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françaises et celles d'Italie et d'Espagne, sur les droits des seigneurs.

La conquête ne fut que l'affaire d'un moment; et le droit des gens que l'on y employa produisit quelques servitudes. L'usage du même droit des gens, pendant plusieurs siècles, fit que les servitudes s'étendirent prodigieusement.

Theuderica, croyant que les peuples d'Auvergne ne lui étoient pas fidèles, dit aux Francs de son partage,, Suivez-moi; je vous menerai dans un pays où vous aurez de l'or, de l'argent, des captifs, des vêtements, des trou,, peaux en abondance; et vous en transférerez ,, tous les hommes dans votre pays.

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Après la paix b qui se fit entre Gontrand et Chilpéric, ceux qui assiégeoient Bourges ayant eu ordre de revenir, ils amenèrent tant de butin, qu'ils ne laissèrent presque dans le pays ni hommes ni troupeaux.

©:

Théodoric, roi d'Italie, dont l'esprit et la politique étoient de se distinguer toujours des autres rois barbares, envoyant son armée dans la Gaule, écrit au général :,, Je veux qu'on suive les lois romaines, et que vous rendiez les esclaves fugitifs à leurs maîtres: le défenseur de la liberté ne doit point favoriser l'abandon de la servitude. Que les autres rois se plaisent dans le pillage et la ruine des villes qu'ils ont

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a Grégoire de Tours, liv. III.

b Id. liv. VI, ch. XXXI.

© Lett. XLIII, liv. III, dans Cassiodore.

,, prises: nous voulons vaincre de manière que nos sujets se plaignent d'avoir acquis trop tard ,, la sujétion. Il est clair qu'il vouloit rendre odieux les rois des Francs et des Bourguignons, et qu'il faisoit allusion à leur droit des gens.

Ce droit subsista dans la seconde race. L'armée de Pepin, étant entrée en Aquitaine, revint en France chargée d'un nombre infini de dépouilles et de serfs, disent les annales de Metz a

C

Je pourrois citer des autorités b sans nombre. Et comme, dans ces malheurs, les entrailles de la charité s'émurent; comme plusieurs saints évêques, voyant les captifs attachés deux à deux employèrent l'argent des églises et vendirent même les vases sacrés pour en racheter ce qu'ils purent; que de saints moines s'y employèrent ; c'est dans les vies des saints que l'on trouve les plus grands éclaircissements sur cette matière. Quoiqu'on puisse reprocher aux auteurs de ces vies d'avoir été quelquefois un peu trop crédules sur des choses que Dieu a certainement faites, si elles ont été dans l'ordre de ses desseins, on ne laisse pas d'en tirer de grandes lumières sur les moeurs et les usages de ces temps-là.

a Sur l'an 463. Innumerabilibus spoliis et captivis totus ille exercitus ditatus in Franciam reversus est.

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b Annales de Fulde, année 739; Paul diacre, de gestis Lons gobardorum, liv. III, ch. XXX; et liv. IV, ch. I; et les Vies des saints citées à la note page suivante.

c Voyez les vies de S. Epiphane, de S. Eptadius, de S. Césaire, de S. Fidole, de S. Porcien, de S. Trévérius, de S. Eusichius, et de S. Léger, les miracles de S. Julien.

Quand on jette les yeux sur les monuments de notre histoire et de nos lois, il semble que tout est mer, et que les rivages mêmes manquent à la mera. Tous ces écrits froids, secs, insipides et durs, il faut les lire, il faut les dévorer, comme la fable dit que Saturne dévoroit les pierres.

Une infinité de terres que les hommes libres faisoient valoir b se changèrent en main - mortables quand un pays se trouva privé des hommes libres qui l'habitoient, ceux qui avoient beaucoup de serfs prirent ou se firent céder de grands territoires, et y bâtirent des villages, comme on le voit dans diverses chartres. D'un autre côté, les hommes libres qui cultivoient les arts se trouverent être des serfs qui devoient les exercer les servitudes rendoient aux arts et au labourage ce qu'on leur avoit ôté.

Ce fut une chose usitée, que les propriétaires des terres les donnèrent aux églises pour les tenir eux-mêmes à cens, croyant participer par leur servitude à la sainteté des églises.

2.

.. Deerant quoque littora ponto. Ovid. Métam. liv. I. Les colons même n'étoient pas tous serfs: voyez les lois XVIII et XXIII, au code de agricolis et censitis et colonis, et la vingtième du même titre.

CHAPITRE XII.

Que les terres du partage des barbares ne payoient point de tributs.

Des peuples simples, pauvres, libres, guer

a

riers, pasteurs, qui vivoient sans industrie et ne tenoient à leurs terres que par des cases de jonc a, suivoient des chefs pour faire du butin, et non pas pour payer ou lever des tributs. L'art de la maltôte est toujours inventé après coup et lorsque les hommes commencent à jouir de la félicité des autres arts.

b

Le tribut passager d'une cruche de vin par arpent, qui fut une des vexations de Chilpéric et de Frédégonde, ne concerna que les Romains,' En effet, ce ne furent pas les Francs qui déchirèrent les rôles de ces taxes, mais les ecclésiastiqnes, qui, dans ces temps-là, étoient tous Romains . Ce tribut affligea principalement les habitants des villes d: or les villes étoient presque toutes habitées par des Romains.

a Voyez Grégoire de Tours, liv. II.

b Id. liv. V.

c Cela paroît par toute l'histoire de Grégoire de Tours. Le même Grégoire demande à un certain Valfiliacus comment il avoit pu parvenir à la cléricature, lui qui étoit Lombard d'origine. Grégoire de Tours, liv. VIII.

d Quae conditio universis urbibus per Galliam constitutis summopere est adhibita. Vie de S. Aridius.

Grégoire de Tours a dit qu'un certain juge fut obligé, après la mort de Chilpéric, de se réfugier dans une église, pour avoir, sous le règne de ce prince, assujetti à des tributs des Francs qui, du temps de Childebert, étoient ingénus, Multos de Francis, qui, tempore Childeberti regis, ingenui fuerant, publico tributo subegil. Les Francs qui n'étoient point serfs ne payoient danc point de tributs.

Il n'y a point de grammairien qui ne pâlisse en voyant comment ce passage a été interprété par M. l'abbé Dubos b. Il remarque que, dans ces temps-là, les affranchis étoient aussi appelés ingénus. Sur cela il interprète le mot latin ingenui par ces mots, affranchis de tributs expression dont on peut se servir dans la langue française, comme on dit, affranchis de soins, affranchis de peines; mais, dans la langue latine, ingenui a tributis, libertini a tributis, manumissi tributorum, seroient des expressions monstrueuses.

Parthenius, dit Grégoire de Tours, pensa être mis à mort par les Francs pour leur avoir imposé des tributs. M. l'abbé Dubos 4, pressé par ce passage, suppose froidement ce qui est en question: c'étoit, dit-il, une surcharge.

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b Établissement de la monarchie française, tome III, chap. XIV, p. 515.

c Liv. III, chap. XXXVI.

d Tome III, p. 514.

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