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Turcs, qui chomaient le rhamazan, se retiraient vers leurs campements. Dans l'espace d'une heure, le ravin, qui avait arrêté sept mille ennemis, est franchi. Malgré l'obscurité de la nuit on attaque le village de Souli. Le feu est mis aux magasins de fourrages des mahométans, qui poussent des hurlements épouvantables. Frappés de mille côtés à la fois, tombant sous les coups d'ennemis qu'ils n'apercevaient qu'au feu des armes qui leur envoyaient la mort, ils fuient en désordre. Des groupes de cavaliers roulent au fond des gouffres, tandis que d'autres, arrêtés par les rochers, abandonnent leurs chevaux pour se sauver. Le quartier d'Omer Brionès est forcé, les Souliotes prennent son secrétaire, ses papiers, une partie de son trésor, ses bagages, ainsi que les munitions de guerre, que les femmes transportent dans la montagne, et le retour de la lumière laisse apercevoir un corps considérable de mahométans cernés sur le mont Dondia.

Séparés de leur armée, qui s'était enfuie à quatre lieues de cet endroit, on leur offre de se rendre, avec promesse de la vie sauve, et six cents Turcs asiatiques, ayant mis bas les armes, tombent aux pieds des chrétiens. On les dépouille, et après les avoir obligés de se prosterner devant l'étendard de la Croix, on les renvoie au sérasker Khourchid, qui était rentré pendant la nuit du 14 au 15 juin dans sa résidence de Janina.

L'ordre de se rendre dans la Romélie arrivait au même moment à Khourchid, qui, voyant le mauvais état des affaires en Épire, ne fut pas fâché de laisser Omer Brionès terminer, à ses risques et périls, la guerre de Souli.

Celui-ci venait d'être nommé pacha de Janina; il devait justifier la confiance dont on l'honorait. Personne ne pouvait mieux tirer parti des Schypetars qui commençaient à se débander, les rallier et confondre, par son activité, les projets des chrétiens. Son neveu, Achmet Brionès, avait un peu compensé les échecs éprouvés devant

Souli, par la prise des châteaux de Playa, d'où il avait encore un fois chassé les Grecs. Khourchid donna des instructions détaillées à Omer pacha sur le plan de campagne qu'il devait suivre.

Ayant ensuite mandé l'archevêque Gabriel, il eut, avec ce prélat, un entretien, où se moquant des « magna» nimes Hellènes qui prétendaient lutter contre les forces » de l'empire ottoman, il lui dit ironiquement qu'au re>> tour de sa campagne il se concerterait avec Sa Sainteté, » pour aviser à la portion de liberté qu'on laisserait à ces >> rebelles. Nous causerons à ce sujet, poursuivit-il, en se >> caressant la barbe ; en attendant, prends soin de main» tenir les chrétiens épirotes dans le devoir, car je jure >> par Allah et Mahomet que, s'il survient des troubles » dans le pays d'Arnaoutlik (Épire), tu éprouveras, ainsi >> que tes pareils, le châtiment mérité que mon glorieux » Padischa a infligé au Mourta (impur) patriarche >> Grégoire. >>

Après cette entrevue, Khourchid pacha, qui avait depuis long-temps fait prendre les devants à ses bagages, partit pour la Thessalie sous l'escorte de quatre mille cavaliers, et il arriva le 27 juin à Larisse, où il trouva une armée de plus de cinquante mille hommes, qui n'attendaient que sa présence pour entrer en campagne.

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CHAPITRE II.

Souhait remarquable de Henri IV. — Paroles du trône dans la session de 1822. Réponse de deux orateurs français à l'accusation portée contre le ministère français. — Préparatifs des Turcs contre le Péloponèse. — Arrivée de plusieurs familles Chiotes à Corinthe.— Capitulation de l'acropole d'Athènes. État de ses monuments après le siége. Arrivée de D. Hypsilantis et de Nicétas en Béotie. - Proposition d'Odyssée pour attaquer les Turcs.— Succès incomplet de son entreprise. — Injures qu'il adresse à Hypsilantis. Résolution du conseil exécutif contre Odyssée. Il quitte le commandement; est remplacé par Palascas et Alexis Noutzas. -Assassinat de ces deux individus. Observations sur cet événement. —Ses suites. — Pourparlers des Turcs de Nauplie. — Résolution de Bobolina. Capitulation conditionnelle de Nauplie. - Faute des Grecs. Dissensions.-Cupidité. Anarchie. Dangers publics.

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SULLY rapporte (1) qu'au nombre des voeux formés par Henri IV, le plus ardent était de gagner, en personne, contre les Turcs, une bataille dans laquelle il aurait été généralissime de la chrétienté. Un aussi noble sentiment animait le cœur de son auguste descendant, Louis XVIII, quand les paroles émanées du trône firent entendre, au milieu des chambres réunies du parlement français en 1822, les sentiments d'intérêt que le Roi Très-Chrétien portait à l'église militante d'Orient.

Les sujets du petit-fils de Henri IV avaient exprimé les mêmes pensées dans leurs adresses respectives, quand une voix fit entendre ces paroles: Si la Grèce périt, c'est la France qui en est la cause. A ces mots, un député, M. Lainé (son nom est son plus bel éloge pour exprimer le talent oratoire uni à la vertu) s'écria: «< Ah! si la Grèce » périt, si l'histoire, si la génération présente, ont le droit (1) Sully, Économiques, t. III, p. 63.

» d'accuser quelque potentat ou l'Europe même, la France >> ne sera pas comprise dans le sévère jugement que por» tera la postérité.

>>> Je n'irai pas,

préjugeant imprudemment ses arrêts, >> discuter si le temps a donné des droits sacrés à la barbarie >> même; si à l'origine de l'insurrection il n'était pas na»turel d'intervenir là comme ailleurs. On aurait au moins » évité cette grande effusion de sang, qu'il eût été si facile » de prévenir. Je n'aurai pas l'orgueil d'examiner si une >> puissance philanthropique est devenue l'alliée de celle » qui fait esclaves des chrétiens, et si elle prohibe l'hospi»talité quand il s'agit des Grecs. Laissons ces accusations » filles, peut-être, d'une générosité prévenue. Ne deman» dons pas non plus à ceux qui disent que l'ordre social » est exposé ailleurs, si la sociabilité n'est pas là en péril ; >> mon but n'est que de justifier la France injustement » accusée (1). »

Succédant à l'orateur qui montrait les vaisseaux de S. M. T. C., alliée fidèle de l'infortune, et son pavillon partout favorable aux Grecs, M. de Bonald reprenait : « La France >> a fait ce qu'elle devait faire. Le drapeau blanc, secoura»ble au malheur, l'a cherché, et a offert un asile à toutes. >> les victimes des déplorables événements. Je m'honore, » pour la chambre, que ce soit un de ses membres qui ait » été chargé, dans le Levant, de cette honorable mission, » qu'il a remplie avec autant de courage que de zèle et d'hu>> manité. Et si nos usages l'eussent permis, j'aurais deman» dé, pour notre honorable collègue, le contre - amiral » Halgan, des remercîments qui auraient été accueillis à » l'unanimité (2). »

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Envisageant la question sous un point de vue plus étendu, M. Lainé de Ville-Lévêque avait traité quelque temps auparavant (3) la question, en disant : « L'antique patrie (1) Séance du 22 juillet 1822.

(2) Id., id., dans le Moniteur de cette date. (3) Séance du 19 mars 1822.

» des arts et du génie, la Grèce a relevé son front belli>>queux en invoquant le Dieu vengeur des peuples oppri» més. Le sang de ses pontifes et de ses vierges immolées >> par les Turcs demandait vengeance. Des mains long-temps >> meurtries par les fers ignominieux de la plus cruelle >> servitude ont saisi avec transport un glaive religieux. » C'est sous l'étendard auguste de la Croix que les Hellènes >> volent aux combats. La noble poussière des héros de la >> Grèce s'est ranimée! elle a enfanté des légions de braves! >> La victoire a déjà plus d'une fois couronné leurs efforts; » et l'Europe, tristement livrée à de frivoles intrigues » parle de la vaine légitimité d'un sultan, ennemi de » l'Évangile, qui ne se repaît que de larmes et de sang. »

Hélas! au moment où ces discours, ces voeux, ces hommages publics retentissaient au milieu du parlement français, la Grèce, qui avait inutilement imploré la pitié de l'Europe dans la langue de Socrate, ralliée sous le signe de notre rédemption, semblait toucher à son heure suprême. Personne n'avait succédé au général Halgan pour la bienfaisance, et les Hellènes, entourés d'ennemis altérés de leur sang, n'avaient plus de ressources que celles du désespoir. Khourchid pacha, la chose n'était que trop véritable, se trouvait à la tête d'une armée, de plus de cinquante mille hommes prêts à fondre sur le Péloponèse. La flotte turque, dispersée après l'incendie du capitan pacha, s'était réunie à Ténédos, d'où elle se préparait à mettre bientôt à la voile pour entrer dans la mer Égée, lorsque l'acropole d'Athènes se rendit, le 23 juin 1822, par capitulation (1), aux Grecs, qui l'assiégeaient depuis plus de sept mois. Les ma(1) Capitulation d'Athènes.

Le ministre de la guerre annonce aux Hellènes la nouvelle que les Turcs d'Athènes, voyant leur impuissance, et ne pouvant plus résister à nos armes, se sont rendus aux conditions suivantes.

Article Ier.

Ils remettront au pouvoir du gouvernement grec l'acropole, avec tous les canons, armes, etc., appartenant à la place.

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