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Vous penferez que je l'ai vûë,
Quand je vous en dis tant de bien,
Et que je l'ai même entendue;
Je vous jure qu'il n'en eft rien,
Et que ma Mufe peu connue,
En vous répétant dans ces vers
Cette vérité toute nue,
N'eft que l'écho de l'Univers.
Une Dauphine eft entourée,
Et l'étiquette eft fon tourment.
J'ai laiffe paffer prudemment,
Des paniers la foule titrée,
Qui remplit tout l'appartement
De fa bigarrure dorée.
Virgile était-il le premier
A la toilette de Livie?

Il laiffait paffer Cornelie,

Les Ducs & Pairs, le Chancelier,
Et les Cordons bleus d'Italie,

Et s'amufait fur l'escalier

Avec Tibulle & Polynie.

Mais à la fin j'aurai mon tour;
Les Dieux ne me refufent guère :
Je fais aux Graces chaque jour
Une très dévote prière.

Je leur dis, Filles de l'amour,
Daignez, à ma Mufe diferette
Accordant un peu de faveur,

Me préfenter à votre fœur,
Quand vous irez à fa toilette.

Que vous dirai-je maintenant
Du Dauphin & de cette affaire,
De l'amour & du facrement?
Les Dames d'honneur de Cythère
En pourraient parler dignement 3
Mais un profane doit fe taire.
Sa Cour dit qu'il s'occupe à faire
Une famille de Héros,
Ainfi qu'ont fait très à propos
Son ayeul & fon digne père.
Daignez pour moi remercier
Votre Ministre magnifique :
D'un fade éloge poetique
Je pourrais fort bien l'ennuyer;
Mais je n'aime pas à louer;
Et ces offrandes fi chéries
Des belles & des Potentats,
Gens tous nourris de flaterie,
Sont un bijou qui n'entre pas
Dans fon baguier de pierreries.

Adieu; faites bien au Saxon
Goûter les vers de l'Italie,
Et les vérités de Newton;

Et que votre Mufe polie
Parle encor fur un nouveau ton,

De notre immortelle Emilie.

RE

REPONSE

A MONSIEUR

LE

CARDINAL QUIRINI.

Qu

A Berlin le 12. Décembre 1751.

Uoi, vous voulez donc que je chante
Ce Temple orné par vos bienfaits,
Dont aujourd'hui Berlin fe vante !
Je vous admire, & je me tais.
Comment fur les bords de la Sprée,
Dans cette infidèle contrée

Où de Rome on brave les loix,
Pourrai-je élever une voix,
A des Cardinaux confacrée ?
Eloigné des murs de Sion,
Je gémis en bon Catholique.
Hélas, mon Prince eft hérétique,
Et n'a point de dévotion.
Je vois avec componction,
Que dans l'infernale fequelle
Il fera près de Cicéron,

Et d'Ariftide & de Platon,

Ou vis-à-vis de Marc-Aurèle.
On fait que ces efprits fameux
Sont punis dans la nuit profonde;
Il faut qu'il foit damné comme eux,
Puifqu'il vit comme eux dans ce Monde.
Mais furtout que je fuis fâché
De le voir toujours entiché
De l'énorme & cruel péché
Que l'on nomme la tolérance!
Pour moi je frémis quand je pense
Que le Mufulman, le Payen,
Le Quacre & le Luthérien,
L'Enfant de Genève & de Rome,
Chez lui tout eft reçu fi bien,
Pourvu que l'on foit honnête-homme.
Pour comble de méchanceté,

Il a fu rendre ridicule

Cette fainte inhumanité,

Cette haine dont fans fcrupule

S'arme le dévot entêté,

Et dont fe raille l'incrédule.
Que ferai-je, grand Cardinal,
Moi Chambellan très inutile
D'un Prince endurci dans le mal,
Et profcrit dans notre Evangile ?
Vous dont le front prédestiné

A nos yeux doublement éclate;

ما

Vous

Vous dont le Chapeau d'écarlate.
Des lauriers du Pinde eft orné;
Qui marchant fur les pas d'Horace,
Et fur ceux de Saint Auguftin,
Suivez le raboteux chemin
Du Paradis & du Parnaffe,
Convertiffez ce rare efprit;

C'est à vous d'inftruire & de plaire;
Et la grace de JESUS-CHRIST
Chez vous brille en plus d'un écrit,
Avec les trois graces d'Homère.

A MA

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