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mariage, et qui sentent le moment où ils ont intérêt de les faire cesser.

CHAPITRE I V.

Continuation du même sujet.

GONDEBAUD, roi de Bourgogne, vouloit

que, si la femme ou le fils de celui qui avoit volé ne révéloient pas le crime, ils fussent réduits en esclavage a. Cette loi étoit contre la nature. Comment une femme pouvoit-elle être accusatrice de son mari? Comment un fils pouvoit-il être accusateur de son père? Pour venger une action criminelle, il en ordonnoit une plus criminelle

encoré,

b

La loi de Recessuinde permettoit aux enfants de la femme adultère, ou à ceux de son mari, de l'accuser, et de mettre à la question les esclaves de la maison. Loi inique, qui, pour conserver les moeurs, renversoit la nature, d'où tirent leur origine les moeurs.

- Nous voyons avec plaisir sur nos théâtres un jeune héros montrer autant d'horreur pour découvrir le crime de sa belle-mère qu'il en avoit eu pour le crime même; il ose à peine, dans sa surprise, accusé, jugé, condamné, proscrit et couvert d'infamie, faire quelques réflexions sur

a La loi des Bourguignons, tit. XLI.

b Dans le Code des Wisigoths, liv. III, tit. IV, S. 13.

le sang abominable dont Phèdre est sortie : il abandonne ce qu'il a de plus cher, et l'objet le plus tendre, tout ce qui parle à son coeur, tont ce qui peut l'indigner, pour aller se livrer à la vengeance des dieux qu'il n'a point méritée. Ce sont les accents de la nature qui causent ce plaisir; c'est la plus douce de toutes les voix.

CHAPITRE V.

Cas où l'on peut juger par les principes du droit civil, en modifiant les principes du droit naturel.

UNE

a

NE loi d'Athènes obligeoit les enfants de nourrir leurs pères tombés dans l'indigence; elle exceptoit ceux qui étoient nés d'une courtisanne, ceux dont le père avoit exposé la pudicité par un trafic infâme, ceux à qui il n'avoit point donné de métier pour gagner leur vie,

La loi considéroit que, dans le premier cas, le père se trouvant incertain, il avoit rendu précaire son obligation naturelle; que, dans le second, il avoit flétri la vie qu'il avoit donnée, et que le plus grand mal qu'il pût faire à ses enfants il l'avoit fait en les privant de leur caractère;

que,

a Sous peine d'infamie; une autre, sous peine de prison.
Plutarque, Vie de Solon.

è Plutarque, Vie de Solon; et Gallien, in exhort. ad Art. cap. VIII.

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que dans le troisième, il leur avoit rendu insupportable une vie qu'ils trouvoient tant de difficulté à soutenir. La loi n'envisageoit plus le père et le fils que comme deux citoyens, ne statuoit plus que sur des vues politiques et civiles; elle considéroit que, dans une bonne république, il faut sur-tout des moeurs. Je crois bien que la loi de Solon étoit bonne dans les deux premiers cas, soit celui où la nature laisse ignorer au fils quel est son père, soit celui où elle semble même lui ordonner de le méconnoître mais on ne sauroit l'approuver dans le troisième, où le père n'avoit violé qu'un réglement civil.

CHAPITRE VI.

Que l'ordre des successions dépend des principes du droit politique ou civil, et non pas des principes du droit naturel.

La loi Voconienne ne permettoit point d'insti

A

tuer une femme héritière, pas même sa fille unique. Il n'y eut jamais, dit St. Augustin a une loi plus injuste. Une formule de Marculfe traite d'impie la coutume qui prive les filles de la succession de leurs pères. Justinien appelle barbare le droit de succéder des mâles, au préjudice

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des filles. Ces idées sont venues de ce que l'on a regardé le droit que les enfants ont de succéder à leurs pères comme une conséquence de la loi naturelle; ce qui n'est pas.

La loi naturelle ordonne aux pères de nourrir leurs enfants, mais elle n'oblige pas de les faire héritiers. Le partage des biens, les lois sur ce partage, les successions après la mort de celui qui a eu ce partage, tout cela ne peut avoir été réglé que par la société, et par conséquent par des lois politiques ou civiles.

Il est vrai que l'ordre politique ou civil demande souvent que les enfants succèdent aux pères, mais il ne l'exige pas toujours.

Les lois de nos fiefs ont pu avoir des raisons pour que l'aîné des mâles, ou les plus proches parents par mâles, eussent tout, et que les filles n'eussent rien et les lois des Lombards ont pu en avoir pour que les soeurs, les enfants naturels, les autres parents, et à leur défaut le fisc, concourussent avec les filles.

Il fut réglé dans quelques dynasties de la Chine, que les frères de l'empereur lui succéderoient, et que ses enfants ne lui succéderoient -pas. Si l'on vouloit que le prince eût une certaine expérience, si l'on craignoit les minorités, s'il falloit prévenir que des eunuques ne plaçassent successivement des enfants sur le trône, on put très-bien établir un pareil ordre de succession;

a Liv. II, tit. XIV, §. 6, 7 et 8.

et quand quelques a écrivains ont traité ces frères d'usurpateurs, ils ont jugé sur des idées prises des lois de ces pays-ci.

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Selon la coutume de Numidieb, Delsace, frère de Gela, succéda au royaume, non pas Massinisse son fils. Et encore aujourd'hui chez les Arabes de Barbarie, où chaque village a un chef, on choisit, selon cette ancienne coutume, l'oncle, ou quelque autre parent, pour succéder.

Il y a des monarchies purement électives; et, dès qu'il est clair que l'ordre des successions doit dériver des lois politiques ou civiles, c'est à elles à décider dans quels cas la raison veut que cette succession soit déférée aux enfants, et dans quels cas il faut la donner à d'autres.

Dans les pays où la polygamie est établie, le prince a beaucoup d'enfants; le nombre en est plus grand dans des pays que dans d'autres. Il y a des détats où l'entretien des enfants du roi seroit impossible au peuple; on a pu y établir que les enfants du roi ne lui succéderoient pas, mais ceux de sa soeur.

Un nombre prodigieux d'enfants exposeroit l'état à d'affreuses guerres civiles. L'ordre de

a Le P. du Halde, sur la seconde dynastie.

b Tite-Live, décade III, liv. IX.

c Voyez les Voyages de M. Shaw, tome I, p. 402.

d Voyez le Recueil des voyages qui ont servi à l'établis sement de la compagnie des Indes, tome IV, part. I, p. 1143 et M. Smith, voyage de Guinée, part. II, p. 150, sur le royaume de Juida.

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