Images de page
PDF
ePub
[merged small][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

CLITANDRE.

Si vous le voulez prendre aux usages du mot,
L'alliance eft plus grande entre pedant & fot.

TRISSOTIN.

La fottife dans l'un fe fait voir toute pure,

CLITANDRE.

Et l'étude dans l'autre ajoûte à la nature.

TRISSOTIN.

Le fçavoir garde en foy fon merite éminent.

CLITANDRE.

Le fçavoir dans un fat devient impertinent.
TRISSOTIN.

Il faut que l'ignorance ait pour vous de grands char

mes,

Puifque pour elle ainfi vous prenez tant les armes.

CLITANDRE.

Si pour moy l'ignorance a des charmes bien grands,
C'eft depuis qu'à mes yeux s'offrent certains Sça-

vans.

TRISSOTIN.

Ces certains Sçavans-là, peuvent, à les connoistre,
Valoir certaines gens que nous voyons paroistre.

CLITANDRE.

Ouy, fi l'on s'en rapporte à ces certains Sçavans ;'
Mais on n'en convient pas chez ces certaines gens.
PHILAMIN TE.

Il me femble, Monfieur...

CLITANDRE.

Eh, Madame, de grace; Y ij

Monfieur eft affez fort, fans qu'à fon aide on passe:
Je n'ay déja que trop d'un fi rude affaillant :
Et fi je me défens, ce n'eft qu'en reculant.

ARMANDE.

Mais l'offençante aigreur de chaque repartie

Dont vous...

CLITANDRE.

Autre fecond, je quitte la partie.
PHILAMINTE.

On fouffre aux entretiens ces fortes de combats,
Pourveu qu'à la perfonne on ne s'attaque pas.

CLITANDRE.

Eh, mon Dieu, tout cela n'a rien dont il s'offence ;
Il entend raillerie autant qu'homme de France;
Et de bien d'autres traits il s'eft fenti piquer.
Sans que jamais fa gloire ait fait que s'en moquer.

TRISSOTIN,

Je ne m'étonne pas au combat que j'effuye,
De voir prendre à Monfieur la Thefe qu'il appuye.
Il eft fort enfoncé dans la Cour, c'est tout dit :
La Cour, comme l'on fait, ne tient pas pour l'ef
prit,

[ocr errors]

Elle a quelque intereft d'appuyer l'ignorance,
Et c'eft en Courtifan qu'il en prend la défence.

CLITANDRE.

Vous en voulez beaucoup à cette pauvre Cour,
Et fon mal-heur eft grand, de voir que chaque jour
Vous autres beaux efprits, vous déclamiez contre-

[ocr errors]

Que de tous vos chagrins vous luy faffiez querelle; Et fur fon méchant gouft luy faifant fon procés, N'accufiez que luy feul de vos méchans fuccés.

Permettez-n

-moy, Monfieur Triffotin, de vous dire, Avec tout le refpect que vostre noin m'infpire, Que vous feriez fort bien, vos confreres, & vous, De parler de la Cour d'un ton un peu plus doux ? Qu'à le bien prendre au fond, elle n'eft pas f befte Que vous autres Meffieurs vous vous mettez en tef

te;

Qu'elle a du fens commun pour le connoiftre à tout; Que chez elle on fe peur former quelque bon gouft; Et que l'efprit du monde y vaut, fans flaterie, Tout le fçavoir obfcur de la pedanterie.

TRISSOTIN.

De fon bon gouft, Monfieur, nous voyons des effets,

CLITANDRE.

Où voyez-vous, Monfieur, qu'elle l'ait fi mauvais p

TRISSOTIN.

Ce que je voy, Monfieur, c'eft que pour la fcience Rafius & Baldus font honneur à la France

[ocr errors]

Et que tout leur merite expofé fort au jour
N'attire point les yeux & les dons de la Cour

CLITANDRE..

Je voy voftre chagrin, & que par modeftie
Vous ne vous mettez point, Monfieur, de la partie
Et pour ne vous point mettre auffi dans le propos
Que font-ils pour l'état yos habiles Heros?
Qu'est ce que leurs écrits luy rendent de fervice,
Pour accufer la Cour d'une horrible injuftice?

Et fe plaindre en tous lieux que fur leurs doctes

noms

Elle manque à verfer la faveur de fes dons >
Leur fçavoir à la France eft beaucoup neceffaire,
Et des Livres qu'ils font la Cour a bien affaire.
Il femble à trois Gredins, dans leur petit cerveau,
Que pour eftre imprimez, & reliez en veau,
Les voila dans l'Eftat d'importantes perfonnes;
Qu'avec leur plume ils font les deftins des Couron

nes ;

Qu'au moindre petit bruit de leurs productions,
Ils doivent voir chez eux voler les penfions;
Que fur eux l'Univers a la veuë attachée ;
Que par tout de leur nom la gloire eft épanchée,
Et qu'en fcience ils font des prodiges fameux,
Pour fçavoir ce qu'ont dit les autres avant eux;
Pour avoir eu trente ans des yeux & des oreilles,
Pour avoir employé neuf ou dix mille veilles
A se bien barboüller de Grec & de Latin,
Et fe charger l'efprit d'un tenebreux butin

De tous les vieux farras qui traînent dans les Livres,
Gens qui de leur fçavoir paroiffent toûjours yvres;
Riches pour tout merite, en babil importun,
Inhabiles à tout, vuides de fens commun,
Et pleins d'un ridicule, & d'une impertinence
A décrier par tout l'efprit & la fcience.

PHILAMINTE.

Vôtre chaleur eft grande, & cet emportement
De la nature en vous marque le mouvement.
C'est le nom de rival qui dans vôtre ame excite

粥粥

"

SCENE IV.

JULIEN, TRISSOTIN, PHILAMINTE,
CLITANDRE, ARMANDE.

JULIEN.

E fçavant qui tantoft vous a rendu vifite,

d'entre Valet ;

Madame, vous exhorte à lire ce billet.

PHILAMINTE.

Quelque important que foit ce qu'on veut que je life,
Apprenez, mon amy, que c'est une fottife
De le venir jetter au travers d'un discours,
Et qu'aux gens d'un Logis il faut avoir recours,
Afin de s'introduire en valet qui fçait vivre.

JULIEN.

Je noteray cela, Madame, dans mon Livre,

[ocr errors][merged small]

"RISSOTIN s'eft vanté, Madame, qu'il épouferoit voftre fille. Je vous donne avis que fa Philofophie n'en veut qu'à vos richeffes, & que vous ferez bien de ne point conclure ce Mariage, que vous n'ayez veu le Poëme que je compofe contre luy En attendant cette Peinture où je pretens vous le dépeindre de toutes fes couleurs, je vous envoye Horace, Virgile, Terence Catulle, où vous verrez notez en marge tous les endroits qu'il a pillez.

« PrécédentContinuer »