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toujours tenu que la succession des fiefs en li,,gne collatérale ne passoit point au-delà des frèresgermains, quoique, dans des temps moder,, nes, on l'eût portée jusqu'au septième degré; ,, comme, par le droit nouveau, on l'avoit portée ,, en ligne directe jusqu'à l'infinia". C'est ainsi que la loi de Conrad reçut peu à peu des ex

tensions.

Toutes ces choses supposées, la simple lecture de l'Histoire de France fera voir que la perpétuité des fiefs s'établit plutôt en France qu'en Allemagne. Lorsque l'empereur Conrad II commença à régner en 1024, les choses se trouvèrent encore en Allemagne, comme elles étoient déjà en France sous le règne de Charles le Chauve, qui mourut en 877. Mais en France, depuis le règne de Charles le Chauve, il se fit de tels changements, que Charles le Simple se trouva hors d'état de disputer à une maison étrangère ses droits incontestables à l'empire; et qu'enfin, du temps de Hugues Capet, la maison régnante, dépouillée de tous ses domaines, ne put pas même soutenir la cou

ronne.

La foiblesse d'esprit de Charles le Chauve mit en France une égale foiblesse dans l'etat. Mais comme Louis le Germanique, son frère, et quelques-uns de ceux qui lui succédèrent, eurent de plus grandes qualités, la force de leur état se soutint plus long-temps.

a Liv. 1 des Fiefs, tit. I.

Que dis-je? Peut-être que l'humeur flegmatique, et, si j'ose le dire, l'immutabilité de l'esprit de la nation allemande, résista plus longtemps que celui de la nation française à cette disposition des choses, qui faisoit que les fiefs, comme par une tendance naturelle, se perpétuoient dans les familles.

J'ajoute que le royaume d'Allemagne ne fut pas dévasté, et, pour ainsi dire, anéanti, comme le fut celui de France, par ce genre particulier de guerre que lui firent les Normands et les Sarrasins. Il y avoit moins de richesses en Allemagne, moins de villes à saccager, moins de côtes à parcourir, plus de marais à franchir, plus de forêts à pénétrer. Les princes, qui ne virent pas à chaque instant l'état prêt à tomber, eurent moins besoin de leurs vassaux, c'est-à-dire, en dépendirent moins. Et il y a apparence que, si les empereurs d'Allemagne n'avoient été obligés de s'aller faire couronner à Rome, et de faire des expéditions continuelles en Italie, les fiefs auroient conservé plus long-temps chez eux leur nature primitive.

CHAPITRE X X X I.

Comment l'empire sortit de la maison de Charlemagne.

L'EMPIRE

'EMPIRE, qui, au préjudice de la branche de Charles le Chauve, avoit déjà été donné aux bâtards de celle de Louis le Germanique, passa

Arnoul et son fils Louis IV.

encore dans une maison étrangère par l'élection de Conrad, duc de Franconie, l'an 912. La branche qui régnoit en France, et qui pouvoit à peine disputer des villages, étoit encore moins en état de disputer l'empire. Nous avons un accord passé entre Charles le Simple et l'empereur Henri I, qui avoit succédé à Conrad. On l'appelle le pacte de Bonn a Les deux princes se rendirent dans un navire qu'on avoit placé au milieu du Rhin, et se jurèrent une amitié éternelle. On employa un mezzo termine assez bon. Charles prit le titre de roi de la France occidentale, et Henri celui de roi de la France orientale. Charles contracta avec le roi de Germanie, et non avec l'empereur.

CHAPITRE XX X I I.

Comment la couronne de France passa dans la maison de Hugues Capet.

L'HÉRÉDITÉ des fiefs et l'établissement général

des arrière-fiefs éteignirent le gouvernement politique, et formèrent le gouvernement féodal. Au lieu de cette multitude innombrable de vassaux que les rois avoient eus, ils n'en eurent plus que quelques-uns, dont les autres dépendirent. Les rois n'eurent presque plus d'autorité directe: un pouvoir qui devoit passer par tant d'autres pouvoirs, et par de si grands pouvoirs, s'arrêta ou

se

a De l'an 926, rapporté par Aubert le Mire, Cod. donationum piarum, ch. XXVII.

se perdit avant d'arriver à son terme. De si grands vassaux n'obéirent plus, et ils se servirent même de leurs arrière-vassaux pour ne plus obéir. Les rois, privés de leurs domaines, réduits aux villes de Reims et de Laon, restèrent à leur merci. L'arbre étendit trop loin ses branches, et la tête se sécha. Le royaume se trouva sans domaine, comme est aujourd'hui l'empire. On donna la couronne à un des plus puissants vassaux,

Les Normands ravageoient le royaume; ils vênoient sur des espèces de radeaux ou de petits bâtiments, entroient par l'embouchure des rivières, les remontoient, et dévastoient le pays des deux côtés. Les villes d'Orléans et de Paris arrêtoient ces brigands a; et ils ne pouvoient avancer ni sur la Seine ni sur la Loire. Hugues Capet, qui possédoit ces deux villes, tenoit dans ses mains les deux clefs des malheureux restes du royaume: on lui déféra une couronne qu'il étoit seul en état de défendre. C'est ainsi que depuis on a donné l'empire à la maison qui tient immobiles les frontières des Turcs.

L'empire étoit sorti de la maison de Charlemagne dans le temps que l'hérédité des fiefs ne s'établissoit que comme une condescendance. Elle fut même plus tard en usage chez les Allemands que chez les Français : cela fit que l'empire,

a Voyez le capitulaire de Charles le Chauve, de l'an 877 apud Carisiacum, sur l'importance de Paris, de Saint-Denis, et des châteaux sur la Loire, dans ces temps-là.

Voyez ci-devant le ch. XXX, p. 415.

considéré comme un fief, fut électif. Au contraire, quand la couronne de France sortit de la maison de Charlemagne, les fiefs étoient réellement héréditaires dans ce royaume : la couronne, comme un grand fief, le fut aussi.

Du reste, on a eu grand tort de rejeter sur le moment de cette révolution tous les changements qui étoient arrivés ou qui arrivèrent depuis. Tout se réduisit à deux événements; la famille régnante changea, et la couronne fut unie à un grand fief.

CHAPITRE XXXIII.

Quelques conséquences de la perpétuité des fiefs:

Il suivit de la perpétuité des fiefs que le droit

d'aînesse et de primogéniture s'établit parmi les Français. On ne le connoissoit point dans la première race a la couronne se partageoit entre les frères, les aleux se divisoient de même; et les fiefs, amovibles ou à vie, n'étant pas un objet de succession, ne pouvoient pas être un objet de partage.

Dans la seconde race, le titre d'empereur qu'avoit Louis le Débonnaire, et dont il honora Lothaire son fils aîné, lui fit imaginer de donner à ce prince une espèce de primauté sur ses cadets. Les deux rois devoient aller trouver l'empereur chaque année, lui porter des présents, et en recevoir de

a Voyez la loi salique et la loi des Ripuaires, au titre des aleux. b Voyez le capitulaire de l'an 817, qui contient le premier. partage que Louis le Débonnaire fit entre ses enfants.

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