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CHAPITRE XVIII.

C'ETOIT

Du double service.

:

"ÉTOIT un principe fondamental de la monarchie, que ceux qui étoient sous la puissance militaire de quelqu'un, étoient aussi sous sa jurisdiction civile aussi le capitulaire a de Louis le Débonnaire, de l'an 815, fait-il marcher d'un pas égal la puissance militaire du comte et sa jurisdiction civile sur les hommes libres : aussi les placites b du comte, qui menoit à la guerre les hommes libres, étoient-ils appelés les placites des hommes libres ; d'où résulta sans doute cette maxime, que ce n'étoit que dans les placites du comte, et non dans ceux de ses officiers, qu'on pouvoit juger les questions sur la liberté aussi le comte ne menoit-il pas à la guerre les vassaux des évêques ou abbés, parce qu'ils n'étoient pas sous sa jurisdiction civile: aussi n'y menoit-il pas les arrière-vassaux des leudes: aussi le glossaire des lois anglaises nous dit-il f que ceux que les

:

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a Art. 1 et 2; et le concile in verno palatio, de l'an 845, art. 8. édit. de Baluze, tome II, p. 17.

b Plaids ou assises.

c Capitulaires, liv. IV de la collection d'Ansegise, art. 57; et le capitulaire V de Louis le Débonnaire, de l'an 819, art. 14, édit. de Baluze, tome I, p. 615.

d Voyez, page 295, la note f; et page 297, la note a.

e Que l'on trouve dans le recueil de Guillaume Lambard,

de priscis Anglorum legibus.

f Au mot satrapia.

Saxons appeloient coples furent nommés par les Normands comtes, compagnons, parce qu'ils partageoient avec le roi les amendes judiciaires : aussi, voyons-nous dans tous les temps que l'obligation de tout vassal envers a son seigneur fut de porter les armes et de juger ses pairs dans sa cour b

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Une des raisons qui attachoient ainsi ce droit de justice au droit de mener à la guerre, étoit que celui qui menoit à la guerre faisoit en même temps payer les droits du fisc, qui consistoient en quelques services de voitures dus par les hommes libres, et en général en de certains profits judiciaires dont je parlerai ci-après.

Les seigneurs eurent le droit de rendre la justice dans leurs fiefs, par le même principe qui fit que les comtes eurent le droit de la rendre dans leurs comtés; et, pour bien dire, les comtés, dans les variations arrivées dans les divers temps, suivirent toujours les variations arrivées dans les fiefs: les uns et les autres étoient gouvernés sur le même plan et sur les mêmes idées. En un mot, les comtes dans leurs comtés, étoient des leudes; les leudes, dans leurs seigneuries, étoient des comtes.

On n'a pas eu des idées justes, lorsqu'on a regardé les comtes comme des officiers de justice,

a Les assises de Jérusalem, ch. CCXXI et CCXXII, expliquent bien ceci.

b Les avoués de l'église (advocati) étoient également à la tête de leurs plaids et de leur milice.

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et les ducs comme des officiers militaires. Les uns et les autres étoient également des officiers militaires et civils a: toute la différence étoit que le duc avoit sous lui plusieurs comtes, quoiqu'il y eût des comtes qui n'avoient point de duc sur eux, comme nous l'apprenons de Frédégaire b

On croira peut-être que le gouvernement, des › Francs étoit pour lors bien dur, puisque les mêmes officiers avoient en même temps sur les sujets la puissance militaire et la puissance civile, et même la puissance fiscale; chose que j'ai dit, dans les livres précédents, être une des marques distinctives du despotisme.

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Mais il ne faut pas penser que les comtes jugeassent seuls et rendissent la justice comme les bachas la rendent en Turquie : ils assembloient, pour juger les affaires, des espèces de plaids ou d'assises où les notables étoient convoqués 4.

Pour qu'on puisse bien entendre ce qui concerne les jugements dans les formules, les lois des barbares et les capitulaires, je dirai que les fonc-. tions du comte, du gravion et du centenier étoient les mêmes ; que les juges, les rathimburges

Voyez la formule VIII de Marculfe, liv. I, qui contient les lettres accordées à un duc, patrice ou comte, qui leur donnent la jurisdiction civile et l'administration fiscale.

b Chronique, ch. LXXVIII, sur l'an 636.

c Voyez Grégoire de Tours, liv. V, ad annum 580.

d Mallum.

e Joignez ici ce que j'ai dit au livre XXVIII, ch. XXVIII; et au liv. XXXI, ch. VIII.

et les échevins, étoient, sous différents noms, les mêmes personnes; c'étoient les adjoints du comte, et ordinairement il en avoit sept: et comme il ne lui falloit pas moins de douze personnes pour jugera, il remplissoit le nombre par des notables b.

Mais qui que ce fût qui eût la jurisdiction, le roi, le comte, le gravion, le centenier, les seigneurs, les ecclésiastiques, ils ne jugèrent jamais seuls; et cet usage, qui tiroit son origine des forêts de la Germanie, se maintint encore lorsque les fiefs prirent une forme nouvelle.

Quant au pouvoir fiscal, il étoit tel, que le comte ne pouvoit guère en abuser. Les droits du prince, à l'égard des hommes libres, étoient si simples, qu'ils ne consistoient, comme j'ai dit, qu'en de certaines voitures exigées dans de certaines occasions publiques; et, quant aux droits judiciaires, il y avoit des lois qui prévenoient les malversations d.

a Voyez sur tout ceci les capitulaires de Louis le Débonnaire, ajoutés à la loi salique, art 2; et la formule des jugements, donnée par du Cange, au mot boni homines.

b Per bonos homines. Quelquefois il n'y avoit que des notables. Voyez l'appendice aux formules de Marculfe, ch. LI.

• Et quelques droits sur les rivières, dont j'ai parlé.

d Voyez la loi des Ripuaires, tit. LXXXIX; et la loi des Lombards, liv. II, tit. LII, §. 9.

CHAPITRE XI X.

Des compositions chez les peuples barbares.

COMME

OMME il est impossible d'entrer un peu avant dans notre droit politique, si l'on ne connoît parfaitement les lois et les moeurs des peuples germains, je m'arrêterai un moment pour faire la recherche de ces moeurs et de ces lois.

Il paroît, par Tacite, que les Germains ne connoissoient que deux crimes capitaux; ils pendoient les traîtres et noyoient les poltrons: c'étoient, chez eux, les seuls crimes qui fussent publics. Lorsqu'un homme avoit fait quelque tort à un autre, les parents de la personne offensée ou lésée entroient dans la querelle, et la haine s'appaisoit par une satisfaction. Cette satisfaction, regardoit celui qui avoit été offensé, s'il pouvoit la recevoir; et les parents, si l'injure ou le tort leur étoit commun, ou si, par la mort de celui qui avoit été offensé ou lésé, la satisfaction leur étoit dévolue.

De la manière dont parle Tacite, ces satisfactions se faisoient par une convention réciproque entre les parties aussi dans les codes des peuples barbares, ces satisfactions s'appellent-elles des compositions.

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a Suscipere tam inimicitias, seu patris, seu propinqui, quam amicitias, necesse est: nec implacabiles durant; luitur enim étiam homicidium certo armentorum ac pecorum numero, recipitque satisfactionem universa domus. Tacite, de Morib. Germ.

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