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aussi. Le clergé est une famille qui ne doit pas s'augmenter; les biens doivent donc y être bornés.

Nous avons retenu les dispositions du Lévitique sur les biens du clergé, excepté celles qui regardent les bornes de ces biens: effectivement on ignorera toujours parmi nous quel est le terme après lequel il n'est plus permis à une communauté religieuse d'acquérir.

Ces acquisitions sans fin paroissent aux peuples si déraisonnables, que celui qui voudroit parler pour elles seroit regardé comme un imbécille.

Les lois civiles trouvent quelquefois des obstacles à changer des abus établis, parce qu'ils sont liés à des choses qu'elles doivent respecter: dans ce cas, une disposition indirecte marque plus le bon esprit du législateur qu'une autre qui frapperoit sur la chose même. Au lieu de défendre les acquisitions du clergé, il faut chercher à l'en dégoûter lui-même; laisser le droit, et ôter le fait.

Dans quelques pays de l'Europe, la considération des droits des seigneurs a fait établir en leur faveur un droit d'indemnité sur les immeubles acquis par les gens de main-morte. de main-morte. L'intérêt du prince lui a fait exiger un droit d'amortissement dans le même cas. En Castille, où il n'y a point de droit pareil, le clergé a tout envahi. En Aragon, où il y a quelque droit d'amortissement, il a acquis moins. En France, où ce droit et celui d'indemnité sont établis, il a moins acquis encore; et l'on peut dire que la prospérité de cet tat est due en partie à l'exercice de ces deux

droits. Augmentez-les ces droits, et arrêtez la main-morte, s'il est possible.

Rendez sacré et inviolable l'ancien et nécessaire domaine du clergé; qu'il soit fixe et éternel comme lui mais laissez sortir de ses mains les nouveaux domaines.

Permettez de violer la règle, lorsque la règle est devenue un abus; souffrez l'abus, lorsqu'il rentre dans la règle.

On se souvient toujours à Rome d'un mémoire qui y fut envoyé à l'occasion de quelques démêlés avec le clergé. On y avoit mis cette maxime:,, Le clergé doit contribuer aux charges ,, de l'état, quoi qu'en dise l'ancien testament. On en conclut que l'auteur du mémoire entendoit mieux le langage de la maltôte que celui de la religion.

CHAPITRE V I.

Des monastères.

Le moindre bon sens fait voir que ces corps qui

se perpétuent sans fin ne doivent pas vendre leurs fonds à vie, ni faire des emprunts à vie, à moins qu'on ne veuille qu'ils se rendent héritiers de tous ceux qui n'ont point de parents et de tous ceux qui n'en veulent point avoir. Ces gens jouent contre le peuple, mais ils tiennent la banque contre lui.

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CHAPITRE V I I.

Du luxe de la superstition.

CEUX-LA

EUX-LA sont impies envers les dieux, dit Platona, qui nient leur existence; ou qui l'accordent, mais soutiennent qu'ils ne se mêlent point des choses d'ici-bas; ou enfin qui pensent ,, qu'on les appaise aisément par des sacrifices: trois opinions également pernicieuses Platon dit là tout ce que la lumière naturelle a jamais dit de plus sensé en matière de religion.

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La magnificence du culte extérieur a beaucoup de rapport à la constitution de l'état. Dans les bonnes républiques, on n'a pas seulement réprimé le luxe de la vanité, mais encore celui de la superstition; on a fait dans la religion des lois d'épargne. De ce nombre sont plusieurs lois de Solon, plusieurs lois de Platon sur les funérailles, que Cicéron a adoptées; enfin, quelques lois de Numa b sur les sacrifices.

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,, Des oiseaux, dit Cicéron, et des peintures faites en un jour, sont des dons très - divins. Nous offrons des choses communes, disoit un Spartiate, afin que nous ayons tous les jours le moyen d'honorer les dieux.

Le soin que les hommes doivent avoir de rendre un culte à la divinité est bien différent de la magnificence de ce culte.

a Des lois, liv. X.

b Rogum vino ne respergito. Loi des douze tables,

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Ne lui offrons point nos trésors, si nous ne ,, voulons lui faire voir l'estime que nous faisons ,, des choses qu'elle veut que nous méprisions. Que doivent penser les dieux des dons des ,, impies, dit admirablement Platon, puisqu'un ,, homme de bien rougiroit de recevoir des pré,,sents d'un mal-honnête homme ? "

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Il ne faut pas que la religion, sous prétexte de dons, exige des peuples ce que les nécessités de l'état leur ont laissé; et, comme dit Platon a des hommes chastes et pieux doivent offrir des dons qui leur ressemblent.

Il ne faudroit pas non plus que la religion encourageât les dépenses des funérailles. Qu'y a-t-il de plus naturel que d'ôter la différence des fortunes dans une chose et dans les moments qui égalisent toutes les fortunes?

LORSQU

CHAPITRE VII I.

Du pontificat.

ORSQUE la religion a beaucoup de ministres, il est naturel qu'ils aient un chef, et que le pontificat y soit établi. Dans la monarchie, où l'on ne sauroit trop séparer les ordres de l'état, et où l'on ne doit point assembler sur une même tête toutes les puissances, il est bon que le pontificat soit séparé de l'empire. La même nécessité ne se

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rencontre pas dans le gouvernement despotique, dont la nature est de réunir sur une même tête tous les pouvoirs. Mais, dans ce cas, il pourroit arriver que le prince regarderoit la religion comme ses lois mêmes, et comme des effets de sa volonté. Pour prévenir cet inconvénient, il faut qu'il y ait des monuments de la religion; par exemple, des livres sacrés qui la fixent et qui l'établissent. Le roi de Perse est le chef de la religion; mais l'alcoran règle la religion : l'empereur de la Chine est le souverain pontife; mais il y a des livres qui sont entre les mains de tout le monde, auxquels il doit lui-même se conformer. En vain un empereur voulut-il les abolir, ils triomphèrent de la tyrannie.

CHAPITRE IX.

De la tolérance en fait de religion.

NOUS

ous sommes ici politiques, et non pas théologiens et, pour les théologiens mêmes, il y a bien de la différence entre tolérer une religion et l'approuver.

Lorsque les lois d'un état ont cru devoir souffrir plusieurs religions, il faut qu'elles les obligent à se tolérer entre elles. C'est un principe, que toute religion qui est réprimée devient ellemême réprimante car sitôt que, par quelque hasard, elle peut sortir de l'oppression, elle attaque

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