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Sont tous, fans difputer, d'accord pour vous bénir?
C'est que vous êtes fage, & que vous êtes Maître.
Si le dernier Valois, hélas! avait fçû l'ètre,
Jamais un Jacobin, guidé par fon Prieur,

De Judith & d'Aod fervent imitateur,

N'eût tenté dans Saint Cloud fa funefte entreprife:
* Mais Valois aiguifa le poignard de l'Eglife,
Ce poignard qui bientôt égorgea dans Paris,
Aux yeux de fes Sujets, le plus grand des Henris.
Voilà le fruit affreux des pieufes querelles :

Toutes les factions à la fin font cruelles;

Pour peu qu'on les foutienne, on los voit tout ofer;
Pour les anéantir, il les faut méprifer.

Qui conduit des Soldats peut gouverner des Prêtres.
Un Roi dont la grandeur éclipfa fes ancêtres,
Crut pourtant, fur la foi d'un Confeffeur Normand,
Janfenius à craindre, & Quefnel important;

Du fceau de fa grandeur il chargea leurs fottifes.
De la difpute alors cent cabales éprifes,
Cent bavards en fourure, Avocats, Bacheliers,
Colporteurs, Capucins, Jéfuites, Cordeliers,
Troublèrent tous l'Etat par leurs doctes fcrupules:
† Le Régent plus fenfé les rendit ridicules:

* Il ne faut pas entendre par ce mot l'Eglife Catholique, mais le poignard d'un Eccléfiaftique, le fanatifime abominable de quelques gens d'Eglife de ces tems

Cc 4

Dans

là, déteftés par l'Eglife de tous les tems.

+ Ce ridicule fi univerfellement fenti par toutes les Nations, tombe fur les grandes intrigues

pour

Dans la pouffière alors on les vit tous rentrer.
L'œil du Maitre fuffit, il peut tout opérer.
L'heureux cultivateur des préfens de Pomone,
Des filles du Printemps, des tréfors de l'Automne,
Maître de fon terrain, ménage aux arbriffeaux
Les fecours du Soleil, de la Terre & des eaux;
Par de légers appuis foutient leurs bras débiles,
Arrache impunément les plantes inutiles;

Et des arbres touffus, dans fon clos renfermés,
Emonde les rameaux de la fève affamés.

Son docile terrain répond à fa culture;
Miniftre induftrieux des loix de la Nature,
Il n'eft pas traversé dans fes heureux deffeins;
Un arbre qu'avec peine il planta de ses mains,
Ne prétend pas le droit de fe rendre ftérile:
Et du fol épuifé tirant un fuc utile,
Ne va pas refufer à fon maitre affligé
Une part de fes fruits dont il est trop chargé.
Un Jardinier voisin n'eut jamais la puiffance,
De diriger des Cieux la maligne influence,
De maudire fes fruits pendans aux efpaliers,
Et de fécher d'un mot fa vigne & fes figuiers.
Malheur aux Nations dont les loix oppofées
Embrouillent de l'Etat les rênes divifées!

Le Sénat des Romains, ce Confeil de Vainqueurs,

pour de petites chofes, fur la haine acharnée de deux partis qui n'ont jamais pû s'entendre

Préfidait

fur plus de quatre mille volumes imprimés.

Préfidait aux Autels, & gouvernait les mœurs,
Reftraignait fagement le nombre des Vestales,
D'un peuple extravagant réglait les Bacchanales.
Marc-Aurèle & Trajan mêlaient aux champs de Mars
Le bonnet de Pontife au bandeau des Céfars:
L'Univers repofant fous leur heureux génie,
Des guerres de l'école ignora la manie;

Ces grands Légiflateurs d'un faint zèle enyvrés,
Ne combattirent point pour leurs poulets facrés.
Rome encor aujourd'hui confervant ces maximes,
Joint le Throne à l'Autel par des noeuds légitimes:
Ses citoyens en paix fagement gouvernés
Ne font plus Conquérans, & font plus fortunés.
Je ne demande pas que dans fa Capitale,
Un Roi portant en main la Croffe Episcopale,
Au fortir du Confeil, allant en Miffion,
Donne au peuple contrit fa bénédiction :

Toute Eglife a fes loix, tout peuple a fon ufage;
Mais je prétends qu'un Roi, que fon devoir engage
A maintenir la paix, l'ordre, la fûreté,

A fur tous fes fujets égale autorité; *
Ils font tous fes enfans: cette famille inimenfe
Dans fes foins paternels a mis fa confiance.
Le Marchand, l'Ouvrier, le Prêtre, le Soldat,

*Ce n'est pas à dire que chaque ordre de l'Etat n'ait fes diftinctions, fes privilèges indifpenfablement attachés à fcs

Sont

fonctions. Ils jouiffent de ces privilèges dans tout pays : mais la Loi générale lie également tout le Monde.

Sont tous également les membres de l'Etat.

De la Religion l'appareil néceffaire,

Confond aux yeux de DIEU le grand & le vulgaire ;

Et les civiles Loix, par un autre lien

Ont confondu le Prêtre avec le Citoyen.

La Loi dans tout Etat doit être univerfelle.

Les mortels, quels qu'ils foient, font égaux devant elle.
Je n'en dirai pas plus fur ces points délicats.

Le Ciel ne m'a point fait pour régir les Etats,
Pour confeiller les Rois, pour enfeigner les Sages;
Mais du port où je fuis, contemplant les orages,
Dans cette heureufe paix où je finis mes jours,
Eclairé par vous-même, & plein de vos difcours,
De vos nobles leçons falutaire interprète,

Mon efprit fuit le vôtre, & ma voix vous répète.
Que conclure à la fin de tous mes longs propos?
C'est
que les préjugés font la raifon des fots;

Il ne faut pas pour eux fe déclarer la guerre :

Le vrai nous vient du Ciel, P'erreur vient de la Terre;

Et parmi les chardons qu'on ne peut arracher,

Dans des fentiers fecrets le fage doit marcher.

La paix enfin, la paix, que l'on trouble & qu'on aime, Eft d'un prix auffi grand que la vérité même.

PRIER E.

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O DIEU qu'on méconnait, ô DIEU que tout annonce
Enten les derniers mots que ma bouche prononce.
Si je me fuis trompé, c'eft en cherchant ta Loi:
Mon cœur peut s'égarer, mais il eft plein de toi.
Je vois fans m'allarmer l'Eternité paraître,
Et je ne puis penfer qu'un DIEU qui m'a fait naître,
Qu'un DIEU qui fur mes jours verfa tant de bienfaits,
Quand mes jours font éteints, me tourmente à jamais.

NOTE S.

Soit qu'un Etre inconnu, &c.

a DIEU étant un Etre infini, fa nature a dû être inconnuë à tous les hommes. Comme cet ouvrage est tout philofophique, il a falu rapporter les fentimens des Philofophes. Tous les Anciens', fans exception, ont cru l'éternité de la matière; c'eft prefque le feul point fur lequel ils convenaient. La plupart prétendaient que les Dieux avaient arrangé le Monde; nul ne favait que DIEU l'avait tiré du néant. Ils difaient que l'Intelligence céleste avait par fa propre mature le pouvoir de difpofer de la matière, & que la matière exiftait par fa propre nature.

Selon prefque tous les Philofophes & les Poëtes, les grands Dieux habitaient loin de la Terre. L'ame de l'homme, felon plufieurs, était un feu célefte; felon d'autres, une harmonie réfultante de fes organes; les uns en faifaient une partie de la Divinité, Divine particulam aure; les autres, une matière épurée, une quinteffence; les plus fages, un être immatériel: mais quelque Secte qu'ils ayent embraffée, tous, hors les Epicuriens, cnt reconiu que Thomme eft entiérement foumis à la Divinité.

b Et

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