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on le verra bientôt figurer comme ministre; et quelques familles, qui avaient le moyen de payer le prix de l'hospitalité, parvinrent à être admises dans les îles Ioniennes.

Nous consignons ce fait, car c'était un privilége ́extraordinaire d'intéresser la pitié des agents anglais, auxquels on avait livré les Ioniens sans aucune garantie. Ils avaient tendu une main secourable au satrape de Janina, mais ils s'étaient hautement déclarés contre les Grecs, parce qu'ils ne voyaient en eux que des instruments de la politique russe. C'était à ses artifices qu'ils attribuaient l'insurrection de la Hellade, et on surveillait avec une sévérité si insultante ses consuls, qu'on les expulsa plus tard, sous prétexte qu'ils étaient Ioniens, quoique naturalisés Moscovites. En attendant, leurs lettres officielles ou privées étaient décachetées, sans employer même les subterfuges qu'on met ailleurs en usage, pour masquer cette injure.

C'étaient de vieilles méthodes, bonnes autrefois pour Venise, et maintenant pour les casuistes politiques du tribunal Vémique de Mayence; mais les inquisiteurs d'Albion ne tergiversent jamais en fait d'arbitraire, quand il s'accorde avec leurs intérêts. On dressa ensuite des potences aux principaux attérages des îles Ioniennes, afin d'annoncer aux barbares la démarcation entre la chrétienté et la Turquie, et on remit en activité les délateurs ainsi que les espions formés à l'école du geolier de SainteHélène. On permit l'entrée des îles à quelques fem

mes, en repoussant vers une terre en conflagration des hommes qui ne demandaient qu'à reposer sous la surveillance d'une police ombrageuse; car la vie est douce, disaient les Grecs, méme aux infortunés. On leur refusa le feu et l'eau; mais tandis qu'on criait anathéme contre la révolte, soit calcul ou erreur, on faisait tout pour la fomenter.

Loin de moi, j'en atteste le ciel, de croire qu'il soit jamais entré dans la pensée du cabinet anglais de vouloir étouffer les espérances des Grecs dans leur sang. J'aime même à croire que le soin de leur propre conservation dicta des mesures atroces aux protecteurs de l'heptarchie ionienne, qui savaient trop combien la vente de Parga les avait rendus abominables aux yeux des orthodoxes, pour laisser accumuler une population irritée, qui aurait pu, à l'aide de quelques mécontents, leur causer plus que des inquiétudes. C'est ainsi qu'il faut expliquer ce qui se passa d'abord, car tandis qu'on repoussait les hommes capables de porter les armes, mesure favorable à la cause des Grecs, on leur vendait publiquement des armes et des munitions de guerre. Mais c'est à tort qu'on prétendit, dans le temps, qu'on avait poussé le machiavélisme jusqu'à tolérer l'émigration du comte André Métaxas; elle fut l'effet d'un sentiment trop honorable, pour qu'il ne trouve pas place dans cette histoire.

Le premier cri de liberté parti du Péloponèse avait fait tressaillir les Ioniens (1). André Métaxas,

(1) Les Grecs de Zante fournirent, dit-on, à cette époque,

informé qu'un gentleman anglais, nommé Gordon, et plusieurs de ses compatriotes, se disposaient à accourir au secours des Grecs, ne pouvant s'imaginer que ce qui était permis à Londres fût un délit dans les Sept-Iles, suivit l'impulsion de son cœur qui l'appelait à assister ses coreligionnaires. Il ne s'agissait que d'éluder quelques formalités, et sur le bruit répandu que des forbans infestaient l'archipel d'Ithaque, il obtint du résident de S. M. B. à Céphalonie d'armer pour leur donner la chasse.

Un corps nombreux de Grecs s'étant joint à lui, on s'embarqua avec du canon; et, sorti du port, on leur communiqua le dessein de passer en Morée. Ceux qui n'étaient pas d'avis d'une pareille entreprise furent reconduits à terre, et André Metaxas, accompagné de son frère Constantin et de trois ou quatre cents hommes, débarquèrent dans le golfe de Cyllène, au moment où Procope, évêque de Calavryta, entraînait les populations de l'Élide

dans le mont Olenos.

aux insurgés, en argent et en munitions de guerre, une valeur de 2,205,000 francs.

Céphalonie envoya du canon, des armes, et équipa, à ses frais, 490 hommes qui sont encore considérés comme proscrits, et dont les propriétés se trouvent sequestrées par les Anglais. Lencade et Ithaque fournirent, de leur côté, 145 hommes, de la poudre et des boulets qui leur furent vendus par le commandant turc de Prévésa. Enfin, M. Maye, originaire de Zante, · établi alors à Marseille, ne cessa pas d'assister les insurgés, en leur faisant passer hommes, armes, munitions, et tous les secours qu'il put réunir.

CHAPITRE V.

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Arrivée d'une escadre grecque devant Patras. — La frégate l’Arriége sauve le consul de France. — Combats entre les Hellènes et les Turcs. — Leur détresse. — Insurrection de Missolonghi. Turcs captifs déclarés raïas. — Conseils des Hydriotes aux habitants de Galaxidi, rejetés. Les insurgés injustement décriés. — Espion pendu. — Pillage du faubourg de Coron par les Maniates. - Sénat de Calamate. — Colocotroni généralissime. — Arrivée de Démétrius Hypsilantis. De Michel Comnène Aphendoulief et de Cantacuzène. — Déclamations d'un Allemand. — État des insurgés. Siége de Monembasie. Férocité des Turcs. - Superstition des Maniates, encouragés par leurs femmes. Absolution singulière de leurs vols. Secours que les Anglais donnent aux Suite de cette action. Corinthe débloquée.

Turcs.
Terreur répandue dans l'Arcadie.

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Litanies.

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Ex-voto.

Laliotes secourus. Leur retraite. - Chassent les Turcs Patréens de l'Acropolis. La police de Zante. Défend la procession du saint sacrement. Fureur des Zantiotes.

Ce fut le premier juin, à deux heures après midi, qu'on aperçut deux vaisseaux qui forçaient de voiles pour entrer dans le golfe de Patras, et une heure après, on en découvrit quelques autres au large. Quoique les Turcs annonçassent que c'était l'avant-garde de l'armée du capitan pacha, la frayeur qu'ils manifestaient décelait leur crainte. A trois heures une corvette suspecte, accompagnée d'un brick, après avoir successivement arboré le pavillon de France et celui du Sultan, hissa subitement la bannière de la Croix.

Il serait difficile de peindre l'effroi des Osmanlis et des Arnaoutes, qui se croyaient tellement certains de n'avoir en tête que quelques rebelles réfugiés dans les montagnes, qu'ils n'avaient pas même pensé à la possibilité d'être attaqués par mer. Dans un moment ils abandonnent le poste des jardins du consulat de France, où ils s'étaient établis militairement, malgré l'inviolabilité jusqu'alors respectée de son enceinte, et ils se retirent précipitamment dans la forteresse. L'escadre du capitana bey, composée de cinq bâtiments de guerre portant soixante-dix pièces d'artillerie, lève en même temps l'ancre, et au lieu de présenter le combat à deux armements qui n'avaient que trente-deux canons à lui opposer, elle prend la fuite vers les Dardanelles de Lépante.

Le consul de France, abandonné à lui seul, se rend à bord de la frégate l'Arriége, d'ou il voit les deux navires grecs braver le feu des châteaux, franchir, sans daigner leur répondre, le détroit et attaquer les Turcs sous le canon de Lépante. A sept heures du soir on découvre seize navires chétiens; à neuf heures ils mouillent en rade, en laissant la frégate française entre eux et la volée du château de Patras. Le capitaine de Leuil ayant alors hélé le brick amiral, celui-ci lui répond: Nous sommes Grecs; nous venons d'Hydra pour secourir nos frères! Nous savons que vous êtes Français, nous sommes vos amis!

Nous sommes Grecs! A ces mots la ligue Achéenne sembla sortir de ses tombeaux héroïques. Nous

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