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toujours. Les évêques ajoutent, et avec raison, que Louis le Débonnaire suivit la conduite de Charlemagne, et ne donna point les biens de l'église aux soldats.

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Cependant les anciens abus allèrent si loin, que, sous les enfants de Louis le Débonnaire, les laïques établissoient des prêtres dans leurs églises, ou les chassoient, sans le consentement des évêques ↳. Les églises se partageaient entre les héritiers ; et, quand elles étoient tenues d'une manière indécente les évêques n'avoient d'autre ressource que d'en retirer les reliques d

Le capitulaire de Compiègne établit que l'envoyé du roi pourroit faire la visite de tous les monastères avec l'évêque, de l'avis et en présence de celui qui le tenoit fet cette règle générale prouve que l'abus étoit général.

Ce n'est pas qu'on manquât de lois pour la restitution des biens des églises. Le pape ayant

a Comme il paroit par la note précédente, et par le capitul. de Pepin, roi d'Italie, où il est dit que le roi donneroit en fief les monastères à ceux qui se recominanderoient pour des fiefs. Il est ajouté à la loi des Lombards, liv. III, tit. 1, §. 30, et aux lois saliques, recueil des lois de Pepin, dans Echard, p. 195, tit. XXVI, art. 4.

b Voyez la constitution de Lothaire I, dans la loi des Lombards, lib: III, loi I, §. 43.

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-e Donné la vingt-huitième année du règne de Charles le Chauve, l'an 868, édit. de Baluze, p. 203.

f Cum concilio et consensu ipsius qui locum retinet.

reproché aux évêques leur négligence sur le rétablissement des monastères, ils éerivirent a à Charles le Chauve qu'ils n'avoient point été touchés de ce reproche, parce qu'ils n'en étoient pas coupables, et ils l'avertirent de ce qui avoit été promis, résolu et statué dans tant d'assemblées de la nation. Effectivement ils en citent neuf.

On disputoit toujours. Les Normands arrivérent, et mirent tout le monde d'accord.

CHAPITRE X I I.

Établissement des dimes.

Les réglements faits sous le roi Pepin avoient

plutôt donné à l'église l'espérance d'un soulagement qu'un soulagement effectif: et comme Charles Martel. trouva tout le patrimoine public entre les mains des ecclésiastiques, Charlemagne trouva les biens des ecclésiastiques entre les mains des gens de guerre. On ne pouvoit faire restituer à ceux-ci ce qu'on leur avoit donné; et les circonstances où l'on étoit pour lors rendoient la chose encore plus impraticable qu'elle n'étoit de sa nature. D'un autre côté, le christianisme ne devoit pas périr faute de ministres, de temples et d'instructions. ".

a Concilium apud Bonoilum, seizième année de Charles le Chauve, l'an 856, édit. de Baluze, p. 78,

b Dans les guerres civiles qui s'élevèrent du temps de Charles Martel, les biens de l'église de Reims furent donnés aux laïques. On laissa le clergé subsister comme il pourroit, est-il dit dans la vie de S. Remy. Surius, tome I, p. 279.

Cela fit que Charlemagne établit les dîmes; nouveau genre de bien qui eut cet avantage pour le clergé, qu'étant singulièrement donné à l'église, il fut plus aisé dans la suite d'en renonnoître les usurpations a

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On a voulu donner à cet établissement des dates bien plus reculées: mais les autorités que l'on cite me semblent être des témoins contre ceux qui les allèguent. La constitution de Clotaire dit seulement qu'on ne leveroit point de certaines dîmes sur les biens de l'église: bien loin donc que l'église levât des dîmes dans ces temps-là, toute sa prétention étoit de s'en faire exempter. Le second concile de Mâcond, tenu l'an 585, qui ordonne que l'on paie les dîmes, dit à la vérité qu'on les avoit payées dans les temps anciens; mais il dit aussi que, de son temps, on ne les payoit plus.

a Loi des Lombards, liv. III, tit. III, §. 1 et 2.

b C'est celle dont j'ai tant parlé au chapitre IV ci-dessus, que l'on trouve dans l'édition des capitul. de Baluze, tome I, art. II, p. 9.

c Agraria et pascuaria, vel decimas porcorum, ecclesiae concedimus; ita ut actor aut decimator in rebus ecclesiae nullus acecdat. Le capitul. de Charlemagne, de l'an 800, édit. de Baluze, p. 336, explique très-bien ce que c'étoit que cette sorte de dîme dont Clotaire exempte l'église; c'étoit le dixième des cochons que l'on mettoit dans les forêts du roi pour engraisser: et Charlemagne veut que ses juges le paient comme les autres, afin de donner l'exemple. On voit que c'étoit un droit seigneurial ou économique.

d Canone V, ex tomo I Conciliorum antiquorum Galliae, opera Jacobi Sirmundi.

Qui doute qu'avant Charlemagne on n'eût ouvert la Bible et prêché les dons et les offrandes du Lévitique? Mais je dis qu'avant ce prince les dîmes pouvoient être prêchées, mais qu'elles n'étoient point établies.

J'ai dit que les réglements faits sous le roi Pepin avoient soumis au paiement des dîmes et aux réparations des églises ceux qui possédoient en fief les biens ecclésiastiques. C'étoit beaucoup d'obliger, par une loi dont on ne pouvoit disputer la justice, les principaux de la nation à donner l'exemple.

Charlemagne fit plus; et on voit, par le capitulaire de villis, qu'il obligea ses propres fonds au paiement des dîmes. C'étoit encore un grand exemple.

Mais le bas peuple n'est guère capable d'abandonner ses intérêts par des exemples. Le synode de Francfort lui présenta un motif plus pressant pour payer les dîmes. On y fit un capitulaire dans lequel il est dit que, dans la dernière famine, on avoit trouvé les épis de bled vuides, qu'ils avoient été dévorés par les démons, et qu'on avoit entendu leurs voix qui reprochoient de n'avoir pas payé la dîme; et en conséquence il fut ordonné à tous ceux qui tenoient les biens ecclésiastiques de

a Art. 6, édit. de Baluze, p. 332. Il fut donné l'an 800. b Tenu sous Charlemagne l'an 794.

Experimento enim didicimus in anno quo illa valida fames irrepsit, ebullire vacuas annonas a daemonibus devoratas, et voces exprobrationis auditas, etc. Édit. de Baluze, p. 267. art. 23.

payer la dîme; et en conséquence encore on l'ordonna à tous.

Le projet de Charlemagne ne réussit pas d'abord; cette charge parut accablante a Le paiement des dîmes chez les Juifs étoit entré dans le plan de la fondation de leur république; mais ici le paiement des dîmes étoit une charge indépendante de celles de l'établissement de la monarchie. On peut voir, dans les dispositions ajoutées à la loi des Lombards, la difficulté qu'il y eut à faire recevoir les dîmes par les lois civiles b; on peut juger, par les différents canons des conciles, de celle qu'il y eut à les faire recevoir par les lois ecclésiastiques.

Le peuple consentit enfin à payer les dîmes, à condition qu'il pourroit les racheter. La constitution de Louis le Débonnaire et celle de l'empereur Lothaired son fils ne le permirent pas.

Les lois de Charlemagne sur l'établissement des dîmes étoient l'ouvrage de la nécessité; la religion seule y eut part, et la superstition n'en eut aucune.

La fameuse division & qu'il fit des dîmes en quatre parties, pour la fabrique des églises, pour

a Voyez entre autres le capitul. de Louis le Débonnaire de l'an 829, édit. de Baluze, p. 663, contre ceux qui, dans la vue de ne pas payer la dime, ne cultivoient point leurs terres; et art. 5: Nonis quidem et decimis, unde et genitor noster et nos frequenter in diversis placitis admonitionem fecimus.

b Entre autres, celle de Lothaire, liv. III, tit. III, ch. VI.

• De l'an 829, art. 7, dans Baluze, tome I, p. 663.

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d Loi des Lombards, liv. III, tit. III, §. &.

e Ibid. §. 4.

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