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venus jusqu'à nous, nous permettront de recouvrer le caractère énergique et franc qu'exige impérieusement, pour sa durée, un gouvernement monarchique. Toujours est-il certain que lorsque nous avons voulu imiter la pairie anglaise, nous n'avons pu en trouver les éléments dans la haute aristocratie; elle n'était plus depuis Richelieu; et lorsque l'Assemblée constituante voulut lui arracher le souffle de vie qui lui restait, elle alla elle-même au-devant de sa destruction, et se signala, dans une nuit fameuse, par un enfantillage philosophique qui lui porta un coup mortel, en achevant de la dégrader. Nous avons vu ensuite les ministres de la restauration se complaire à cimenter cet avilissement, en telle sorte que dans les jours de la révolution de 1830, on ne s'aperçut pas même de l'existence de la pairie.

CHAPITRE VII.

La conduite du cardinal, relativement à la dignité royale.

MONTESQUIEU a dit du cardinal : « Il fit jouer «‹ à son monarque le second rang dans la monar«< chie, et le premier dans l'Europe. Il avilit le «< roi, mais il illustra le règne. Il apprit à la << France le secret de ses forces, et à l'Espagne « celui de sa faiblesse. >>

Ce grand écrivain m'a toujours paru, malgré son beau génie, chercher un peu trop les oppositions de mots et de phrases. J'avoue que je ne crois pas que la force de la France ait pu jamais

être un secret. La grande entreprise que préparait Henri IV est une preuve qu'il connaissait les forces de son royaume. Quant au secret de la faiblesse de l'Espagne, il me semble qu'il avait été révélé par la Hollande, puisqu'elle l'avait forcée, après la lutte la plus opiniâtre, à reconnaître son indépendance.

Richelieu affaiblit la maison d'Autriche, plus par son alliance avec Gustave-Adolphe et par le duc de Weymar, que par les armes françaises. Le chancelier Oxenstiern y contribua bien autant que lui, ainsi que le fait observer Fénélon. Henri IV avait préparé ce grand projet par ses négociations dans toutes les cours de l'Europe; la reine Elisabeth l'avait approuvé; et à sa mort, Henri envoya Sully auprès de son successeur, pour en obtenir que s'il ne secondait pas les desseins du roi, il n'y apportât du moins aucun obstacle.

Quant à cette distinction faite par Montesquieu entre le second rang dans la monarchie et le premier dans l'Europe, entre l'avilissement du roi et l'illustration du règne, il me semble que si Louis XIII n'avait que le second rang dans la monarchie, il ne pouvait avoir le premier dans l'Europe. Si le cardinal avilissait le roi, comme le dit Montesquieu, pouvait-il lui

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donner le premier rang dans l'Europe? Un roi avili peut-il avoir le premier rang? Je conçois très-bien que si Richelieu avait seu dominer son roi sans l'avilir, il aurait pu lui donner le mier rang dans l'Europe; mais puisqu'il l'avilissait, il se plaçait au-dessus de lui, en Europe. comme en France. L'Europe traitait avec le cardinal, et non avec le roi; elle sçavait que toutes les résolutions politiques étaient prises par le cardinal, et non par le roi.

Dans une monarchie, un ministre qui a le sentiment de ses devoirs, a mille moyens de relever son roi, bien loin de l'avilir; d'être toujours derrière lui, et jamais devant lui. Richelieu eut une conduite opposée : pouvait-il plus dégrader la dignité royale, qu'en introduisant ses propres gardes dans les appartements du roi, lorsqu'il y était, et en nombre égal aux gardes du roi ?

Dira-t-on que c'était pour sa sûreté? J'en conviendrai; il était arrivé à cette cruelle situation de redouter les gardes-du-corps du roi : et cependant il avait obtenu le renvoi de quatre capitaines des gardes, auxquels le roi était très-attaché; mais cela ne lui suffisait pas.

Triste condition d'un caractère tyrannique qui porte l'ambition jusqu'au délire, capable de tout,

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renverser pour parvenir au sommet des honneurs, et qui les obtient à peine, qu'il est agité de craintes continuelles, et que pour sa sûreté, il est forcé d'humilier la majesté royale, dont il tire toute sa puissance car, quoi de plus humiliant pour elle, que de voir un sujet accompagné dans ses palais de gardes aussi nombreux que ceux qui l'environnent? En même temps il forçait la reine à congédier les femmes qui lui étaient le plus attachées. Elle se plaignait de ne voir jamais quarante gentilshommes qu'elle employait à son service, et qui étaient toujours auprès du cardinal. Elle eut la cruelle mortification d'être accusée devant le conseil, et contrainte de se reconnaître coupable. Elle reçut la défense de parler à aucun homme chez elle, excepté en présence du roi. On vit la reine-mère arrêtée à Compiègne, et forcée de s'adresser en suppliante au parlement

de Paris.

On trouve d'autres preuves aussi frappantes de la dégradation qu'il porta sur la majesté royale. Rien ne le prouve plus que l'étrange procès du duc de la Valette. Lui seul put suggérer au roi de présider la commission illégale qui le jugeait, de recueillir les voix, de témoigner un ressentiment violent aux magistrats qui ne votaient pas suivant sa volonté. On n'avait encore rien vu de

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