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les pauvres, pour l'évêque, pour les clercs, prouve bien qu'il vouloit donner à l'église cet état fixe et permanent qu'elle avoit perdu.

Son testament fait voir qu'il voulut achever de réparer les maux que Charles Martel, son aïeul, avoit faits. Il fit trois parties égales de ses biens mobiliers: il voulut que deux de ces parties fussent divisées en vingt-une, pour les vingt-une métropoles de son empire; chaque partie devoit être subdivisée entre la métropole et les évêchés qui en dépendoient. Il partagea le tiers qui restoit en quatre parties; il en donna une à ses enfants et ses petits-enfants, une autre fut ajoutée aux deux tiers déjà donnés, les deux autres furent employées en oeuvres pies. Il sembloit qu'il regardât le don immense qu'il venoit de faire aux églises, moins comme une action religieuse que comme une dis pensation politique.

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CHAPITRE XIII.

Des élections aux évêchés et abbayes.

Les églises étant devenues pauvres, les rois aban

donnèrent les élections aux évêchés et autres bénéfices ecclésiastiques b. Les princes s'embarrassèrent

a C'est une espèce de codicille rapporté par Eginhart, et qui est différent du testament même qu'on trouve dans Goldast et Baluze.

b Voyez le capitulaire de Charlemagne de l'an 803, art. 2, édit. de Baluze, p. 3795 et l'édit. de Louis le Délionnaire de l'an 834, daus Goldast, constitutions impériales, tome I.

moins d'en nommer les ministres, et les compétiteurs réclamèrent moins leur autorité. Ainsi l'église recevoit une espèce de compensation pour les biens qu'on lui avoit ôtés.

Et si Louis le Débonnaire a laissa au peuple romain le droit d'élire les papes, ce fut un effet de l'esprit général de son temps. On se gouverna à l'égard du siège de Rome comme on faisoit à l'égard des autres.

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Des fiefs de Charles Martel.

E ne dirai point si Charles Martel donnant les biens de l'église en fief, il les donna à vie ou à perpétuité. Tout ce que je sais, c'est que, du temps de Charlemagne et de Lothaire I. c, il y avoit de ces sortes de biens qui passoient aux héritiers et se partageoient entre eux.

b

Je trouve de plus qu'une partie d fut donnée en aleu, et l'autre partie en fief.

a Cela est dit dans le fameux canon ego Ludovicus, qui est visiblement supposé. Il est dans l'édition de Baluze, p. 591, sur l'an 817.

b Comme il paroît par son capitulaire de l'an 801, art. 17, dans Baluze, tome I, p. 360.

c Voyez sa constitution insérée dans le code des Lombards, liv. III, tit. I, §. 44.

d Voyez la constitution ci-dessus, et le capitulaire de Charles le Chauve de l'an 846, chap. XX, in villa Sparnaco, édit. de Baluze, tome II, p. 31; et celui de l'an 853, ch. III et V, dans le synode de Soissons, édit de Baluze, tome II, p. 54; et celui

J'ai dit que les propriétaires des aleux étoient soumis au service comme les possesseurs des fiefs. Cela fut sans doute en partie cause que Charles Martel donna en aleu aussi bien qu'en fief.

CHAPITRE X V...

Continuation du même sujet.".

Ir fant remarquer que les fiefs ayant été changés

en biens d'église, et les biens d'église ayant été changés en fiefs, les fiefs et les biens d'église prirent réciproquement quelque chose de la nature de l'un et de l'autre. Ainsi les biens d'église eurent les privilèges des fiefs, et les fiefs eurent les privilèges des biens d'église: tels furent les droits a honorifiques dans les églises qu'on vit naître dans ces temps-là. Et, comme ces droits ont toujours été attachés à la haute justice préférablement à ce que nous appelons aujourd'hui le fief, il suit que les justices patrimoniales étoient établies dans le temps même de ces droits.

de l'an 854, apud Attiniacum, ch. X, édit. de Baluze, tome II, p. 70. Voyez aussi le capitulaire premier de Charlemagne, incerti anni, art. 49 et 56, édit. de Baluze, tome I, p. 519..

a Voyez les Capitulaires, liv. V, art. 44; et l'édit de Pistes de l'an 866, art. 8 et 9, où l'on voit les droits honorifiques des seigneurs établis tels qu'ils sont aujourd'hui.

CHAPITRE X V I.

Confusion de la royauté et de la mairie. Seconde

race.

L'ORDRE des matières a fait que j'ai troublé l'or

dre des temps; de sorte que j'ai parlé de Charlemagne avant d'avoir parlé de cette époque fameuse de la translation de la couronne aux Carlovingiens, faite sous le roi Pepin; chose qui, à la différence des évènements ordinaires, est peut-être plus remarqueé aujourd'hui qu'elle ne le fut dans le temps même qu'elle arriva.

Les rois n'avoient point d'autorité, mais ils avoient un nom; le titre de roi étoit héréditaire, et celui de maire étoit électif. Quoique les maires, dans les derniers temps, eussent mis sur le trône celui des Mérovingiens qu'ils vouloient, ils n'avoient point pris de roi dans une autre famille; et l'ancienne loi qui donnoit la couronne à une certaine famille n'étoit point effacée du coeur des Francs: la personne du roi étoit presque inconnue dans la monarchie; mais la royauté ne l'étoit pas. Pepin, fils de Charles Martel, crut qu'il étoit à propos de confondre ces deux titres; confusion qui laisseroit toujours de l'incertitude si la royauté nouvelle étoit héréditaire ou non; et cela suffisoit à celui qui joignoit à la royauté une grande puissance. Pour lors l'autorité du maire fut jointe à l'autorité royale. Dans le mélange de ces deux autorités, il se fit une espèce de conciliation. Le

maire avoit été électif, et le roi héréditaire. La couronne, au commencement de la seconde race, fut élective, parce que le peuple choisit; elle fut héréditaire, parce qu'il choisit toujours dans la même famille à.

Le père le Cointe, malgré la foi de tous les monuments, nie que le pape ait autorisé ce grand changement: une de ses raisons est qu'il auroit fait une injustice. Eh! il est admirable de voir un historien juger de ce que les hommes ont fait, par ce qu'ils auroient dû faire. Avec cette manière de raisonner, il n'y auroit plus d'histoire.

Quoi qu'il en soit, il est certain que, dès le moment de la victoire du duc Pepin, sa famille fut régnante, et que celle des Mérovingiens ne le fut plus. Quand son petit-fils Pepin fut couronné roi, ce ne fut qu'une cérémonie de plus et un fantôme de moins: il n'acquit rien par-là que les ornements royaux; il n'y eut rien de changé dans

la nation.

J'ai dit ceci pour fixer le moment de la révolution, afin qu'on ne se trompe pas en regardant comme une révolution ce qui n'étoit qu'une conséquence de la révolution.

a Voyez le testament de Charlemagne, et le partage que Louis le Débonnaire fit à ses enfants, dans l'assemblée des états tenue à Quierzy, rapportée par Goldast: Quem populus eligere velit, ut patri suo succedat in regni haereditate.

b L'anonyme, sur l'an 752; et Chron. centul. sur l'an 754

c Fabella quæ post Pippini mortem excogitata est, aequitati ac sanctitati Zachariae papae plurimum adversatur. Annales ecclésiastiques des François, tome II, p. 319.

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