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du village d'Achillée, et qu'ils obligèrent à se retirer précipitamment vers Carpenitzé, où Moustaï pacha envoya aussitôt des secours afin de reprendre l'offensive.

Les Turcs, qui avaient été repoussés aux approches du pont de Tatareïna, reparaissaient en force de toutes parts, lorsque Marc Botzaris arriva à l'entrée des gorges du mont Callidrome, le 19-7 août, avec quatre cent cinquante guerriers de la Selléide, et trois cents Hellènes recrutés dans le mont Aracynthe. Réunissant aussitôt ces Étoliens au corps commandé par Makrys, il lui assigna, ainsi qu'à Zongos et aux autres chefs, les différents postes qu'ils devaient occuper pour inquiéter l'armée turque, en les prévenant d'en suivre les mouvements, de la harceler et de cesser toute espèce d'attaque pendant la nuit suivante, jusqu'à un signal convenu qu'il leur donnerait.

Chacun obéit, et les Hellènes, au nombre de deux mille cinq cents, tels que des vautours prêts à fondre sur leur proie, s'étant rendus aux embuscades qui leur étaient désignées, l'Aigle de la Selléide avec quatre cent cinquante braves, seuls devant une armée de plus de vingt mille ́ barbares, résolurent de s'opposer à ce torrent.

Moustaï pacha, indépendamment de quatorze mille Guègues, de la haute Albanie, avait reçu une division de cinq mille Toxides, levés dans les monts Candaviens; près de deux mille Japyges enrôlés dans les villages voisins de Tébélen, et une foule de milices turques sorties de Castoria ainsi que des villages qui avoisinent l'Haliacmon. Les chrétiens connaissaient ces troupes, ils savaient apprécier leur valeur, lorsque, le 20-8 août, Marc Botzaris résolut d'attaquer un corps de huit mille hommes que le sérasker avait portés en avant.

Suivant l'usage immémorial des belliqueux enfants de la Grèce, Marc Botzaris se prépara au combat en célébrant avec ses soldats un banquet dans lequel il offrit des libations à la Vierge couronnée, protectrice de Souli. Chacun

se purgea ensuite de toute espèce de souillure en se baignant dans les eaux du Campyse, rivière qui s'épanche dans l'Achéloüs; et après avoir soigneusement peigné leurs chevelures ondoyantes, tous parés de leurs plus beaux habits, s'étant couronnés de fleurs, se réunirent devant le polémarque pour entendre sa résolution.

Marc Botzaris, vêtu de sa chlamyde bleue, signe distinctif des stratarques parmi les Hellènes, leur exposa son dessein dans ces termes, que nous nous faisons un devoir de rendre fidèlement : « Mes chers frères et compagnons >> d'armes! Que ceux qui croient à la divinité du Christ, » dont le signe auguste flotte devant nous, se préparent >> à combattre, à vaincre ou à mourir! Si nous compa» rons nos forces avec celles des barbares, nous sommes >> incomparablement les plus faibles en nombre; mais >>> vous avez dû juger, par les mesures que j'ai prises, que, » s'il nous est impossible de leur résister en plaine, nous >> pouvons les battre partiellement et les anéantir en dé» tail. Tel était d'abord mon projet ; mais entourés comme >> nous le sommes maintenant, il serait aussi honteux à » des Souliotes de reculer, que de chercher inutilement. » à disputer aux infidèles le terrain par des escarmouches. >> Amenés par Dieu même en champ clos, la patrie et la » postérité attendent de nous un exemple mémorable!!!

»

>> Cette nuit, mes frères, cette nuit même, pendant >> cette nuit redoutable, j'ai résolu d'entrer dans le camp » des infidèles sans brûler une amorce. Le poignard et le >> sabre seront nos seules armes pour y répandre la déso>> lation, la terreur et la mort, compagnes inséparables » des coups que, nous leur porterons dans l'obscurité !... » L'entreprise est audacieuse, je le sens avec orgueil que >> chacun de vous en considère le danger, et se décide li-» brement, car je n'admets au partage d'aussi nobles pé-» rils que des hommes de bonne volonté. »

Ainsi parla Marc Botzaris; et deux cent quarante pa~

licares sortis des rangs s'étant écriés : Nous marcherons cette nuit avec toi, et nous espérons que la divine Providence nous assistera, il les bénit au nom de la patrie et de l'Éternel.a

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Promenant ensuite ses regards sur les Souliotes qui avaient gardé le silence, il rejeta la demande tardive qu'ils lui firent de l'accompagner, en les remerciant avec bonté. Le ciel, leur dit-il, a marqué à chacun de nous sa place, mes frères ; mais je compte sur vous, ajouta-t-il, comme sur un boulevard inexpugnable, pour couvrir notre retraite. Je vous confie la garde du drapeau de la Croix ; et mon frère Constantin qui s'avance ne tardera pas à vous seconder. 1314.

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Prenant ensuite le brevet par lequel le gouvernement hellénique le nommait stratarque de la Grèce occidentale, il le baisa respectueusement et le déchira en s'écriant : C'est scellés de notre sang qu'il nous faut désormais des diplómes! Amis, notre commune patrie est au sein de la victoire, ou dans les parvis glorieux de l'Eternel, dont nous défendons la cause.

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Nous venons de dire que Moustaï pacha avait détaché une division de huit mille hommes, qui s'était emparée de Carpenitzé, ville au-dessous de laquelle elle était campée dans un terrain spacieux, entrecoupé de vignobles et de champs entourés de fossés. Marc Botzaris se trouvait à une lieue et demie de distance, et dès que le soleil fut couché il se mit en route, en prescrivant au capitaine Belerès, qui formait son centre, de se porter sur la gauche, en faisant un long détour pour couper la retraite à l'ennemi. Il fit prendre la même direction à trois cent cinquante soldats de la division de Cara Hyscos, en leur donnant le mot de ralliement qui était Sternari ( pierre à fusil ).

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Il dirigea ensuite le capitaine Tzégouris Tzavellas, avec un petit nombre de Souliotes et le bataillon du commandant Kitzos, fort de cinq cents hommes, sur Aniada, où le

taxiarque Hyoldache était attendu. Il laissa son frère Cons tantin avec la réserve, en prévenant les chefs et les soldats de ne faire aucun mouvement qu'en entendant sonner les trompettes qu'il emmena avec lui. Chacun partit ; et Marc Botzaris s'étant mis en prières vers les dix heures du soir, ainsi que ses soldats, donna le signal du départ en s'écriant: Dieu nous voit et nous guide. Observant le plus profond silence, ils marchèrent incontinent en répétant, Dieu nous voit et nous guide! que le Seigneur nous soit en aide!

Il était minuit quand Botzaris avec ses deux cent qua→ rante palicares surprennent l'avant-garde ennemie, don't les soldats, épars sur la pelouse dormaient sans avoir pris aucune mesure de sûreté. Dans une heure de temps plus de cinq cents barbares sont égorgés, et Marc, satisfait d'avoir répandu l'alarme de ce côté, se replie sur sa réserve, qui l'avait suivi à une distance convenue. Il prêtait l'oreille aux cris qui commençaient à se faire entendre, lorsqu'il fut rejoint par une quinzaine de ses soldats. Ceux-ci ayant perdu ses traces, et ne pouvant le suivre dans la rapidité de sa retraite, s'étaient couchés aux milieu des Schypetars Guègues, qui s'écriaient qu'on les assassinait, et que les Albanais Épirotes les trahissaient.

Les Souliotes finissaient à peine le récit de ce qu'ils avaient entendu, lorsqu'une vive fusillade éclata dans l'armée ennemie ; et deux palicares restés en arrière de ceux qui venaient de parler, annoncèrent que les Scodrians et les Épirotes, s'accusant de trahison, étaient aux prises, et se fusillaient réciproquement.

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Compagnons s'écria à ces mots Marc Botzaris, vous venez de l'entendre, le ciel nous livre les infidèles. Suivez-moi, marchons! Il dit, et rassemblant tous ses palicares, il envoie l'ordre aux Hellènes embusqués sur les flancs de l'armée ennemie de se mettre en mouvement , afin d'attaquer les Turcs. Il se porte aussitôt vers un autre partie du camp que celle qu'il venait d'aborder, en criant:

Où sont les pachas? Les Hellenes attaquent les avantpostes! Il place en même temps une partie de ses soldats de manière à pouvoir faire feu tour à tour contre les Scodrians et les Epirotes, afin de les empêcher de se reconnaître. Pour lui, continuant à demander, Où sont les pachas? Les Hellenes attaquent les avant-postes ! il arrive à la tente d'Hago Bessiaris, lieutenant-général du sérasker, qu'il prend par la barbe: Bourreau des Souliotes, tu ne m'échapperas pas; et il le poignarde. Saisissant à quelques pas de là, sous sa tente, Sépher pacha à moitié endormi, il le remet aux mains de ses palicares, en leur ordonnant de le tuer s'il prononce une seule parole.

Frappant de toutes parts, en répétant où sont les pachas? Marc Botzaris et une partie des siens pénètrent au quartier-général. Tout tombe sous leurs coups, et le nouveau Machabée, appelant vainement Moustaï pacha, venait d'immoler successivement son sélictar ou porte-glaive et sept des principaux beys de la fertile province du Zadrima, quand il fut atteint d'une balle à la ceinture. Un nègre, auquel il avait dédaigné d'ôter la vie, lui avait tiré un coup de pistolet au moment où il sortait de la tenté du sérasker pour atteindre d'autres infidèles.

Retiré à l'écart pour panser sa blessure, qui était légère, mais dont il voulait dérober la connaissance à ses palicares, Marc Botzaris entend les Turcs qui s'efforçaient de rassurer leurs soldats, en disant: que ce qui se passait était un malentendu (xarás), et que les Hellènes n'attaquaient pas leur avant-garde. Soudain l'Aigle de la Sélléide s'élance en criant: non, ce n'est point un malentendu. Tremblez, barbares! c'est Marc Botzaris en personne qui a pénétré dans votre camp, et il vous tuera tous. Il ordonne en même temps à ses trompettes de sonner la charge.

A ce bruit les Turcs faisant une décharge générale du côté où le son se faisait, entendre, Marc Botzaris, atteint d'une balle à la tète, tombe privé de sentiment.

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