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jusqu'à négocier le mariage de la belle et courageuse Henriette de France avec le prince de Galles, qui fut l'infortuné Charles I. Il trouva de fortes oppositions dans la cour de Rome; elle ne voulait pas accorder les dispenses nécessaires, à cause de la différence de religion. Dans le discours que Richelieu prononça dans le conseil à ce sujet, on trouve ces mots remarquables : « Té<«<moigner une si grande crainte de Rome se«rait nous faire tort, parce qu'en matière de « princes, on interprète surtout à faiblesse la dé« férence que les uns rendent aux autres, ce qui << fait qu'il n'y a rien de tel aux princes que de « prendre des conseils hauts et généreux. »

Ces derniers mots renferment une vérité frappante. L'histoire nous montre un plus grand nombre de trônes renversés par des conseils timides ou des actions dégradantes, que par des batailles perdues glorieusement. En politique, les fautes, les pertes sont réparables quand l'honneur reste. Richelieu disait aussi à Louis XIII: « La réputation est la principale force des rois ; << elle ne peut être rétablie quand une fois elle « est perdue. » Cette maxime de Richelieu est la même que celle de Bossuet: Tendez au grand. Elle a le même sens que celle de Louis XIV: « Les princes sont grands, non pas autant par

le

<< sceptre qu'ils portent, que par la manière dont «< ils le portent. » C'est la même pensée qui inspirait Henri IV, quand il demandait à Sully un Mémoire sur tout ce qu'il croyait capable de renverser, ou seulement de ternir la gloire du royaume. Combien ce prince n'était-il pas pénétré de ces beaux sentiments, quand, mettant ses mains sur les épaules de Sully prêt à partir pour traiter avec le successeur d'Elisabeth, relativement à la maison d'Autriche, il lui disait : << Mon ami, mon ami, n'exposez pas le roi du << premier royaume de l'Europe à voir ses avances « méprisées, et peut-être à les venger. » O sentiments magnanimes! grands caractères de ces temps éloignés, qu'êtes-vous devenus?

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Il me paraît incontestable que Richelieu eut envers les protestants la conduite la plus juste, la plus ferme, et par conséquent la plus glorieuse. Pourquoi eut-il cette conduite? Parce que ce grand objet se présenta à son esprit sous une forme simple et vraie, dont il fit un principe invariable: tolérer le culte des protestants, et ne pas souffrir qu'ils forment un corps séparé dans l'Etat. Ce principe n'était point combattu par ses passions personnelles ; il l'embrassa dans toute son étendue, dans toute sa simplicité. Il fut grand dans une entreprise si éminente. Mais nous ver

rons que lorsqu'il s'agissait des grands de l'Etat et des parlements, le malheureux intérêt de son pouvoir personnel venait obscurcir les lumières de son génie, et abaisser la hauteur de son ca

ractère.

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CHAPITRE V.

Conduite du cardinal envers les parlements.

C'EST surtout par sa conduite envers les parlements que Richelieu est la première cause de la révolution. Il serait impossible d'en avoir une juste idée, si l'on ne commençait par se rappeler celle du chancelier de l'Hôpital et d'Henri IV.

L'Hôpital avait laissé l'exemple à jamais mémorable de l'administration la plus ferme et la plus sage. Ses premiers efforts, dans l'affaire d'un président corrompu, furent employés à relever la magistrature; il l'honora plus encore en s'op

posant aux déprédations des finances, et même aux profusions de Henri II et de Catherine de Médicis. Mais en relevant la dignité des magistrats, il prouva, dans une occasion importante, qu'il savait mettre des bornes au pouvoir des parlements. Il soutint le fameux édit des semestres; il n'était pas encore ministre, mais il traçait ainsi d'avance la route que suivit toujours Henri IV.

Lorsque l'Hôpital fut nommé chancelier, il avait à combattre des ennemis bien plus puissants que les grands seigneurs qui s'opposèrent au pouvoir de Richelieu. C'étaient les Guises, c'était le cardinal de Lorraine, qui possédait à la fois trois archevêchés, sept évêchés et un grand nombre d'autres bénéfices. Quelle preuve de l'ascendant de cette maison, que François, duc de Guise, général de plusieurs armées, lieutenantgénéral du royaume, et qui cependant n'avait pas d'autre grade militaire que celui de capitaine de gendarmes!

C'est en combattant des hommes si puissants que l'Hôpital empêcha l'inquisition de s'établir en France; qu'il obtint l'enregistrement d'un édit de tolérance qui repoussait toute espèce de violence envers les protestants; qu'il refusa de signer l'arrêt par lequel une commission illégale avait condamné le prince de Condé; refusa aussi

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