaines b, n'y a-t-il entre toi, seigneur et ton villain autre juge fors Dieu.

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C'étoit l'usage du combat judiciaire qui avoit exclu les villains de pouvoir fausser la cour de leur seigneur; et cela est si vrai, que les villains qui, par chartre ou par usage, avoient droit de combattre, avoient aussi droit de fausser la cour de leur seigneur, quand même les hommes qui avoient jugé auroient été chevaliers ; et Défontaines donne des expédients pour que ce scandale du villain qui, en faussant le jugement, combattroit contre un chevalier, n'arrivât pas.

La pratique des combats judiciaires commençant à s'abolir, et l'usage des nouveaux appels à s'introduire, on pensa qu'il étoit déraisonnable que les personnes franches eussent un remède contre l'injustice de la cour de leurs seigneurs, et que les villains ne l'eussent pas; et le parlement reçut leurs appels comme ceux des personnes franches.

a Liv. I, ch. CXXXVI.

b Ch. II, art. 8.

c Défont. ch. XXII, art. 7. Cet article et le 21 du ch, XXII du même auteur ont été jusqu'ici très-mal expliqués. Défontaines ne met point en opposition le jugement du seigneur avec celui du chevalier, puisque c'étoit le même; mais il oppose le villain ordinaire à celui qui avoit le privilège de combatre. d Les chevaliers peuvent toujours être du nombre des juges. Défont. ch. XXI, art. 48.

e Ch. XXII, art. Id

CHAPITRE

LORSQU'

X X X I I.

Continuation du même sujet.

ORSQU'ON faussoit la cour de son seigneur, il venoit en personne devant le seigneur suzerain pour défendre le jugement de sa cour. De même ", dans le cas d'appel de défaute de droit, la partie ajournée devant le seigneur suzerain menoit son seigneur avec elle, afin que, si la défaute n'étoit pas prouvée, il pût ravoir sa cour.

Dans la suite, ce qui n'étoit que deux cas particuliers étant devenu général pour toutes les af-faires par l'introduction de toutes sortes d'appels,

il

parut extraordinaire que le seigneur fût obligé de passer sa vie dans d'autres tribunaux que les siens, et pour d'autres affaires que les siennes. Philippe de Valois ↳ ordonna que les baillis seuls seroient ajournés; et, quand l'usage des appels devint encore plus fréquent, ce fut aux parties à défendre à l'appel; le fait du juge devint le fait de la partie ".

J'ai dit que dans l'appel de défaute de droit le seigneur ne perdoit que le droit de faire juger l'affaire en sa cour. Mais, si le seigneur étoit attaqué

a Défont. ch. XXI, art. 33.

b En 1332.

• Voyez quel étoit l'état des choses an temps de Boutillier, qui vivoit en l'an 1402. Somme rurale, liv. I. p. 19 et 20. d Ci-dessus, ch. XXX.

lui-même comme a partie, ce qui devint très-fréquent , il payoit au roi ou au seigneur suzerain devant qui on avoit appelé, une amende de soixante livres. De-là vint cet usage, lorsque les appels furent universellement reçus, de faire payer l'amende au seigneur lorsqu'on réformoit la sentence de son juge; usage qui subsista long-temps, qui fut confirmé par l'ordonnance de Roussillon, et que son absurdité a fait périr.

c

CHAPITRE X X X II I.

Continuation du même sujet.

ANS la pratique du combat judiciaire, le fausseur qui avoit appelé un des juges pouvoit perdre par le combat son procès, et ne pouvoit pas le gagner. En effet, la partie qui avoit un jugement pour elle n'en devoit pas être privée par le fait d'autrui. Il falloit donc que le fausseur qui avoit vaincu combattît encore contre la partie, non pas pour savoir si le jugement étoit bon ou mauvais; il ne s'agissoit plus de ce jugement, puisque le combat l'avoit anéanti; mais pour décider si la demande étoit légitime ou non; et c'est sur ce nouveau point que l'on combattoit. De-là doit être venue notre manière de prononcer les arrêts:

a Beauman. ch. LXI, p. 312 et 318.

b Ibid.

• Défontaines, ch. XXI, art. 14.

La cour met l'appel au néant; la cour met l'appel et ce dont a été appelé au néant. En effet, quand celui qui avoit appelé de faux jugement étoit vaincu, l'appel étoit anéanti: quand il avoit vaincu, le jugement étoit anéanti, et l'appel même; il falloit procéder à un nouveau jugement.

Cela est si vrai, que, lorsque l'affaire se jugeoit par enquêtes, cette manière de prononcer n'avoit pas lieu. M. de la Roche- Flavin a nous dit que la chambre des enquêtes ne pouvoit user de cette forme dans les premiers temps de sa création.

CHAPITRE XXX I V.

Comment la procédure devint secrète.

LES duels avoient introduit une forme de pro

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cédure publique: l'attaque et la défense étoient également connues. Les témoins, dit b Beaumanoir, doivent dire leur témoignage devant ,, tous.

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Le commentateur de Boutillier dit avoir appris d'anciens praticiens et de quelques vieux proces écrits à la main, qu'anciennement, en France, les procès criminels se faisoient publiquement et en une forme non guère différente des jugements publics des Romains. Ceci étoit lié avec l'ignorance

a Des parlements de France, liv. I, ch. XVI,
Ch. LXI, p. 315.

de l'écriture, commune dans ces temps-là. L'usage de l'écriture arrête les idées, et peut faire établir le secret: mais, quand on n'a point cet usage, il n'y a que la publicité de la procédure qui puisse fixer ces mêmes idées.

Et, comme il pouvoit y avoir de l'incertitude sur ce qui avoit été jugé a par hommes ou plaidé devant hommes, on pouvoit en rappeler la mémoire, toutes les fois qu'on tenoit la cour, par ce qui s'appeloit la procédure par record '; et, dans ce cas, il n'étoit pas permis d'appeler les témoins au combat, car les affaires n'auroient jamais eu de fin.

Dans la suite il s'introduisit une forme de procéder secrète. Tout étoit public: tout devint caché, les interrogatoires, les informations, le récolement, la confrontation, les conclusions de la partie publique; et c'est l'usage d'aujourd'hui. La première forme de procéder convenoit au gouvernement d'alors, comme la nouvelle étoit propre au gouvernement qui fut établi depuis.

Le commentateur de Boutillier fixe à l'ordonnance de 1539 l'époque de ce changement. Je crois qu'il se fit peu à peu, et qu'il passa de seigneurie en seigneurie, à mesure que les seigneurs renoncèrent à l'ancienne pratique de juger, et que celle tirée des Établissements de S. Louis vint à se perfectionner.

a Comme dit Beaumanoir, ch. XXXIX, p. 209.

b On prouvoit par témoins ce qui s'étoit déjà passé, dit ou or◄ donné en justice.

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