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méchant après avoir reçu satisfaction de lui, souffrira au jour du jugement des tourments douloureux.

Chez les Germains, on héritoit des haines et des inimitiés de ses proches; mais elles n'étoient pas éternelles. On expioit l'homicide en donnant une certaine quantité de bétail, et toute la famille recevoit la satisfaction: chose très- utile, dit Tacite b , parce que les inimitiés sont plus dangereuses chez un peuple libre. Je crois bien que les ministres de la religion, qui avoient tant de crédit parmi eux, entroient dans ces réconciliations.

Chez les Malais b, où la réconciliation n'est pas établie, celui qui a tué quelqu'un, sûr d'être assassiné par les parents ou les amis du mort, s'abandonne à sa fureur, blesse et tue tout ce qu'il rencontre.

CHAPITRE X VIII.

Comment les lois de la religion ont l'effet des lois civiles.

LES

ES premiers Grecs étoient des petits peuples souvent dispersés, pirates sur la mer, injustes sur la terre, sans police et sans lois. Les belles

a De Moribus German.

b Recueil des Voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes, tome VII, page 303. Voyez aussi les Mémoires du comte de Forbin, et ce qu'il dit sur les Macassars.

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actions d'Hercule et de Thésée font voir l'état où se trouvoit ce peuple naissant. Que pouvoit faire la religion que ce qu'elle fit pour donner de l'horreur du meurtre? Elle établit qu'un homme tué par violence étoit d'abord en colère contre le meurtrier, qu'il lui inspiroit du trouble et de la terreur, et vouloit qu'il lui cédât les lieux qu'il avoit fréquentés; on ne pouvoit toucher le criminel ni converser avec lui, sans être souillé ou intestable; la présence du meurtrier devoit être épargnée à la ville, et il falloit l'expier .

CHAPITRE XIX.

Que c'est moins la vérité ou la fausseté d'un dogme qui le rend utile ou pernicieux aux hommes dans l'état civil, que l'usage ou l'abus que l'on en fait.

LIES

ES dogmes les plus vrais et les plus saints peuvent avoir de très-mauvaises conséquences, lorsqu'on ne les lie pas avec les principes de la société; et, au contraire, les dogmes les plus faux en peuvent avoir d'admirables, lorsqu'on fait qu'ils se rapportent aux mêmes principes.

La religion de Confucius nie l'immortalité de l'ame; et la secte de Zénon ne la croyoit pas. Qui le diroit? ces deux sectes ont tiré de leurs

a Platon, des Lois, liv. IX.

b Voyez la trag. d'Oedipe à Colonne.
c Platon, des Lois, liv. IX.

mauvais principes des conséquences, non pas justes, mais admirables pour la société.

La religion des Tao et des Foé croit l'immortalité de l'ame; mais de ce dogme si saint ils ont tiré des conséquences affreuses a.

Presque par tout le monde et dans tous les temps, l'opinion de l'immortalité de l'ame, mal prise, a engagé les femmes, les esclaves, les sujets, les amis à se tuer, pour aller servir dans l'autre monde l'objet de leur respect ou de leur amour. Cela étoit ainsi dans les Indes occidentales, cela étoit ainsi chez les Danois b, et cela est encore aujourd'hui au Japon, à Macassard, et dans plusieurs autres endroits de la terre.

Ces coutumes émanent moins directement du dogme de l'immortalité de l'ame que de celui de

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a Un philosophe chinois argumente ainsi contre la doctrine de Foé. Il est dit dans un livre de cette secte que notre » corps est notre domicile, et l'amc l'hôtesse immortelle qui "y loge mais si le corps de nos parents n'est qu'un logement, il est naturel de le regarder avec le même mépris qu'on a » pour un amas de boue et de terre N'est-ce pas vouloir arracher du coeur la vertu de l'amour des parents? Cela porte », de même à négliger les soins du corps, et à lui refuser la ,, compassion et l'affection si nécessaires pour sa conservation ainsi les disciples de Foé se tuent à milliers. " vrage d'un philosophe chinois, dans le recueil du P. du Halde, tome III, p. 52.

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b Voyez Thomas Bartholin, Antiquités danoises.

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Ou

Relation du Japon, dans le Recueil des Voyages qui ont

servi à l'établissement de la compagnie des Indes.

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la résurrection des corps; d'où l'on a tiré cette conséquence, qu'après la mort un même individu auroit les mêmes besoins, les mêmes sentiments, les mêmes passions. Dans ce point de vue, le dogme de l'immortalité de l'ame affecte prodigieusement les hommes, parce que l'idée d'un simple changement de demeure est plus à la portée de notre esprit et flatte plus notre coeur que l'idée d'une modification nouvelle.

Ce n'est pas assez pour une religion d'établir un dogme, il faut encore qu'elle le dirige. C'est ce qu'a fait admirablement bien la religion chrétienne à l'égard des dogmes dont nous parlons: elle nous fait espérer un état que nous croyions, non pàs un état que nous sentions ou que nous connoissions: tout, jusqu'à la résurrection des corps, nous mène à des idées spirituelles.

CHAPITRE XX.

Continuation du même sujet.

Les livres sacrés des anciens Perses disoient :

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Si vous voulez être saint, instruisez vos enfants, parce que toutes les bonnes actions qu'ils ,, feront vous seront imputées. " Ils conseilloient de se marier de bonne heure, parce que les enfants seroient comme un pont au jour du jugement, et que ceux qui n'auroient point d'enfants

a M. Hyde.

ne pourroient pas passer.

Ces dogmes étoient

faux, mais ils étoient très-utiles.

CHAPITRE X X I.

De la métempsycose.

LE dogme de l'immortalité de l'ame se divise

en trois branches, celui de l'immortalité pure, celui du simple changement de demeure, celui de la métempsycose; c'est-à-dire, le systême des chrétiens, le systême des Scythes, le systême des Indiens. Je viens de parler des deux premiers; et je dirai du troisièmé que, comme il a été bien et mal dirigé, il a aux Indes de bons et de mauvais effets. Comme il donne aux hommes une certaine horreur pour verser le sang, il y a aux Indes très-peu de meurtres; et quoiqu'on n'y punisse guère de mort, tout le monde y est tranquille,

D'un autre côté, les femmes s'y brûlent à la mort de leurs maris : il n'y a què les innocents qui y souffrent une mort violente.

CHAPITRE XXII,

Combien il est dangereux que la religion inspire de l'horreur pour des choses indifférentes.

UN certain honneur que des

N certain honneur que des préjugés de religion établissent aux Indes fait que les diverses

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