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TAXILE.

J'écoute, comme vous, ce que l'honneur m'inspire,
Seigneur; mais il m'engage à sauver mon empire.

PORUS.

Si vous voulez sauver l'un et l'autre aujourd'hui,
Prévenons Alexandre, et marchons contre lui.

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Ils plairont à des rois, et peut-être à des reines,

TAXILE.

La reine, à vous ouïr, n'a des yeux que pour vous.

PORUS.

Un esclave est pour elle un objet de courroux.

TAXILE.

Mais croyez-vous, seigneur, que l'amour vous ordonne
D'exposer avec vous son peuple et sa personne?
Non, non sans vous flatter, avouez qu'en ce jour
Vous suivez votre haine, et non pas votre amour.

PORUS.

Hé bien! je l'avoûtrai que ma juste colère
Aime la guerre autant que la paix vous est chère ;

J'avoûrai que, brûlant d'une noble chaleur,
Je vais contre Alexandre éprouver ma valeur.
Du bruit de ses exploits mon ame importunée
Attend depuis long-temps cette heureuse journée,
Avant qu'il me cherchât, un orgueil inquiet
M'avoit déjà rendu son ennemi secret.
Dans le noble transport de cette jalousie,
Je le trouvois trop lent à traverser l'Asie;
Je l'attirois ici par des voeux si puissants,
Que je portois envie au bonheur des Persans :
Et maintenant encor, s'il trompoit mon courage,
Pour sortir de ces lieux s'il cherchoit un passage,
Vous me verriez moi-même, armé pour l'arrêter,
Lui refuser la paix qu'il nous veut présenter.

TAXILE.

Oui, sans doute, une ardeur si haute et si constante
Vous promet dans l'histoire une place éclatante;
Et, sous ce grand dessein dussiez-vous succomber,
Au moins c'est avec bruit qu'on vous verra tomber.
La reine vient. Adieu. Vantez-lui votre zèle;
Découvrez cet orgueil qui vous rend digne d'elle.
Pour moi, je troublerois un si noble entretien ;
Et vas cœurs rougiroient des foiblesses du mien.

SCÈNE III.

PORUS, AXIANE.

AXIANE.

Quor! Taxile me fuit! Quelle cause inconnue...

PORUS.

Il fait bien de cacher sa honte à votre vue :
Et puisqu'il n'ose plus s'exposer aux hasards,
De quel front pourroit-il soutenir vos regards?
Mais laissons-le, madame, et puisqu'il veut se rendre,
Qu'il aille avec sa sœur adorer Alexandre.
Retirons-nous d'un camp où, l'encens à la main,
Le fidèle Taxile attend son souverain.

AXIANE

Mais, seigneur, que dit-il?

PORUS.

Il en fait trop paroître :

Cet esclave déjà m'ose vanter son maître;

Il veut que je le serve...

AXIANE.

Ah! sans vous emporter,

Souffrez que mes efforts tâchent de l'arrêter :
Ses soupirs, malgré moi, m'assurent qu'il m'adore.
Quoi qu'il en soit, souffrez que je lui parle encore;
Et ne le forçons point, par ce cruel mépris,
D'achever un dessein qu'il peut n'avoir pas pris.

PORUS.

Hé quoi! vous en doutez; et votre ame s'assure
Sur la foi d'un amant infidèle et parjure,

Qui veut à son tyran vous livrer aujourd'hui,
Et croit, en vous donnant, vous obtenir de lui!
Hé bien, aidez-le donc à vous trahir vous-même :
Il vous peut arracher à mon amour extrême ;
Mais il ne peut m'ôter, par ses efforts jaloux,
La gloire de combattre et de mourir pour vous.

AXIANE.

Et vous croyez qu'après une telle insolence
Mon amitié, seigneur, seroit sa récompense!
Vous croyez que, mon cœur s'engageant sous sa loi,
Je souscrirois au don qu'on lui feroit de moi!
Pouvez-vous sans rougir m'accuser d'un tel crime?
Ai-je fait pour ce prince éclater tant d'estime?
Entre Taxile et vous s'il falloit

prononcer,

Seigneur, le croyez-vous qu'on me vît balancer?
Sais-je pas que Taxile est une ame incertaine,
Que l'amour le retient quand la crainte l'entraîne?
Sais-je pas que, sans moi, sa timide valeur
Succomberoit bientôt aux ruses de sa sœur?
Vous savez qu'Alexandre en fit sa prisonnière,
Et qu'enfin cette sœur retourna vers son frère;
Mais je connus bientôt qu'elle avoit entrepris
De l'arrêter au piège où son cœur étoit pris.

BORUS.

Et vous pouvez encor demeurer auprès d'elle!
Que n'abandonnez-vous cette sœur criminelle?
Pourquoi, par tant de soins, voulez-vous épargner
Un prince....

AXIANE.

C'est pour vous que je le veux gagner.

Vous verrai-je, accablé du soin de nos provinces,
Attaquer seul un roi vainqueur de tant de princes?
Je vous veux dans Taxile offrir un défenseur
Qui combatte Alexandre en dépit de sa sœur.
Que n'avez-vous pour moi cette ardeur empressée!
Mais d'un soin si commun votre ame est peu
blessée :
Pourvu que ce grand cœur périsse noblement,
Ce qui suivra sa mort le touche foiblement.
Vous me voulez livrer, sans secours, sans asile,
Au courroux d'Alexandre, à l'amour de Taxile
Qui, me traitant bientôt en superbe vainqueur,
Pour prix de votre mort demandera mon cœur,
Hé bien! seigneur, allez, contențez votre envie;
Combattez; oubliez le soin de votre vie;
Oubliez que le ciel, favorable à vos vœux,
Vous préparoit peut-être un sort assez heureux.
Peut-être qu'à son tour Axiane charmée
Alloit.... Mais non, seigneur, courez vers votre armée ;
Un si long entretien vous seroit ennuyeux;
Et c'est vous retenir trop long-temps en ces lieux.

PORUS.

Ah, madame! arrêtez, et connoissez ma flamme;
Ordonnez de mes jours, disposez de mon ame:
La gloire y peut beaucoup, je ne m'en cache pas;
Mais que n'y peuvent point tant de divins appas!
Je ne vous dirai point que pour vaincre Alexandre
Vos soldats et les miens alloient tout entreprendre
Que c'étoit pour Porus un bonheur sans égal
De triompher tout seul aux yeux de son rival:

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