Images de page
PDF
ePub

36

Au moins ne dites mot du choix de cet é

LES FEMMES SAVANTES.

Je veux à votre fille en

parlera

époux;

avant vous.

Et je connoîtrai bien si vous l'aurez instruite.
J'ai des raisons à faire approuver ma conduite;

SCENE IX.

ARISTE, CHRYSALE.

ARISTE.

Hé bien ? la femme sort, mon

frere, et je vois bien

Que vous venez d'avoir ensemble un entretien.

Oui.

CHRYSALE.

ARISTE.

A-t-elle consenti? L'affaire est-elle faite ?
Quel est le succès? Aurons-nous Henriette ?

CHRYSALE.

Pas tout-à-fait encor.

ARISTE.

Refuse-t-elle ?

CHRYSALE.

ARISTE.

Est-ce qu'elle balance ?

Quoi donc?

1

CHRYSALE.

Non.

En aucune façon.
ARISTE.

CHRYSALE.

C'est que pour gendre elle m'offre un autre homme.

ARISTE.

Un autre homme pour gendre?

CHRYSALE.

ARISTE.

Un autre.

Qui se nomme?

F

Su

Monsieur Trissotin.

CHRYSALE.

ARISTE.

37

Quoi! ce monsieur Trissotin...

CHRYSALE.

Oui, qui parle toujours de vers et de latir.

Vous l'avez accepté ?

ARISTE.

CHRYSALE.

Moi! point. A Dieu ne

[blocks in formation]

plaise!

Rien; et je suis bien aise
m'engager pas.

De n'avoir point parlé, pour ne

ARISTE.

La raison est fort belle; et c'est faire un grand pas! Avez-vous su du moins lui proposer Clitandre?

CHRYSALE.

Non; car comme j'ai vu qu'on parloit d'autre gendre, J'ai cru qu'il étoit mieux de ne m'avancer point.

ARISTE.

Certes, votre prudence est rare au dernier point!
N'avez-vous point de honte, avec votre mollesse ?
Et se peut-il qu'un homme ait assez de foiblesse
Pour laisser à sa femme un pouvoir absolu,
Et n'oser attaquer ce qu'elle a résolu ?

CHRY SALE.

Mon dieu! vous en parlez,'mon frere, bien à l'aise, ̈ ̄
Et vous ne savez pas comme le bruit me pese:
J'aime fort le repos, la paix et la douceur;
Et ma femme est terrible

avecque son humeur.
Du nom de philosophe elle fait grand mystere,
Mais elle n'en est pas pour cela moins colere ;
Et sa morale, faite à mépriser le bien,

Sur l'aigreur de sa

bile

operé comme rien.

38

Pour peu que l'on s'oppose à ce que veut sa tête, On en a pour huit jours d'effroyable tempête. Elle me fait trembler dès qu'elle prend Je ne sais où me mettré, et c'est un vrai dragon;

LES FEMMES SAVANTES.

avec toute sa diablerie,

Et cependant,
Il faut que je l'appelle

Est, par vos

son ton;

et mon cœur et ma mie.

ARISTE.

lachetés, souveraine sur vous.

Allez, c'est se moquer. Votre femme, entre nous, Son Pouvoir n'est fondé que sur votre foiblesse; Vous-même à ses hauteurs vous vous abandonnez, C'est de vous qu'elle prend le titre de maîtresse;

Et vous faites mener, en

nomme,

bête, par le nez.

Quoi! vous ne pouvez pas, voyant comme on vous Vous résoudre une fois à vouloir être un homme,

A faire condescendre une femme à vos vœux. Et prendre assez de cœur pour dire un Je le veux? Vous laisserez sans honte immoler votre fille Aux folles visions qui tiennent la famille, Et de tout votre bien revêtir un nigaud Pour six mots de latin qu'il leur fait sonner haut; Un pédant qu'à tout coup votre femme apostrophe Du nom de bel esprit et de grand philosophe,

D’homme qu'en vers
Et qui n'est, comme on

galants jamais on n'égala,
sait, rien moins que tout cela?

Allez, encore un coup, c'est une moquerie,
Et votre lâcheté mérite qu'on en rie.

CHRYSALE.

Oui, vous avez raison, et je vois que j'ai tort.
Allons, il faut enfin montrer un cœur plus fort,

Mon frere.

ARISTE.

C'est bien dit.

[blocks in formation]

Que d'être si soumis au pouvoir d'une femme.

Fort bien.

Il est vrai.

ARISTE.

CHRYSALE.

De ma douceur elle a trop profité.

ARISTE..

CHRYSALE.

Trop joui de ma facilité.

Sans doute.

ARISTE.

CHRYSALE.

Et je lai veux faire aujourd'hui connoître Que ma fille est ma fille, et que j'en suis le maître, Pour lui prendre un mari qui soit selon mes vœux.

ARISTE.

Vous voilà raisonnable, et comme je vous veux.

CHRYSALE.

Vous êtes pour Clitandre, et savez sa demeure;
Faites-le moi venir, mon frere, tout-à-l'heure.

J'y

ARISTE.

[blocks in formation]

C'est souffrir trop long-temps;

Et je m'en vais être homme, à la barbe des gens.

FIN DU SECOND ACTE.

ACTE TROISIEME.

SCENE I.

PHILAMINTE, ARMANDE, BELISE,

TRISSOTIN, LEPINE.

PHILAMINTE.

AH! mettons-nous ici pour écouter à l'aise
Ces vers que mot à mot il est besoin qu'on pese.

Je brûle de les voir.

ARMANDE.

BÉLISE.

Et l'on s'en meurt chez nous.
PHILAMINTE, à Trissotin.

Ce sont charmes pour moi, que ce qui part de vous.

ARMAN'DE.

Ce m'est une douceur à nulle autre pareille.

BÉLISE.

Ce sont repas friands qu'on donne à mon oreille.

PHILAM INTE.

Ne faites point languir de si pressants desirs.

Dépêchez.

ARMANDE.

BÉLISE.

Faites tôt, et hâtez nos plaisirs.

PHILA MINTE.

A notre impatience offrez votre épigramme.
TRISSOTIN, à Philaminte.

Hélas! c'est un enfant tout nouveau-né, madame.
Son sort assurément a lieu de vous toucher;
Et c'est dans votre cour que j'en viens d'accoucher.

« PrécédentContinuer »