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immenses trésors de ces Huns qui avoient dépouillé

l'univers.

CHAPITRE XIX.

Continuation du même sujet.

CHARLEMAGN

HARLEMAGNE et ses premiers successeurs craignirent que ceux qu'ils placeroient dans des lieux éloignés ne fussent portés à la révolte; ils crurent qu'ils trouveroient plus de docilité dans les ecclésiastiques: ainsi ils érigèrent en Allemagne un grand nombre d'évêchés a, et y joignirent de grands fiefs. Il paroît, par quelques chartres, que les clauses qui contenoient les prérogatives de ces fiefs n'étoient pas différentes de celles qu'on mettoit ordinairement dans ces concessions ↳, quoiqu'on voie aujourd'hui les principaux ecclésiastiques d'Allemagne revêtus de la puissance souveraine. Quoi qu'il en soit, c'étoient des pièces qu'ils mettoient en avant contre les Saxons. Ce qu'ils ne pouvoient attendre de l'indolence ou des négligences d'un leude, ils crurent qu'ils devoient l'attendre du zèle et de l'attention agissante d'un évêque; outre qu'un tel vassal, bien loin de se servir contre eux des peuples assujettis, auroit au contraire besoin d'eux pour se soutenir contre ses peuples.

a Voyez, entre autres, la fondation de l'archevêché de Brême, dans le capitul. de 789, édit. de Baluze, p. 245.

b Par exemple, la défense aux juges royaux d'entrer dans le territoire pour exiger les freda et autres droits. J'en ai beaucoup parlé au livre précédent.

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CHAPITRE XX.

LOUIS LE DÉBONNAIRE.

AUGUSTE, étant en Égypte, fit ouvrir le tombeau

d'Alexandre. On lui demanda s'il vouloit qu'on ouvrît ceux des Ptolomées: il dit qu'il avoit voulu voir le roi, et non pas les morts. Ainsi, dans l'histoire de cette seconde race, on cherche Pepin et Charlemagne; on voudroit voir les rois, et non pas les morts.

Un prince, jouet de ses passions et dupe de ses vertus mêmes, un prince qui ne connut jamais sa force ni sa foiblesse, qui ne sut se concilier ni la crainte ni l'amour, qui, avec peu de vices dans le coeur, avoit toutes sortes de défauts dans l'esprit, prit en main les rênes de l'empire que Charlemagne

avoit tenues.

Dans le temps que l'univers est en larmes pour la mort de son père, dans cet instant d'étonnement où tout le monde demande Charles et ne le trouve plus, dans le temps qu'il hâte ses pas pour aller remplir sa place, il envoie devant lui des gens affidés pour arrêter ceux qui avoient contribué au désordre de la conduite de ses soeurs. Cela causa de sanglantes tragédies a. C'étoient des imprudences bien précipitées. Il commença à venger les crimes domestiques avant d'être arrivé au palais, et à révolter les esprits avant d'être le maître.

a L'auteur incertain de la vie de Louis le Débonnaire, dans le recueil de Duchesne, tome II, p. 295.

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Il fit crever les yeux à Bernard, roi d'Italie, son neveu, qui étoit venu implorer sa clémence, et qui mourut quelques jours après: cela multiplia ses ennemis. La crainte qu'il en eut le détermina à faire tondre ses frères: cela en augmenta encore le nombre. Ces deux derniers articles slui, furent bien reprochés a: on ne manqua pas de dire qu'il avoit violé son serment et les promesses solemnelles qu'il avoit faites à son père le jour de son couronnement ".

Après la mort de l'impératrice Hirmengarde, dont il avoit trois enfants, il épousa Judith: il en eut un fils; et bientôt, mêlant les complaisances d'un vieux mari avec toutes les foiblesses d'un vieux roi, il mit un désordre dans sa famille qui entraîna la chûte de la monarchie.

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Il changea sans cesse les partages qu'il avoit faits à ses enfants. Cependant ces partages avoient été confirmés tour à tour par ses serments, ceux de ses enfants, et ceux des seigneurs. C'étoit vouloir tenter la fidélité de ses sujets; c'étoit chercher à mettre de la confusion, des scrupules et des équivoques, dans l'obéissance; c'étoit confondre les droits divers des princes, dans un temps sur-tout où, les forteresses étant rares, le premier rempart de l'autorité étoit la foi promise et la foi reçue.

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a Voyez le procès-verbal de sa dégradation, dans le recueil de Duchesne, tome II, p. 333.

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... b Il lui ordonna d'avoir pour ses soeurs, ses frères et ses ne, veux, une clémence sans bornes, indeficientem misericordiam. › Tégan, dans le recueil de Duchesne, tome II, p. 276.

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Les enfants de l'empereur, pour maintenir leurs partages, sollicitèrent le clergé et lui donnèrent des droits inouis jusqu'alors. Ces droits étoient spécieux; on faisoit entrer le clergé en garantie d'une chose qu'on avoit voulu qu'il autorisât. Agobarda représenta à Louis le Débonnaire qu'il avoit envoyé Lothaire à Rome pour le faire déclarer empereur; qu'il avoit fait des partages à ses enfants après avoir consulté le ciel par trois jours de jeûnes et de prières. Que pouvoit faire un prince superstitieux, attaqué d'ailleurs par la superstition même? On sent quel échec l'autorité souveraine reçut deux fois par la prison de ce prince et sa pénitence publique. On avoit voulu dégrader le roi, on dégrada la royauté.

On a d'abord de la peine à comprendre comment un prince qui avoit plusieurs bonnes qualités, qui ne manquoit pas de lumières, qui aimoit naturellement le bien, et, pour tout dire enfin, le fils de Charlemagne, put avoir des ennemis si nombreux b, si violents, si irréconciliables, si ardents à l'offenser, si insolents dans son humiliation, si déterminés à le perdre: et ils l'auroient perdu deux fois sans retour, si ses enfants, dans le fond plus honnêtes gens qu'eux, eussent pu suivre un projet et convenir de quelque chose.

a Voyez ses lettres.

b Voyez le procès-verbal de sa dégradation, dans le recueil de Duchesne, tome II, p. 331. Voyez aussi sa vie écrite par Tégan. Tanto enim odio laborabat, ut taederet eos vita ipsius, dit l'auteur incertain, dans Duchesne, tome II, p. 307.

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Continuation du même sujet.

LA force que Charlemagne avoit mise dans la

nation subsista assez sous Louis le Débonnaire pour que l'état pût se maintenir dans sa grandeur et être respecté des étrangers. Le prince avoit l'esprit foible; mais la nation étoit guerrière. L'autorité se perdoit au dedans sans que la puissance parût diminuer au - dehors.

Charles Martel, Pepin et Charlemagne, gouvernèrent l'un après l'autre la monarchie. Le premier flatta l'avarice des gens de guerre; les deux autres celle du clergé: Louis le Débonnaire mécontenta tous les deux.

Dans la constitution française, le roi, la noblesse et le clergé, avoient dans leurs mains toute la puissance de l'état. Charles Martel, Pepin et Charlemagne, se joignirent quelquefois d'intérêts avec l'une des deux parties pour contenir l'autre, et presque toujours avec toutes les deux; mais Louis le Débonnaire détacha de lui l'un et l'autre de ces corps. Il indisposa les évêques par des réglements qui leur parurent rigides, parce qu'il alloit plus loin qu'ils ne vouloient aller eux-mêmes. Il y a de très-bonnes lois faites mal à propos. Les évêques, accoutumés dans ces temps-là à aller à la guerre contre les Sarrasins et les Saxons, étoient

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.a Pour lors les évêques et les clercs commencèrent à quitter les ceintures et les baudriers d'or, les couteaux enrichis de

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