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des peuples et le caprice des copistes dans les manuscrits et les abréviations.

Ces caractères, dans l'imprimerie, sont connus sous le nom de lettres de forme à cause des traits angulaires, pointus, qui rendent la forme de ces lettres plus composée. Ils étaient d'abord destinés en Allemagne, en France, en Angleterre, en Italie, en Flandre, pour les inscriptions publiques, pour les livres d'église, les livres d'images. La Bible des pauvres, l'Histoire de Saint-Jean, le Donat, et plusieurs autres ouvrages ont été exécutés avec cette espèce de caractères, avant l'invention de la typographie. Guttenberg, Fust, Schoeffer et la plupart des imprimeurs du xv" siècle, ont employé, dans leurs éditions, les lettres de somme, moins chargées d'angles et de pointes que les lettres de forme. Les Anglais les désignent sous celui de black-letter; les Flamands sous celui de lettres-Saint-Pierre; et la plupart des autres peuples sous celui de caractères Flamands ou Allemands.

La bátarde ancienne, en usage en France dans les xive et xve siècles, dérive des lettres de forme, dont on a retranché les angles et quelques traits. Notre ronde financière, dont on ne s'est point encore défait, en conserve quelques traces. On les remarque plus particulièrement dans le livre de la Civilité que l'on donne aux enfants pour les préparer à la lecture des vieilles écritures.

L'italique tire son origine des lettres cursives, employées dans la chancellerie romaine. On les appelle aussi lettres vénitiennes, parce que les premiers poinçons en ont été faits à Venise; aldines, parce que Alde-Manuce en est l'inventeur : mais le nom d'italique a prévalu, parce que ce caractère vient d'Italie: presque tous les peuples l'ont adopté. Le pape Jules II, dans son privilège du 27 janvier 1513, accordé au premier

Alde Manuce, relativement à son invention des caractères cursifs ou de chancellerie, dit que dans l'impression on les prendrait pour l'écriture. Cum tu... græcorum et latinorum auctorum volumina summa cura et diligentia castigata a paucis annis ad communem omnium literatorum utilitatem characteribus, quos vulgus cursivos seu cancellarios appellat, imprimi tam diligenter et pulchre curaveris, ut calamo conscripta esse videantur.

Ange Roccha, dans sa Bibliotheca vaticana, dit qu'Alde Manuce donnait tant de soins à la correction des épreuves qu'il n'imprimait tout au plus que deux feuilles par semaine.

Le caractère romain fut renouvelé, en Italie, dans les sceaux des papes vers l'an 1430. L'empereur Frédéric III fit graver le sien en Allemagne en 1470, en même caractère. La France, sous Louis XI, l'employa dans les fabriques de monnaies. Bientôt ils eurent des imitateurs dans les autres états... Gunther Zayner, de Reutlingen, est le premier qui, dans l'imprimerie, ait introduit en Allemagne l'usage de ce caractères, en 1472.

Nicolas Jenson, Français, principal graveur de la monnaie de Paris, fut au moins un des premiers artistes qui détermina la forme et les proportions du caractère romain tel qu'il existe aujourd'hui dans les imprimeries. Il le forma de capitales latines, qui servirent de majuscules: il prit les minuscules des autres lettres latines, espagnoles, lombardes, saxonnes, carolines, qui se ressemblaient beaucoup : il apprécia la figure de ces minuscules, en leur donnant une forme simple et gracieuse. Il est peu de typographes qui aient réuni autant de talents dans la taille des poinçons, dans la fonte des caractères et dans l'impression.

Ce furent Friburger, Guering, Crantz et, après eux,

Simon de Coline, Robert Estienne et Michel Vascosan qui contribuèrent le plus à l'abolition du gothique en France. Il fut toujours chéri en Allemagne, en Hollande, en Flandre. Il n'y diffère que par ses formes plus ou moins grossières, plus ou moins carrées ou angulaires, dans les majuscules, les minuscules et les cursives. Les pointes et les angles multipliés, les jambages rompus en angles saillants et rentrants, caractérisent le gothique majuscule. Les angles, les pointes et les carrés constituent le minuscule. La cursive, composée de ces deux éléments, est formée de lettres liées et jointes avec la précédente, ou avec la suivante, ou avec les deux ensemble, et chargée d'abréviations qui la rendent presque indéchiffrable. En un mot, le gothique majuscule répond au parangon flamand, le gothique minuscule répond au saint-augustin flamand, le gothique cursif répond au cicéro et philosophie flamand. Les figures de ces caractères n'ont point pris naissance si précisément avec un siècle, qu'on ne les trouve dans le précédent. Elles n'ont point non plus fini tout à coup avec le même siècle: elles se sont perdues insensiblement ou au commencement, ou au milieu du siècle suivant.

Les caractères employés dans la Belgique par les imprimeurs du xve et du xvIe siècle sont souvent mixtes. Ceux de Jean de Westphalie tiennent du romain et du gothique : je les nomme semi-gothiques. Ceux de Martens d'Alost sont, tantôt d'un gothique affreux, tantôt d'un semi-gothique, et, dans le xvIe siècle, d'un beau romain. Ceux de Gérard Leeu sont semi-gothiques et gothiques. Ils ont entre eux quelques nuances de grosseur et de forme, il est vrai; mais, en général, les caractères allemands, hollandais, flamands, du même âge, ont une telle conformité, que sans

indication d'imprimeur, de lieu, et sans objets de comparaison, il est presque impossible de décider à quel typographe ils appartiennent.

Il n'est pas douteux que les Bataves et les Belges n'aient imité et adopté les caractères des Germains, leurs prédécesseurs et leurs maîtres, ou la forme des lettres des manuscrits autographes qu'ils ont mis sous presse. Et comment les distinguer les uns des autres sans la règle de jugement que je viens d'établir?

Les lettres tourneures, ainsi nommées à cause de leurs figures rondes et tournantes, servirent dans les premières impressions au commencement des chapitres, comme elles avaient servi dans les manuscrits.

Les lettres grises sont de grandes lettres initiales à la tête des chapitres et des livres, travaillées en marqueterie, en broderie, en points, en perles; historiées et représentant des figures d'homme, d'animaux, d'oiseaux, de fleurs, de feuillages, etc. Les copistes dans les manuscrits, les imprimeurs dans leurs éditions, laissaient en blanc les initiales et les capitales des livres, ou y mettaient seulement une minuscule afin que l'enlumineur eût la latitude et la liberté d'orner ce cartouche selon son goût. Les imprimeurs, dès le commencement de la typographie avaient des moules particuliers pour les lettres grises. On les voit dans le Psautier de 1457.

Les abréviations datent de l'origine de l'écriture. Les sténographes, les tironiens, les notaires, les siglaires les ont imaginées : les scribes, les copistes, les clercs, les chancelistes les ont imitées. Ils les ont variées et multipliées au point qu'ils ont rendu leur écriture énigmatique, soit en

conservant une partie des lettres d'un mot, soit en substituant des signes arbitraires à celles qu'ils supprimaient.

Ces abréviations devinrent tellement excessives dans le x siècle, qu'au commencement du xive on en sentit tout le danger, les inconvénients et les abus. Philippe le Bel, voulant bannir des minutes des notaires les abréviations, qui exposaient les actes à être mal entendus, ou falsifiés, rendit une ordonnance en 1304, qui les fit disparaître des actes juridiques. Déjà, l'empereur Justinien, dans le vie siècle, et Basile, dans le Ixe, avaient rendu des édits qui décernaient la peine de crime de faux contre ceux qui se serviraient d'abréviations ou de sigles, en copiant les lois de l'empire. Les abréviateurs du grand parquet, dans la chancellerie romaine, en ont conservé l'usage.

Les manuscrits des XIIe et XIVe siècles en fourmillent, et on les doit à la barbarie des temps scolastiques. Les éditions du xve siècle en sont tellement chargées que l'on a été obligé, en 1483, de publier un traité sur la manière de les lire: Liber dans modum legendi abbreviaturas. De la Curne de Sainte-Palaye a recueilli un alphabet des abréviations. latines, pour aider à déchiffrer les écritures. De Vaines et les autres diplomatistes ont aussi donné le leur; mais l'usage aide plus à cette lecture que la théorie. Les signes d'abréviations dans les livres d'images, dans les premières éditions de Mayence, dans celles de Cologne, de Strasbourg, de la Hollande, de la Flandre, etc., sont à peu près les mêmes. Ils diffèrent seulement en nombre.

Les abréviations sont désignées au-dessus des lettres par une petite barre horizontale, par une s courbée dans le bas des lettres, à la fin des mots par la forme d'un 9, exemple decorat9 decoratus; par la forme d'un 3, rubrica

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