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qu'un père qui donnoit à un de ses enfants un royaume y joignît toujours un trésor a; que le trésor du roi fût regardé comme nécessaire à la monarchie; et qu'un roi ne pût, même pour la dot de sa fille, en faire part aux étrangers sans le consentement des autres rois. La monarchie avoit son allure par des ressorts qu'il falloit toujours remonter.

CHAPITRE V.

De la conquête des Francs.

Il n'est pas vrai que les Francs, entrant dans la

L

Gaule, aient occupé toutes les terres du pays pour en faire des fiefs. Quelques gens ont pensé ainsi, parce qu'ils ont vu sur la fin de la seconde race presque toutes les terres devenues des fiefs, des arrière-fiefs, ou des dépendances de l'un ou de l'autre: mais cela a eu des causes particulières qu'on expliquera dans la suite.

La conséquence qu'on en voudroit tirer, que les barbares firent un réglement général pour établir par-tout la servitude de la glèbe, n'est pas moins fausse que le principe. Si, dans un temps où les fiefs étoient amovibles, toutes les terres du .

a Voyez la vie de Dagobert.

b Voyez Grégoire de Tours, liv. VI, sur le mariage de la fille de Chilpéric. Childebert lui envoie des ambassadeurs pour lui dire qu'il n'ait point à donner des villes du royaume de son père à sa fille, ni de ses trésors, ni des serfs, ni des chevaux, ni des cavaliers, ni des attelages de boeufs, etc.

royaume avoient été des fiefs ou des dépendances des fiefs, et tous les hommes du royaume des vassaux ou des serfs qui dépendoient d'eux; comme celui qui a les biens a toujours aussi la puissance, le roi, qui auroit disposé continuellement des fiefs, c'est-à-dire de l'unique propriété, auroit eu une puissance aussi arbitraire que celle du sultan l'est en Turquie; ce qui renverse toute l'histoire.

CHAPITRE V I.

Des Goths, des Bourguignons, et des Francs.

LES Gaules furent envahies par les nations ger

maines. Les Wisigoths occupèrent la Narbonnoise et presque tout le midi; les Bourguignons s'établirent dans la partie qui regarde l'orient; et les Francs conquirent à peu près le reste.

Il ne faut pas douter que ces barbares n'aient conservé dans leurs conquêtes les moeurs, les inclinations et les usages qu'ils avoient dans leur pays, parce qu'une nation ne change pas dans un instant de manière de penser et d'agir. Ces peuples, dans la Germanie, cultivoient peu les terres. Il paroît, par Tacite et César, qu'ils s'appliquoient beaucoup à la vie pastorale: aussi les dispositions des codes des lois des barbares roulent-elles presque toutes sur les troupeaux. Roricon, qui écrivoit l'histoire chez les Francs, étoit pasteur.

CHAPITRE VII.

Différentes manières de partager les terres.

LES

ES Goths et les Bourguignons ayant pénétré, sous divers prétextes, dans l'intérieur de l'empire, les Romains, pour arrêter leurs dévastations, furent obligés de pourvoir à leur subsistance. D'abord ils leur donnoient du bled a; dans la suite ils aimérent mieux leur donner des terres. Les empereurs, ou, sous leur nom, les magistrats romains, firent des conventions avec eux sur le partage du pays, comme on le voit dans les chroniques et dans les codes des Wisigoths et des Bourguignons d

C

Les Francs ne suivirent pas le même plan. On ne trouve dans les lois saliques et ripuaires aucune trace d'un tel partage de terres: ils avoient conquis, ils prirent ce qu'ils voulurent, et ne firent de réglements qu'entre eux.

Distinguons donc le procédé des Bourguinons et des Wisigoths dans la Gaule, celui de ces

a Voyez Zosime, liv. V, sur la distribution du bled demandée par Alaric.

b Burgundiones partem Galliae occupaverunt, terrasque cum gallicis senatoribus diviserunt. Chronique de Marius, sur l'an 456. e Liv. X, tit. I, §. 8, 9 et 16.

d Ch. LIV, §. 1 et 2; et ce partage subsistoit du temps de Louis le Débonnaire, comme il paroit par son capitulaire de l'an $29, qui a été inséré dans la loi des Bourguignons, tit. LXXIX, §. 1.

mêmes Wisigoths en Espagne, des soldats auxiliaires a sous Augustule et Odoacer en Italie, d'avec celui des Francs dans les Gaules et des Vandales en Afrique. Les premiers firent des conventions avec les anciens habitants, et en conséquence un partage de terres avec eux; les seconds ne firent rien de tout cela.

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Continuation du même sujet.

Ce qui donne l'idée d'une grande usurpation

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des terres des Romains par les barbares, c'est qu'on trouve, dans les lois des Wisigoths et des Bourguignons, que ces deux peuples eurent les deux tiers des terres: mais ces deux tiers ne furent pris que dans de certains quartiers qu'on leur assigna.

C

Gondebaud dit , dans la loi des Bourguignons, que son peuple, dans son établissement, reçut les deux tiers des terres; et il est dit dans le second supplément à cette loi, qu'on n'en donneroit plus que la moitié à ceux qui viendroient dans le pays. Toutes les terres n'avoient

a Voyez Procope, Guerre des Goths.

b Guerre des Vandales.

c Licet eo tempore quo populus noster mancipiorum tertiam et duas terrarum partes accepit, etc. Loi des Bourguignons, tit. LIV, §. 1.

d Ut non amplius à Burgundionibus qui infra venerunt requiratur quam ad praesens necessitas fuerit, medietas terrae Art. XI.

donc pas d'abord été partagées entre les Romains et les Bourguignons.

On trouve dans les textes de ces deux réglements les mêmes expressions; ils s'expliquent donc l'un et l'autre. Et, comme on ne peut pas entendre le second d'un partage universel des terres, on ne peut pas non plus donner cette signification au premier.

Les Francs agirent avec la même modération que les Bourguignons; ils ne dépouillèrent pas les Romains dans toute l'étendue de leurs conquêtes. Qu'auroient-ils fait de tant de terres? Ils prirent celles qui leur convinrent, et laissèrent le reste.

CHAPITRE I X.

Juste application de la loi des Bourguignons et de celle des Wisigoths sur le partage des terres.

Il faut considérer que ces partages ne furent point

faits par un esprit tyrannique, mais dans l'idée de subvenir aux besoins mutuels des deux peuples qui devoient habiter le même pays.

La loi des Bourguignons veut que chaque Bourguignon soit reçu en qualité d'hôte chez un Romain. Cela est conforme aux moeurs des Germains, qui, au rapport de Tacite a, étoient le peuple de la terre qui aimoit le plus à exercer l'hospitalité.

.

La loi veut que le Bourguignon ait les deux tiers des terres, et le tiers des serfs. Elle suivoit

a De Moribus German.

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