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Que pour adorateur on veut bien à sa suite.

HENRIETTE.

Je n'ai pas empêché qu'à vos perfections

Il n'ait continué ses adorations;

Et je n'ai fait que prendre, au refus de votre ame, Ce qu'est venu m'offrir l'hommage de sa flamme.

ARMANDE.

Mais à l'offre des vœux d'un amant dépité
Trouvez-vous, je vous prie, entiere sûreté ?
Croyez-vous pour vos yeux sa passion bien forte,
Et qu'en son cœur pour moi toute flamme soit morte?

HENRIETTE.

Il me le dit, ma sœur; et, pour moi, je le croi,

ARMANDE.

Ne soyez pas, ma sœur, d'une si bonne foi;
Et croyez, quand il dit qu'il me quitte et vous
Qu'il n'y songe pas bien, et se trompe lui-même.

HENRIETTE.

Je ne sais; mais enfin, si c'est votre plaisir,
Il nous est bien aisé de nous en éclaircir:
Je l'apperçois qui vient; et, sur cette matiere,
Il pourra nous donner une pleine lumiere.

SCENE II.

CLITANDRE, ARMANDE,

HENRIETTE.

aime,

HENRIETTE.

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Pour me tirer d'un doute où me jette ma sœur
Entre elle et moi, Clitandre, expliquez votre cœur,
Découvrez-en le fond, et nous daignez apprendre
Qui de nous à vos vœux est en droit de prétendre.

ARMANDE.

Non, non, je ne veux point à votre passion
Imposer la rigueur d'une explication:

Je ménage les gens, et sais comme embarrasse

Le contraignant effort de ces aveux en face.

CLITANDRE.

Non, madame, mon cœur, qui dissimule peu,
Ne sent nulle contrainte à faire un libre aveu.
Dans aucun embarras un tel pas ne me jette;
Et j'avouerai tout haut, d'une ame franche et nette,
Que les tendres liens où je suis arrêté,

(montrant Henriette.)

Mon amour et mes vœux, sont tous de ce côté. Qu'à nulle émotion cet aveu ne vous porte; Vous avez bien voulu les choses de la sorte. Vos attraits m'avoient pris, et mes tendres soupirs Vous ont assez prouvé l'ardeur de mes desirs; Mon cœur vous consacroit une flamme immortelle : Mais vos yeux n'ont pas cru leur conquête assez belle. J'ai souffert sous leur joug cent mépris différents; Ils régnoient sur mon ame en superbes tyrans; Et je me suis cherché, lassé de tant de peines, Des vainqueurs plus humains et de moins rudes (montrant Henriette.) Je les ai rencontrés, madame, dans ces yeux, Et leurs traits à jamais me seront précieux; D'un regard pitoyable ils ont séché mes larmes, Et n'ont pas dédaigné le rebut de vos charmes. De si rares bontés m'ont si bien su toucher, Qu'il n'est rien qui me puisse à mes fers arracher: Et j'ose maintenant vous conjurer, madame, De ne vouloir tenter nul effort sur ma flamme, De ne point essayer à rappeler un cœur

chaînes.

Résolu de mourir dans cette douce ardeur.

ARMANDE.

Hé! qui vous dit, monsieur, que l'on ait cette envie, Et que de vous enfin si fort on se soucie?

Je vous trouve plaisant de vous le figurer,

Et bien impertinent de me le déclarer.

HENRIETTE.

Hé! doucement, ma sœur. Où donc est la
Qui sait si bien régir la partie animale,

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Ettetenir la bride aux efforts du courro

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ARMANDE.

morale

z-vous,

roître

'être ?

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Mais vous, qui m'en parlez, où la pratique
De répondre à l'amour que l'on vous fait P2
Sans le congé de ceux qui vous ont donné 1
Sachez que le devoir vous soumet à leurs lois
Qu'il ne vous est permis d'aimer que par leur
Qu'ils ont sur votre cœur l'autorité suprême,
Et qu'il est criminel d'en disposer vous-même,

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HENRIETTE.

Je rends grace aux bontés que vous me faites
De m'enseigner si bien les choses du devoir.
Mon cœur sur vos leçons veut régler sa

Et

choix;

voir

conduite;

pour vous faire voir, ma sœur, que j'en profite,
Clitandre, prenez soin d'appuyer votre amour,
De l'agrément de ceux dont j'ai reçu le jour.
Faites-vous sur mes vœux un pouvoir légitime,
Et me donnez moyen de vous aimer sans crime.

CLITANDRE.

J'y vais de tous mes soins travailler hautement
Et j'attendois de vous ce doux consentement.

ARMANDE.

Vous triomphez, ma sœur, et faites une mine
A vous imaginer que cela me chagrine.

HENRIETTE.

Les droits de la raison sont toujours tout-puissants,
Moi, ma sœur! point du tout. Je sais que sur vos sens

que, par les leçons qu'on prend dans la sagesse, Vous êtes au-dessus d'une telle foiblesse.

Et

Loin de vous soupçonner d'aucun chagrin, je croi
Qu'ici vous daignerez vous employer pour moi,
Appuyer sa demande, et, de votre suffrage,

Presser l'heureux moment de notre mariage.
Je vous en sollicite; et, pour y travailler...

ARMANDE.

Votre petit esprit se mêle de railler;

Et d'un cœur qu'on vous jette on vous voit toute fiere.

HENRIETTE.

Tout jeté qu'est ce cœur, il ne vous déplaît guere;
Et si vos yeux sur moi le pouvoient ramasser,
Ils prendroient aisément le soin de se baisser.

ARMANDE.

A répondre à cela je ne daigne descendre;
Et ce sont sots discours qu'il ne faut pas entendre.

HENRIETTE.

C'est fort bien fait à vous; et vous nous faites voir
Des modérations qu'on ne peut concevoir.

SCENE III.

CLITANDRE, HENRIETTE.

HENRIETTE.

Votre sincere aveu ne l'a pas peu surprise.

CLITANDRE.

Elle mérite assez une telle franchise;

Et toutes les hauteurs de sa folle fierté
Sont dignes, tout au moins, de ma sincérité.
Mais, puisqu'il m'est permis, je vais à votre pere,
Madame....

HENRIETTE.

Le plus sûr est de gagner ma mere.

Mon pere est d'une humeur à consentir à tout;
Mais il met peu de poids aux choses qu'il résout;
Il a reçu du ciel certaine bonté d'ame

Qui le soumet d'abord à ce que veut sa femme.
C'est elle qui gouverne; et, d'un ton absolu,
Elle dicte pour loi ce qu'elle a résolu.

Je voudrois bien vous voir pour elle et po
Une ame, je l'avoue, un peu plus complas
Un esprit qui, flattant les visions du leur
Vous pût de leur estime attirer la chale u -

CLITANDRE.

Mon cœur n'a jamais pu, tant il est né since
Même dans votre sœur, flatter leur carac Eer.
Et les femmes docteurs ne sont point de mo1
Je consens qu'une femme ait des clartés de

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goût.

Out:

fait,

Mais je ne lui veux point la passion choquante
De se rendre savante afin d'être savante;
Et j'aime que souvent, aux questions qu'on
Elle sache ignorer les choses qu'elle sait:

De son étude enfin je veux qu'elle se cache,

Et qu'elle ait du savoir sans vouloir qu'on le sache,

Sans citer les auteurs, sans dire de grands mots,
Et clouer de l'esprit à ses moindres propos.

Je

respecte beaucoup madame votre mere;

Mais je ne puis du tout approuver sa chimere,
Et me rendre l'écho des choses qu'elle dit,
Aux encens qu'elle donne à son héros d'esprit.
Son monsieur Trissotin me chagrine, m'assomme;
Et j'enrage de voir qu'elle estime un tel homme,
Qu'elle nous mette au rang des grands et beaux esprits
Un benêt dont par-tout on siffle les écrits,
Un pédant dont on voit la plume libérale
D'officieux papiers fournir toute la halle.

HENRIETTE.

Ses écrits, ses discours, tout m'en semble ennuyeux,
Et je me trouve assez votre goût et vos yeux.
Vous devez vous forcer à quelque complaisance.
Mais, comme sur ma mere il a grande puissance,

Un amant fait sa cour où s'attache son cœur,
Il veut de tout le monde y gagner la faveur;
Et, pour n'avoir personne à sa flamme contraire,
Jusqu'au chien du logis il s'efforce de plaire.

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