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Meaux et la Brie dépendaient alors de ce royaume, et non de celui de Bourgogne, comme Baillet l'a prétendu (4). Il est bien vrai que Gontran, Roi d'Orléans et de Bourgogne, possédait le comté de Sens; mais les Rois d'Austrasie restèrent toujours maîtres de Meaux, dans le temps dont il s'agit ici.

Agneric épousa Léodegonde, dont il eut quatre enfans, saint Cagnoald, qui se fit religieux à Luxeul sous saint Colomban, saint Faron, sainte Fare et sainte Anestrude. Ils demeuraient ordinairement à Pipimisium, dans la forêt de Brie, à deux lieues de Meaux, si l'on s'en rapporte aux vies de saint Eustate et de saint Faron. On pense communément que c'est le village de Champigny en Brie. Ce fut là qu'Agneric reçut saint Colomban, en 612, et que le saint abbé lui donna sa bénédiction, ainsi qu'à chacun de ses enfans. Colomban avait été accompagné dans ce voyage par Cagnoald, l'aîné des enfans d'Agneric, lequel vivait à Luxeul depuis 594.

Saint Faron passa ses premières années à la cour de Théodebert II; et sa vie y fut plutôt celle d'un reclus, que celle d'un courtisan. Après la mort de ce prince et celle de Thierri son frère et son successeur, le Saint passa en 613 à la cour de Clotaire II, qui réunit en sa personne toute la monarchie française.

Des ambassadeurs saxons ayant manqué de respect à Clotaire, il les fit mettre en prison, et jura de laver dans leur sang l'injure qu'il avait reçue d'eux. Faron obtint de lui qu'il différât de vingt-quatre heures l'exécution de la sentence. Ce terme expiré, le Roi leur pardonna, et les renvoya même chez eux comblés de présens. Mabillon cite des chartes que le Saint souscrivit en qualité de référendaire ou de chancelier (5).

(4) Vie de saint Faron, sous le 28 d'Octobre. (5) Annal. Ben. t. I, p. 343, et App. p. 685.

Du Plessis relève (6) Yepez, qui avance que saint Faron prit l'habit monastique à Rebais (7) : l'abbaye de ce nom n'existait point alors. Trithème s'est également trompé, en disant qu'il se fit moine à Luxeul (8). Il est certain qu'il passa du siècle dans le clergé séculier. Voici de quelle manière s'opéra son entière conversion.

Quoiqu'il fit un saint usage du crédit que ses vertus et ses talens lui donnaient à la cour, qu'il y menât une vie édifiante et parfaitement conforme aux maximes de l'Evangile, il n'en était pas moins effrayé des dangers auxquels on est exposé dans le monde, et il s'affligeait intérieurement de l'impossibilité où il était de servir Dieu sans distraction. Enfin, à la suite d'un entretien qu'il avait eu sur ce sujet avec sainte Fare sa sœur, il résolut de ne plus différer l'exécution du dessein qu'il méditait depuis longtemps, de renoncer au commerce des hommes. Il trouva Blidéchilde sa femme dans les mêmes dispositions, et ils se séparérent d'un mutuel consentement. Blidéchilde prit le voile, et choisit pour demeure un lieu solitaire dans une de ses terres, qu'on croit être Aupigny. Elle y mourut quelques années après en odeur de sainteté. Saint Faron reçut la tonsure cléricale, et devint l'ornement du clergé de Meaux. On le donna pour successeur à Gondoald, évêque de cette ville, vers l'an 626.

Le saint prélat travailla avec un zèle infatigable au salut des âmes confiées à ses soins. Il portait à la perfection ceux qui professaient déjà le christianisme, et retirait des ténèbres de l'idolâtrie ceux qui y étaient encore plongés. On lit dans sa vie, qu'il rendit la vue à un aveugle, en lui administrant le sacrement de Confirmation, et qu'il

(6) Loc. cit. 1. I n. 41, p. 31.

(7) Chron. de saint Benoit, t. II, p. 176.

(8) De Viris illust. Ord. S. Bened. 1. 4, c. 129.

opéra plusieurs autres miracles. Il assista au concile de Sens, en 650. Il attira dans son diocèse des personnes recommandables par leur sainteté, et fut l'âme de diverses fondations qui avaient pour objet l'avancement dans la vertu et la gloire de la religion. Ses exhortations, soutenues de ses exemples, inspirèrent à ses diocésains les sentimens dont il était pénétré lui-même (9).

(9) On compte parmi les plus fidèles imitateurs de ses vertus, un de ses plus proches parens qui vivait à la cour. C'est saint Authaire, vulgairement appelé saint Oys. Il faisait sa résidence principale à Ussysur-Marne, et il est honoré dans l'église paroissiale de ce village, avec le titre de patron.

Authaire eut deux fils, Adon et Dadon ou saint Ouen, qui furent élevés tous deux à la cour de Dagobert I. Adon fut fait trésorier, et Dadon, référendaire. Ils servirent l'un et l'autre leur prince avec zèle; mais ils s'occupèrent principalement des moyens de parvenir à la possession des véritables biens. Le premier prit la résolution de se consacrer à Dieu dans la retraite, et fonda vers l'an 630, le monastère de Jouarre dans la forêt de ce nom, en Brie, à l'orient et à quatre lieues de Meaux. Il s'y renferma, pour ne plus penser qu'à Dieu et à son salut, et il y mourut de la mort des justes (*). Plusieurs personnes de la première distinction se mirent sous sa conduite, entre autres Agilber qui, ayant passé en Angleterre, fut élu évêque de Dorchester, pour remplacer saint Birin, mort depuis quelque temps. Il revint ensuite en France, et fut placé sur le siége de Paris. Sainte Théléhilde, sa sœur, fut première abbesse de Jouarre, où il y avait un double monastère. Elle mourut vers l'an 660, et on l'honore à Meaux le 10 d'Octobre.

Sainte Bertile, religieuse de Jouarre, où elle avait été long-temps prieure et assistante de sainte Théléhilde, fut appelée à Chelles par sainte Bathilde, en 646, et choisie abbesse de ce monastère, situé dans le diocèse de Paris. Elle le gouverna quarante-six ans et mourut en 692 (**).

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Tandis qu'Adon sanctifiait la forêt de Jouarre par le saint établissement dont nous venons de parler, son frère fonda, vers l'an 634, l'abbaye de Resbac ou Rebais, à trois lieues de Jouarre. Saint Agile ou saint Aile, moine de Luxeul, qui est honoré le 30 Août, fut le premier abbé

(*) Voyez ci-dessus, tom. XII, p. 233.

(**) Voyez sa notice, sous le 5 Novembre.

Il donna une retraite dans son diocèse à saint Fiacre, et dirigea dans les voies du salut un grand nombre d'âmes de l'un et de l'autre sexe. Il eut beaucoup de part aux pieux établissemens qui se firent de son temps. Quelque temps avant sa mort, il fonda dans les faubourgs de Meaux, où il avait une terre, le monastère de Sainte-Croix, qui porte aujourd'hui son nom et qui appartient à la congrégation de Saint-Maur. Il y mit des religieux de Luxeul, qui suivaient l'institut de saint Colomban. On substitua depuis à cette règle celle de saint Benoît. La célèbre abbaye de Prum, fondée par le Roi Pepin, dans les Ardennes, en 765, était une filiation de celle de Sainte-Croix. Saint Faron alla dans le ciel recevoir la récompense de ses vertus, le 28 Octobre 672, à l'âge d'environ 80 ans. Il y en avait quarante-six qu'il gouvernait l'église de Meaux (10).

Voyez les trois vies latines de saint Faron, la première par Hildeger, évêque de Meaux dans le neuvième siècle, ap. Mabillon, Act. Bened. t. II, p. 606 : la seconde écrite en vers par Fulcoïus,.sous-diacre de Meaux, dans le onzième siècle; la troisième qui est anonyme, a été publiée par Surius, qui en a changé le style. Mais l'original Ms. se trouvait à l'abbaye de Saint-Faron. On doit consulter aussi D. Toussaint Du Plessis, Bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, Hist. de l'église de Meaux, t. I, l. 1, n. 41, 42, 43, 64, 73, notes 22, 23, 24, 36. Le même auteur a donné aussi la relation du pillage de l'église de SaintFaron par les hugunots, ibid. 1. 4, n. 49, 50, p. 358, t. II, p. 664.

de cette maison. Saint Philibert, son disciple et son successeur à Rebais, fonda depuis les abbayes de Jumièges, de Noirmoutier, de Pavilly, de Montiviliers, et de Saint-Benoît de Quincy. Saint Regule, disciple de saint Philibert, fut élu évêque de Rheims, et fonda l'abbaye d'Orbais au diocèse de Soissons. Saint Gautier, moine de Rebais, en 669, fut le fondateur et le premier abbé du monastère de Saint-Germain, aujourd'hui Saint-Martin de Pontoise. Il est honoré le 8 d'Avril. On peut voir sur l'histoire et les miracles de ces Saints, Mabillon, Act. SS. Ord. S. Benedict., etc. On peut voir aussi la vie de sainte Fare, sur les pieuses fondations qui furent faites à Meaux dans le temps dont il s'agit ici.

(10) Voyez Le Cointe, Annal. Eccles. Franc.

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S. NÉOT, ANACHORÈTE EN ANGLETERRE.

L'AN 877.

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ON attribue généralement à saint Néot le projet de la fondation de la première et de la plus célèbre université d'Angleterre, qu'exécuta le Roi Alfred (1). Quelques au

(1) Les principales écoles que fonda le Roi Alfred, par le conseil de saint Néot, furent celles d'Oxford, suivant Wood, qui cite les archives de l'université de cette ville, et suivant Brompton, Guillaume de Malmesbury, Higden, Harsfield, etc. Wood pense que ce prince fonda à Oxford un college pour toutes les sciences, outre la grammaire. Ayliffe, qui est moins exact, prétend, dans son histoire d'Oxford, qu'Alfred fonda trois colléges dans cette ville. La même chose est affirmée par Jean Rouse ou Ross, historien de Warwick, lequel mourut en 1491. Assérius de Ménévie ne nomme point Oxford, dans sa vie d'Alfred. Son récit peut s'entendre des écoles que le prince établit dans son propre palais.

On ne peut douter que saint Grimbald n'ait enseigné à Oxford, et l'on y voit encore sa chaire dans l'église de Saint-Pierre. Jean-le-Saxon fut un de ses collègues. Quant à saint Néot, il ne quitta point sa solitude. Il restait, au rapport d'Assérius, six mois de l'année à la cour d'Alfred; mais il allait toujours passer les six autres mois dans son monastère de Ménévie ou de Saint-David.

Il y a dans Assérius un passage où il est fait mention d'une dispute qui s'éleva entre les anciens et les nouveaux étudians d'Oxford, sous saint Grimbald. Mais il paraît que c'est une interpolation, et ce passage ne se trouve point dans l'édition de Parker. Wise en soutient cependant l'authenticité, dans l'édition qu'il a donnée au même ouvrage, et qui fut imprimée à Oxford en 1722.

Wood, p. 4, et d'autres auteurs, Annot. in Vit. Alfredi, p. 136, ont imaginé qu'il y avait des écoles florissantes à Grécelade et à Lechelade, sous les Bretons et les Saxons; qu'elles furent transférées à Oxford, et qu'étant déchues pendant la guerre, Alfred les rétablit dans leur ancienne splendeur. Mais les monumens où il est fait mention de ces faits, n'ont guère de certitude.

Les écoles d'Oxford perdirent leur célébrité après le règne d'Alfred;

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