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d'exiger d'eux aucun cens, et de leur ôter leurs terres. On sait que les étrangers qui arrivoient en France étoient traités comme des serfs; et Charlemagne, voulant qu'on les regardât comme des hommes libres, puisqu'il vouloit qu'ils eussent la propriété de leurs terres, défendoit d'exiger d'eux le cens.

Un capitulairea de Charles le Chauve, donné en faveur des mêmes Espagnols, veut qu'on les traite comme on traitoit les autres Francs, et défend d'exiger d'eux le cens: les hommes libres ne le payoient donc pas.

L'article 30 de l'édit de Pistes réforme l'abus par lequel plusieurs colons du roi ou de l'église vendoient les terres dépendantes de leurs manoirs à des ecclésiastiques ou à des gens de leur condition, et ne se réservoient qu'une petite case; de sorte qu'on ne pouvoit plus être payé du cens; et il y est ordonné de rétablir les choses dans leur premier état: le cens étoit donc un tribut d'esclaves.

Il résulte encore de-là qu'il n'y avoit point de cens général dans la monarchie; et cela est clair par un grand nombre de textes. Car que signifieroit ce capitulaire b Nous voulons qu'on exige le cens royal dans tous les lieux où

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De l'an 844, édit. de Baluze, tome II, art. 1 et 2, p. 27.

6 Capítul. III, de l'an 805, art. 20 et 22, inséré dans le recueil d'Anscgise, liv. III, art. 15. Cela est conforme à celui de Charles le Chauve, de l'àn 854, apud Attiniacum, art. 6.

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autrefois on l'exigeoit légitimement a? " Que voudroit dire celui où Charlemagne ordonne à ses envoyés dans les provinces de faire une recherche exacte de tous les cens qui avoient anciennement été du domaine du roi ? et celui d où il dispose des cens payés par ceux dont on les exige ? Quelle signification donner à cet autre f, où on lit, Si quelqu'un a acquis une

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terre tributaire sur laquelle nous avions accoutumé de lever le cens..? à cet autre enfin h où Charles le Chauve i parle des terres censuelles · dont le cens avoit de toute antiquité appartenu au roi ?

Remarquez qu'il y a quelques textes qui paroissent d'abord contraires à ce que j'ai dit, et qui cependant le confirment. On a vu ci-dessus que les hommes libres, dans la monarchie, n'étoient obligés qu'à fournir de certaines voitures.

a Undecumque legitime exigebatur. Ibid.

b De l'an 812, art. 10 et 11, édition de Baluze, tome I, p. 495.

e Undecumque antiquitus ad partem regis venire solebant. Capitulaire de l'an 812, art. 10 et 11.

d De l'an 813, art. 6, édition de Baluze, tome I, p. 508.

e De illis unde censa exigunt. Capitul. de l'an 813, art. 6. f Liv. IV des capitulaires, art. 37, et inséré dans la loi des Lombards.

g Si quis terram tributariam, unde census ad partem nostram exire solebat, susceperit. Liv. IV des capitulaires, art. 37.

h De l'an 805, art. 8.

i Unde census ad partem regis exivit antiquitus. Capitulaire de l'an 805, art. 8.

Le capitulaire que je viens de citer appelle cela census, et il l'oppose au cens qui étoit payé par les serfs a.

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De plus, l'édit de Pistes b parle de ces hom❤ mes francs qui devoient payer le cens royal pour leur tête et pour leurs cases, et qui s'étoient vendus pendant la famine . Le roi veut qu'ils soient rachetés. C'est que ceux qui étoient affranchis par lettres du roi n'acquéroient point ordinairement une pleine et entière liberté e: mais ils payoient censum in capite; et c'est de cette sorte de gens qu'il il est ici parlé.

Il faut donc se défaire de l'idée d'un cens général et universel, dérivé de la police des Romains, duquel on suppose que les droits des seigneurs ont dérivé de même par des usurpations. Ce qu'on appeloit cens dans la monarchie française, indépendamment de l'abus qu'on a fait de ce mot, étoit un droit particulier levé sur les serfs par les maîtres.

Je supplie le lecteur de me pardonner l'ennui mortel que tant de citations doivent lui donner:

a Censibus vel paraveredis quos franci homines ad regiam potestatem exsolvere debent.

b De l'an 864, art. 34, édit. de Baluze, p. 192.

c De illis francis hominibus qui censum regium de suo capite et de suis recellis debeant. Ibid.

d L'article 28 du même édit explique bien tout cela. Il met même une distinction entre l'affranchi romain et l'affranchi franc; et on y voit que le cens n'étoit pas général. Il faut le lire.

e Comme il paroît par un capitulaire de Charlemagne, de l'an 813, déjà cité.

je serois plus court si je ne trouvois toujours devant moi le livre de l'Établissement de la monarchie française dans les Gaules, de M, l'abbé Dubos. Rien ne recule plus le progrès des connoissances qu'un mauvais ouvrage d'un auteur célébre, parce qu'avant d'instruire il faut commencer par détromper.

J

CHAPITRE XV I..
REX VI

Des leudes ou vassaux.

'AI parlé de ces volontaires qui, chez les Germains, suivoient les princes dans leurs entreprises. Le même usage se conserva après la conquête. Tacite les désigne par le nom de compagnons 2; la loi salique, par celui d'hommes qui sont sous la foi du roi; les formules de Marculfe, par celui d'antrustions du roid; nos premiers historiens, par celui de leudes, de fidèles ; et les suivants, par celui de vassaux et seigneurs f.

On trouve dans les lois saliques et ripuaires un nombre infini de dispositions pour les Francs, et quelques-unes seulement pour les antrustions, Les dispositions sur ces antrustions sont différentes

a Comites.

b Qui sunt in truste regis, tit. XLIV, art. 4.

e Liv. I, form. XVIII.

d Du mot trew, qui signifie fidèle chez les Allemands, et hez les Anglois, true, vrai.

e Leudes, fidèles.

f Vassalli, seniores.

de celles faites pour les autres Francs; on y règle par-tout les biens des Francs, et on ne dit rien de ceux des antrustions: ce qui vient de ce que les biens de ceux-ci se régloient plutôt par la loi politique que par la loi civile, et qu'ils étoient le sort d'une armée, et non le patrimoine d'une famille.

Les biens réservés pour les leudes furent appelés des biens fiscaux 2, des bénéfices, des honneurs, des fiefs, dans les divers auteurs et dans les divers temps.

On ne peut pas douter que d'abord les fiefs ne fussent amovibles b. On voit, dans Grégoire de Tours, que l'on ôte à Sunégisile et à Galloman tout ce qu'ils tenoient du fisc, et qu'on ne leur laisse que ce qu'ils avoient en propriété. Gontrand, élevant au trône son neveu Childebert, eut une conférence secrète avec lui, et lui indiqua ceux d à qui il devoit donner des fiefs, et ceux à qui il devoit les ôter. Dans une for mule de Marculfe, le roi donne en échange,

a Fiscalia. Voyez la formule XIV de Marculfe, liv. I. Il est dit dans la vie de S. Maur, dedit fiscum unum; et dans les Annales de Metz, sur l'an 747, dedit illi comitatus et fiscos plurimos. Les biens destinés à l'entretien de la famille royale étoient appelés regalia.

Voyez le livre I, tit. I, des Fiefs; et Cujas sur ce livre. c Liv. IX, ch. XXXVIII.

d Quos honoraret muneribus, quos ab honore depelleret. Ibid. liv. VII.

Liv. I,

e Vel reliquis quibuscumque beneficiis, quodcumque ille, vel fiscus noster, in ipsis locis tenuisse noscitur. form. XXX.

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