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à S. Lul qu'il avait ordonné quatre-vingt-dix messes pour les frères morts en Allemagne. Ces deux grands hommes étaient dans l'usage de s'envoyer mutuellement les noms de ceux qui mouraient parmi eux. Cette doctrine au reste ne leur était pas particulière, comme on le voit par plusieurs lettres de S. Boniface (12).

S. Lul, mal informé, prit parti contre S. Sturmius, abbé de Fulde, qu'on avait faussement accusé de trahison contre le Roi Pepin. Cette surprise nous apprend avec quelle précaution nous devons nous conduire dans nos jugemens. Mais le saint archevêque reconnut depuis sa faute, comme on le voit par sa charte de donation à l'abbaye de Fulde, qu'il signa l'an 785 en présence de l'Empereur Charlemagne (13). Il quitta son siége avant sa mort, et se retira dans le monastère d'Hirschfeld, qu'il avait fondé, pour y terminer saintement ses jours. Il y mourut le 1 Novembre 787. Plusieurs miracles attestèrent qu'il avait reçu la récompense de ses vertus. Son corps fut levé de terre l'an 852; en 1040 on dédia la grotte d'Hirschfeld, et l'on y transporta solennellement les reliques de S. Wigbert et de S. Lul. Son nom se trouve marqué en ce jour dans le martyrologe romain, et sa fête se célèbre le même jour à Mayence.

(12) Voyez surtout une de ses lettres à l'abbé du Mont-Cassin, Ep. 106 ap. Serar. 193 ap. Würdtwein.

(13) Mabillon l'a donnée dans sa Vetus disciplina monastica, imprimée à Paris en 1726. Il est prouvé par cette pièce, ainsi que par la lettre de S. Boniface au Pape Zacharie, que les moines de Fulde travaillaient alors des mains, et qu'ils s'interdisaient l'usage du vin et de la viande. Les lettres de S. Lul font voir aussi la sévérité des jeûnes dans ces temps-là.

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Ste HEDWIGE, ou Ste HAVOIE, DUCHESSE DE POLOGNE,

VEUVE.

Tiré de sa vie, qui est exacte, et que l'on trouve dans le recueil de Surius, ainsi que dans les Saints illustres d'Arnaud d'Andilly. Voyez encore Chromer, Hist. 1. 7, 8; Dluglos, Hist. Polon. 1. 6, 7, 8. et le P. Matthieu Raderus, Bavaria Sancta, t. I, p. 147; Christophe Manlius, Scriptores Rerum Lusaticarum, p. 174, note (g), édit. Christ. Godofredici Hoffanni, Lipsiæ et Budissæ 1719.

L'AN 1243.

HEDWIGE eut pour père, Bertold d'Andech, troisième du nom, marquis de Méran, comte de Tirol, prince ou duc de Carinthie et d'Istrie (1). Sa mère nommée Agnès,

(1) Tels sont les titres qui sont donnés à Bertold, dans la chronique d'Andech, et dans la vie de sainte Élisabeth. (Voyez Lazius et Raderus, t. III passim.)

Chromer 1. 7, Baillet, et quelques autres auteurs se sont trompés, en donnant à Bertold le titre de marquis de Moravie, au lieu de celui de marquis de Méran. Nous apprenons de Bertius, Rer. German. que dans ce temps-là la Moravie était possédée par une autre famille.

La ville de Méran, située près du château de Tirol, qui dans la suite donna son nom au pays, était une principauté célèbre, qui existait avant le règne de Fréderic Barberousse. Les héritiers mâles ayant manqué, les domaines de cette principauté furent divisés entre les Vénitiens, les ducs de Bavière et d'Autriche, le seigneur de Nuremberg, et d'autres princes voisins.

Le château d'Andech, appelé aujourd'hui Montagne-Sainte, parce qu'on y a enterré un grand nombre de Saints, est vis-à-vis de Diessen, qu'on croit être la Damasie de Strabon. Il y a un fameux monastère de chanoines réguliers de saint Augustin; il est situé dans l'ancienne Vindélicie, présentement la Bavière.

L'illustre famillle des comtes d'Andech a produit un grand nombre de

était fille du comte de Rotletch. Hedwige avait trois sœurs et quatre frères. Agnès, l'aînée de ses sœurs, fut mariée à Philippe-Auguste, Roi de France; Gertrude, qui était la seconde, épousa André, Roi de Hongrie, dont elle eut Elisabeth; la troisième fut abbesse de Lutzingen, en Franconie. Les noms de ses quatre frères étaient Bertold, Elebert, Henri et Othon. Le premier mourut patriarche d'Aquilée, et le second, évêque de Bamberg; Henri et Othon partagèrent entre eux les états de leur père, et s'acquirent une grande réputation dans le métier de la guerre.

Hedwige fut formée de bonne heure à la vertu, autant par les exemples que par les leçons de sa pieuse mère et des personnes qui étaient auprès d'elle. On ne voyait en elle aucune marque de légèreté dès l'enfance, et toutes ses inclinations étaient tournées vers la piété. On la mit, étant encore fort jeune, dans le monastère de Lutzingen, en Fran

Saints, dont il est fait mention dans les martyrologes de Bavière et d'Autriche. Les principaux sont 1o le B. Ratard, prêtre, qui fit bâtir l'église de Saint-George à Diessen, sous le règne de Louis-le-Débonnaire, en 850; 2o Bathon ou Rasson, comte ou gouverneur de la Bavière orientale, c'est-à-dire, de l'Autriche : il est sur-tout connu par sa piété extraordinaire, par un pélerinage à Jérusalem, par de pieuses fondations, et par diverses victoires qu'il remporta sur les Barbares qui étaient venus de la Pannonie, attaquer l'Orient et le midi de l'Allemagne. Il mourut le 17 Juin 954; 3o Othon, évêque de Bamberg, qui convertit une partie considérable de la Poméranie, et qui mourut le 5 juillet 1189. (On peut voir sa vie par un auteur contemporain, dans les Lect. Antiq. de Canisius, t. II; et dans Gretser, 1. de Sanctis Bambergens.) Ce Saint était fils de Bertold II, comte d'Andech. Il eut pour sœur sainte Mechtilde, qui fut abbesse de Diessen. (Voyez sa vie par Engelhard, abbé de Lanchaim, in Canis. Lect. antiq., le Chronicon Andescense, et le Chronicon Hirsaug.) Saint Hedwige et sainte Élisabeth de Hongrie, que l'on honore le 19 de Novembre, étaient de la même famille.

Bertold III est appelé tantôt marquis, tantôt comte de Méran. Dans ce temps-là, on donnait rarement le titre de margrave ou de marquis à un prince ou gouverneur des provinces frontières.

conie, et on ne l'en retira qu'à l'âge de douze ans, pour la marier à Henri, duc de Silésie, qui descendait des ducs de Glogaw, dans le même pays. Si elle consentit à ce mariage, ce ne fut que par obéissance à ses parens. Sa fidélité à remplir ses différens devoirs, la rendit semblable à cette femme forte dont l'Esprit-Saint a tracé le portrait, et qu'il faudrait aller chercher aux extrémités de la terre (2). Toutes ses pensées et toutes ses actions n'avaient pour but que la gloire de Dieu, sa sanctification et celle de sa famille. Elle passait dans la continence, du consentement de son mari, les fêtes, les jours de jeûne, et tout le temps. qui est spécialement consacré aux exercices de la religion. Elle eut six enfans trois garçons, Henri, Conrad, Boleslas; et trois filles, Agnès, Sophie, Gertrude. Elle s'engagea ensuite par vœu, avec son mari, à garder une continence perpétuelle; et ce vou, ils le firent l'un et l'autre en présence de l'évêque diocésain. On ne les vit plus dans la suite paraître dans les lieux publics. Pendant les trentetrois ans que le duc de Silésie vécut encore, il s'interdit l'usage de l'or, de l'argent et de la pourpre. Il laissa même croître sa barbe, ce qui lui fit donner le surnom de Barbu.

Ladislas, duc de la Grande Pologne, ayant été chassé par la noblesse de ses états, on offrit à Henri cette principauté en 1233. Hedwige employa tous les moyens possibles pour le détourner d'accepter cette offre; mais elle ne put y réussir. Il se mit donc à la tête d'une armée, les princes voisins n'osèrent lui résister, il prit tranquillement possession de la principauté, et c'est depuis ce temps-là qu'on le trouve appelé duc de Pologne.

La prédilection du duc pour Conrad, son second fils, le lui faisait désirer pour successeur. Hedwige n'approuva

(2) Prov. XXX, 10, etc.

point sa conduite; elle se déclara même pour Henri qui était l'aîné de ses enfans, en quoi elle suivait le parti de la justice. Les deux frères conçurent l'un pour l'autre une haine implacable. Leur mère voulut inutilement les reconcilier, ils en vinrent à une guerre ouverte Conrad fut entièrement défait, et il mourut peu de temps après dans la retraite et dans la pénitence. Cet événement fut antérieur de plusieurs années à la mort du père des deux princes. Hedwige en prit occasion de déplorer, avec encore plus d'amertume, les misères et l'aveuglement du monde, et de détacher plus parfaitement son cœur des choses créées. Dans l'adversité comme dans la prospérité, Dieu était son unique consolation.

Elle engagea le duc à fonder un monastère de religieuses, sous la règle de Citeaux, à Trebnitz, peu éloigné de Breslaw, capitale de la Silésie. Ce monastère fut richement doté. On y entretenait mille personnes. Il n'y eut d'abord que cent religieuses. Le reste de la communauté était composé de jeunes demoiselles, dont les familles étaient pauvres. On les élevait dans la piété, après quoi on les établissait avantageusement dans le monde, lorsqu'elles ne se sentaient point de vocation pour la vie religieuse. Le monastère de Trebnitz fut quinze ans à bâtir, et on n'en dédia l'église qu'en 1219 (3). On employa à la construction des bâtimens, les malfaiteurs de Silésie, au lieu de les con

(3) L'abbaye de Trebnitz possédait des revenus très-considérables ; mais son plus précieux trésor était la châsse de Ste. Hedwige, dont le tombeau était visité par beaucoup de pélerins, sur-tout de la Pologne. La ville (de Trebnitz a appartenu, jusqu'au moment de la suppression des couvens, à l'abbaye, dont les revenus furent donnés en 1815 par le Roi de Prusse au prince Blücher de Wahlstadt. Dans le nord de l'Allemagne plusieurs églises portent le nom de notre Sainte. On connaît du reste la belle église de Sainte-Hedwige à Berlin.

(Note de l'édit. allem.)

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