Images de page
PDF
ePub

bien éloignés de l'esprit monastique. D'un autre côté, ayant perdu toute sorte de confiance pour sa noblesse, il éleva des gens de néant a, il la priva de ses emplois, la renvoya du palais, appela des étrangers. Il s'étoit séparé de ces deux corps, il en fut abandonné.

MAIS

CHAPITRE XXI I.

Continuation du même sujet.

LAIS ce qui affoiblit sur-tout la monarchie, c'est que ce prince en dissipa les domaines . C'est ici que Nitard, un des plus judicieux historiens que nous ayons; Nitard, petit-fils de Charlemagne, qui étoit attaché au parti de Louis le Débonnaire, et qui écrivoit l'histoire par ordre de Charles leChauve, doit être écouté.

99

وو

Il dit, qu'un certain Adelhard avoit eu pendant un temps un tel empire sur l'esprit de

pierreries qui y étoient suspendus, les habillements d'un goût », exquis, les éperons dont la richesse accabloit leurs talons. Mais ,, l'ennemi du genre humain ne souffrit point une telle dévotion, qui souleva contre elle les ecclésiastiques de tous les ordres, et se fit à elle-même la guerre. "L'auteur incertain de la vie de Louis le Débonnaire, dans le recueil de Duchesne, tome II, p. 298. a Tégan dit que ce qui se faisoit très-rarement sous Charlemagne se fit communément sous Louis.

b Voulant contenir la noblesse, il prit pour son chambrier un certain Bernard, qui acheva de la désespérer.

c Villas regias, quæ erant sui et avi et tritavi, fidelibus suis tradidit eas in possessiones sempiternas: fecit enim hoc diu tempore. Tégan, de Gestis Ludovici Pii.

[ocr errors]
[ocr errors]

99

l'empereur, que ce prince suivoit sa volonté en ,, toutes choses; qu'à l'instigation de ce favori il avoit donné les biens fiscaux a à tous ceux qui en avoient voulu, et par-là avoit anéanti la république." . Ainsi il fit dans tout l'empire ce que j'ai dit qu'il avoit fait en Aquitaine; chose que Charlemagne répara, et que personne ne répara plus.

99

c

L'état fut mis dans cet épuisement où Charles Martel le trouva lorsqu'il parvint à la mairie; et l'on étoit dans ces circonstances, qu'il n'étoit plus question d'un coup d'autorité pour le rétablir.

Le fisc se trouva si pauvre, que, sous Charles le Chauve, on ne maintenoit personne dans les honneurs d, on n'accordoit la sûreté à personne, que pour de l'argent: quand on pouvoit détruire les Normands e, on les laissoit échapper pour de l'argent: et le premier conseil que Hincmar donne à Louis le Bègue, c'est de demander dans une assemblée de quoi soutenir les dépenses de sa maison.

a Hinc libertates, hinc publica in propriis usibus distribuere suasit. Nitard, liv. IV, à la fin.

b Rem publicam penitus annullavit. Ibid.

c Voyez le liv. XXX, ch. XIII.

d Hincmar, lettre I à Louis le Bègue.

e Voyez le fragment de la chronique du monastère de S. Serge d'Angers, dans Duchesne, tome II, p. 401.

CHAPITRE XXI I I.

Continuation du même sujet.

Le clergé eut sujet de se repentir de la protection

qu'il avoit accordée aux enfants de Louis le Débon naire. Ce prince, comme j'ai dit, n'avoit jamais donné de préceptions des biens de l'église aux laïques : mais bientôt Lothaire en Italie, et Pepin en Aquitaine, quittèrent le plan de Charlemagne, et reprirent celui de Charles Martel. Les ecclésiastiques eurent recours à l'empereur contre ses enfants: mais ils avoient affoibli eux-mêmes l'autorité qu'ils réclamoient. En Aquitaine on eut quelque condescendance; en Italie on n'obéit pas.

Les guerres civiles qui avoient troublé la vie de Louis le Débonnaire furent le germe de celles qui suivirent sa mort. Les trois frères, Lothaire, Louis et Charles, cherchèrent chacun de leur côté à attirer les grands dans leur parti et à se faire des créaIls donnèrent à ceux qui voulurent les suivre des préceptions des biens de l'église; et, pour gagner la noblesse, ils lui livrèrent le clergé.

tures.

b

On voit dans les capitulaires que ces princes furent obligés de céder à l'importunité des demandes,

a Voyez ce que disent les évêques dans le synode de l'an 845, apud Teudonis villam, art. 4.

b Voyez le synode de l'an 845, apud Teudonis villam, art. 3 et 4, qui décrit très-bien l'état des choses; aussi bien que celui de la même année, tenu au palais de Vernes, art. 12; et le synode de Beauvais, encore de la même année, art. 3, 4 et 6; et le capitulaire

et qu'on leur arracha souvent ce qu'ils n'auroient pas voulu donner: on y voit que le clergé se croyoit plus opprimé par la noblesse que par les rois. Il paroît encore que Charles le Chauve a fut celui qui attaqua le plus le patrimoine du clergé, soit qu'il fût le plus irrité contre lui parce qu'il avoit dégradé son père à son occasion, soit qu'il fût le plus timide. Quoi qu'il en soit, on voit, dans les capitulaires ", des querelles continuelles entre le clergé qui demandoit ses biens, et la noblesse qui refusoit, qui éludoit, ou qui différoit de les rendre; et les rois entre deux.

in villa Sparnaco, de l'an 846, art. 20; et la lettre que les évêques assemblés à Reims écrivirent, l'an 858, à Louis le Germanique, art. 8.

a Voyez le capitulaire in villa Sparnaco de l'an 846. La noblesse avoit irrité le roi contre les évêques; de sorte qu'il les chassa de l'assemblée: on choisit quelques canons des synodes, et on leur déclara que ce seroient les seuls qu'on observeroit; on ne leur accorda que ce qu'il étoit impossible de leur refuser. Voyez les art. 20, 21 et 22. Voyez aussi la lettre que les évêques assemblés écrivirent, l'an 858, à Louis le Germanique, art. 8; et l'édit de Pistes de l'an 846, art. 5.

b Voyez le même capitulaire de l'an 846, in villa Sparnaco. Voyez aussi le capitulaire de l'assemblée tenue apud Marsnam, de l'an 847, art. 4, dans laquelle le clergé se retrancha à demander qu'on le remît en possession de tout ce dont il avoit joui sous le règne de Louis le Débonnaire. Voyez aussi le capitulaire de l'an 851, apud Marsnam, art. 6 et 7, qui maintient la noblesse et le clergé dans leurs possessions; et celui apud Bonoilum, de l'an 856, qui est une remontrance des évêques au roi sur ce que les maux, après tant de lois faites, n'avoient pas été réparés; et enfin la lettre que les évêques assemblés à Reims écrivirent, l'an 858, à Louis le Germanique, art. 8.

C'est un spectacle digne de pitié de voir l'état des choses en ces temps-là. Pendant que Louis le Débonnaire faisoit aux églises des dons immenses de ses domaines, ses enfants distribuoient les biens du clergé aux laïques. Souvent la même main qui fondoit des abbayes nouvelles dépouilloit les anciennes. Le clergé n'avoit point un état fixe. On lui ôtoit; il regagnoit: mais la couronne perdoit toujours.

Vers la fin du règne de Charles le Chauve, et depuis ce règne, il ne fut plus guère question des démêlés du clergé et des laïques sur la restitution des biens de l'église. Les évêques jetèrent bien encore quelques soupirs dans leurs remontrances à Charles le Chauve, que l'on trouve dans le capitulaire de l'an 856, et dans la lettre a qu'ils écrivirent à Louis le Germanique l'an 858: mais ils proposoient des choses et ils réclamoient des promesses tant de fois éludées, que l'on voit qu'ils n'avoient aucune espérance de les obtenir.

b

Il ne fut plus question que de réparer en général les torts faits dans l'église et dans l'état. Les rois s'engageoient de ne point ôter aux leudes leurs hommes libres, et de ne plus donner les biens ecclésiastiques par des préceptions ; de sorte que le clergé et la noblesse parurent s'unir d'intérêts.

a Voyez la note précédente.

b Voyez le capitulaire de l'an 851, art. 6 et 7.

c Charles le Chauve, dans le synode de Soissons, dit qu'il avoit promis aux évêques de ne plus donner de préceptions des biens de l'église. Capitul. de l'an 853, art. 11, édit. de Baluze, tome II, p. 56.

« PrécédentContinuer »