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castes ont horreur les unes des autres. Cet honneur est uniquement fondé sur la religion; ces distinctions de famille ne forment pas des distinctions civiles: il y a tel Indien qui se croiroit déshonoré, s'il mangeoit avec son roi.

Ces sortes de distinctions sont liées à une certaine aversion pour les autres hommes, bien différente des sentiments que doivent faire naître les différences des rangs, qui, parmi nous', contiennent l'amour pour les inférieurs.

Les lois de la religion éviteront d'inspirer d'autre mépris que celui du vice, et sur-tout d'éloigner les hommes de l'amour et de la pitié pour les hommes.

La religion mahométane et la religion indienne ont dans leur sein un nombre infini de peuples. Les Indiens haissent les mahométans, parce qu'ils mangent de la vache; les mahométans détestent les Indiens, parce qu'ils mangent du cochon.

CHAPITRE XXIII.

Des fêtes.

UAND la religion ordonne la cessation du travail, elle doit avoir égard aux besoins des hommes plus qu'à la grandeur de l'être qu'elle honore.

C'étoit à Athènes a un grand inconvénient que le trop grand nombre de fêtes. Chez ce peuple a Xénophon, de la république d'Athènes.

dominateur, devant qui toutes les villes de la Grèce venoient porter leurs différents, on ne pouvoit suffire aux affaires.

Lorsque Constantin établit que l'on chommeroit le dimanche, il fit cette ordonnance pour les villes, et non pour les peuples de la campagne il sentoit que dans les villes étoient les travaux utiles, et dans les campagnes les travaux nécessaires.

Par la même raison, dans les pays qui se maintiennent par le commerce, le nombre des fêtes doit être relatif à ce commerce même. Les pays protestants et les pays catholiques sont situés b de manière que l'on a plus besoin de travail dans les premiers que dans les seconds: la suppression des fêtes convenoit donc plus aux pays protestants qu'aux pays catholiques.

Dampier remarque que les divertissements des peuples varient beaucoup selon les climats. Comme les climats chauds produisent quantité de fruits délicats, les barbares qui trouvent d'abord le nécessaire, emploient plus de temps à se divertir. Les Indiens des pays froids n'ont pas tant de loisir; il faut qu'ils pêchent et chassent continuellement: il y a donc chez eux moins de danses, de musique et de festins; et une religion qui s'établiroit

a Leg. III, Cod. de feriis. Cette loi n'étoit faite sans doute que pour les païens.

b Les catholiques sont plus vers le midi, et les protestants vers le nord.

• Nouveaux Voyages autour du monde, tome II.

chez ces peuples devroit avoir égard à cela dans l'institution des fêtes.

CHAPITRE

XXIV.

Des lois de religion locales.

Il y a beaucoup de lois locales dans les diverses

L

religions. Et quand Montézuma s'obstinoit tant à dire que la religion des Espagnols étoit bonne pour leur pays et celle du Mexique pour le sien, il ne disoit pas une absurdité, parce qu'en effet les législateurs n'ont pu s'empêcher d'avoir égard à ce que la nature avoit établi.

L'opinion de la métempsycose est faite pour le climat des Indes. L'excessive chaleur brûle a toutes les campagnes; on n'y peut nourrir que très-peu de bétail; on est toujours en danger d'en manquer pour le labourage; les boeufs ne s'y multiplient b que médiocrement; ils sont sujets à beaucoup de maladies: une loi de religion qui les conserve est donc très-convenable à la police du pays.

Pendant que les prairies sont brûlées, le riz et les légumes y croissent heureusement par les eaux qu'on y peut employer: une loi de religion qui ne permet que cette nourriture est donc trèsutile aux hommes dans ces climats.

a Voyage de Bernier, tome II, p. 137.

b Lettres édifiantes, douzième recueil, p. 95.

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A

La chair a des bestiaux n'y a pas de goût, et le lait et le beurre qu'ils en tirent fait une partie de leur subsistance: la loi qui défend de manger et de tuer des vaches, n'est donc pas déraisonnable aux Indes.

'Athènes avoit dans son sein une multitude innombrable de peuple; son territoire étoit stérile: ce fut une maxime religieuse, que ceux qui offroient aux dieux de certains petits présents les honoroient plus que ceux qui immoloient des boeufs.

CHAPITRE X X V.

Inconvénient du transport d'une religion d'un pays à un autre.

Il suit de-là qu'il y

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C

qu'il y a très - souvent beaucoup d'inconvénients à transporter une religion d'un pays à un autre.

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Le cochon, dit M. de Boulainvilliers d ,, doit être très-rare en Arabie, où il n'y a pres,, que point de bois, et presque rien de propre

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à la nourriture de ces animaux; d'ailleurs la salure des eaux et des aliments rend le peuple

a Voyage de Bernier, tome II, p. 137.

b Euripide dans Athénée, liv. II, p. 40.

C On ne parle point ici de la religion chrétienne, parce que, comme on a dit au liv. XXIV, ch. I, à la fin, la religion chrétienne est le premier bien.

d Vie de Mahomet.

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loi locale qui le défend ne sauroit être bonne pour d'autres pays a, où le cochon est une nourriture presque universelle, et en quelque façon nécessaire.

Je ferai ici une réflexion. Sanctorius a observé que la chair de cochon que l'on mange se trans. pire, et que même cette nourriture empêche beaucoup la transpiration des autres aliments: il a trouvé que la diminution alloit à un tiers. On sait d'ailleurs que le défaut de transpiration forme ou aigrit les maladies de la peau : la nourriturė du cochon doit donc être défendue dans les climats où l'on est sujet à ces maladies, comme celui de la Palestine, de l'Arabie, de l'Égypte, et de la Libye.

CHAPITRE XXV I.

Continuation du même sujet.

M. CHARDIN dit qu'il n'y a point de fleuve

navigable en Perse, si ce n'est le fleuve Kur, qui est aux extrémités de l'empire. L'ancienne loi des Guèbres, qui défendoit de naviguer sur les fleuves, n'avoit donc aucun inconvénient dans leur pays; mais elle auroit ruiné le commerce dans un autre.

a

Comme à la Chine.

b Méd. statiq. sect. III, aphor. 23.
Voyage de Perse, tome II.

Les

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