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Richelieu, dans les commencements de son administration, fut à la fois grand dans les relations extérieures, et modéré dans les affaires du parlement et du clergé; mais bientôt sa marche fut violente et tyrannique, et l'on vit clairement qu'il sacrifiait tout à la conservation de son pou.voir. Il ne connaissait alors qu'une seule chose : abattre ses ennemis et les écraser. Mais dans les affaires d'une autre nature, son caractère ardent savait fléchir et temporiser. C'est ce qu'on vit en 1625, lorsque la France combattait à la fois l'Espagne et les protestants. Je m'étendrai sur ce sujet dans les chapitres où je parlerai de sa conduite envers les grands de l'Etat, les parlements et les protestants.

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LA conduite du cardinal, dans les affaires étrangères et envers les protestants, me paraît grande et noble; elle n'a point influé sur les causes de la révolution. Ainsi, je commencerai par traiter ces deux objets séparément. Je montrerai d'abord les heureux fruits du génie de Richelieu dans les choses où ne l'aveuglait pas la passion effrénée du pouvoir. Ce tableau, qui lui est favorable, précédera l'examen des autres parties de son gouvernement, et prouvera plus encore, par un contraste frappant, combien, dans

ces autres parties, il fut au-dessous de sa renommée, et combien fut fatal à la France son long ministère de dix-huit années.

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Le début du cardinal fut ádmirable. Il inspira des pensées magnanimes à son roi; il fit parler les ambassadeurs avec dignité. Il avait dit au roi, dans un Mémoire qu'il lui présenta avant d'entrer au ministère, «que les ministres qui gou«< vernaient alors étaient incapables de rendre à «<< la France et à la couronne l'éclat et la dignité qui leur appartenaient; que les princes doivent << toujours prendre des conseils hauts et généreux; «<< que la réputation est la principale force des « rois; qu'elle ne peut être rétablie quand une « fois elle est perdue. » Il traça la marche qu'il allait suivre dans une dépêche qui commençait par ces mots : « Le roi a changé de conseil; le ministère a changé de maximes. » Il annonça, comme un principe invariable, d'être fidèle envers les anciens alliés de la France. Il l'avait développé, avec autant de force que d'étendue, dans une longue instruction signée de lui, lorsqu'il n'était que secrétaire d'Etat. On ne peut assez

louer un si beau commencement.

Il suivit le plan d'Henri IV relativement à la maison d'Autriche. Il fut secondé par GustaveAdolphe; le chancelier Oxenstiern contribua à

cette grande entreprise autant que Richelieu ainsi que l'a remarqué Fénélon. On lui reproche d'avoir préparé les malheurs de Charles I**; et d'après une lettre de Richelieu au comte d'Estrade, il semblerait que sa conduite fut l'effet des ressentiments enfantés par son orgueil blessé. Mais il faudrait d'autres preuves pour l'accuser d'avoir conçu un dessein si impolitique et si criminel. Son esprit peu étendu ne se portait pas sur l'avenir, et je suis persuadé que dans les affaires d'Angleterre, il ne soupçonna seulement pas quelles pouvaient être les suites de ses premières démarches.

Voici d'ailleurs à quoi elles se réduisirent : Pendant le siége de la Rochelle, le cardinal reçut des députés de l'Irlande qui lui proposèrent de remettre à la France la province d'Ultonie, et de séparer l'Irlande de l'Angleterre. Il faut observer que l'Angleterre favorisait alors en France les calvinistes armés contre le roi. En outre, les gentilshommes écossais, qui formèrent une union appelée Covenant contre Charles Ier, s'adressèrent à Richelieu; mais je ne vois pas que ces négociations dussent être suivies d'aucun effet, excepté dans le cas où le gouvernement anglais se déclarerait pour l'Espagne contre la France. Il faut se rappeler qu'Elisabeth et Jacques Ier

avaient promis à Henri IV de ne point s'opposer à ses desseins contre la maison d'Autriche; mais Charles Ir semblait pencher vers l'Espagne. Elle était en guerre avec la France au moment des négociations dont je parle.

Je vois seulement que Richelieu, qui voulait toujours dominer, s'occupait de la conduite personnelle de la reine d'Angleterre, Henriette de France, comme de celle de sa sœur, la duchesse de Savoie. Quand la reine voulut faire son premier voyage en France, elle ne s'adressa pas au roi son frère, mais au cardinal, et l'on voit dans sa lettre combien elle croyait le consentement du cardinal nécessaire, et même indispensable. Toujours est-il certain que si le cardinal avait porté, sur les affaires de l'Angleterre, les regards pénétrants d'une probité sévère autant que d'un esprit étendu, il n'aurait écouté ni les Ecossais ni les Irlandais.

Un seul rapprochement de dates suffira d'ailleurs pour mettre la mémoire du cardinal à l'abri du grave reproche dont j'ai parlé. Il mourut à la fin de 1642. Charles Ier fut assassiné au mois de décembre 1649. On ne peut savoir quelle eût été la conduite du cardinal pendant sept années d'une si haute importance, qui préparèrent et achevèrent cette horrible catastrophe. On ne peut

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