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céde au partage du butin, qui aurait donné lieu à des altercations fâcheuses, sans la sagesse de Marc Botzaris, qui empêcha les vainqueurs d'en venir aux mains.

Tandis que les Souliotes et les braves d'Agrapha se querellaient pour les dépouilles des Turcs, ceuxci étaient accueillis au camp de Janina par les sarcasmes des Schypetars. Accablés de honte et de douleur, ils venaient, ainsi que leurs chefs, de rentrer sous les tentes, lorsqu'un Tatare, expédié de Constantinople, apporta au serasker Ismaël la nouvelle que Khourchid, visir de Morée, était promu par Sa Hautesse au commandement général de l'armée d'Épire.

tement. activité.

CHAPITRE II.

Tremblement de terre. -Prodromes ou signes avant-coureurs de l'insurrection. Visions et bruits populaires.Bouleversement moral favorisé par Ali pacha. Fausse nouvelle de son abjuration.-Révocation du titre de Sérasker donné à Ismaël pacha. Remplacé par Khourchid pacha. On demande des otages aux agás des Schypetars. -Leur mécontenIls conspirent-S'entendent avec Ali pacha.-Son Écrit à Khourchid pacha. Son entrevue avec Alexis Noutza.-Le déclare son fils. Sa lettre aux Souliotes, Plan qu'il concerte avec eux découvert. - Parti qu'en tire Ismaël pacha.Mesures qu'il adopte. Trahison et désertion des chefs Schypetars.- Combat du 26 janvier.-Dangers auxquels échappe Ali pacha. Sa défaite. des impériaux célébrée dans le camp. Particularités.

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Victoire

Pompe funèbre. —

Un des tremblements de terre les plus épouvantables que le Péloponèse eût éprouvés depuis longtemps, s'était fait sentir dans cette belle et malheureuse province, à la fin du mois de décembre 1820. La ville de Patras, les hameaux de sa banlieue, ainsi que l'île de Zante, avaient considérablement souffert de la violence de ses secousses. Des sources d'eau bouillante avaient jailli du sein de la terre dans quelques endroits de l'Élide, tandis que plusieurs fontaines et un grand nombre de puits avaient complètement tari. Des montagnes s'étaient abîmées en Arcadie, et des lacs remplis d'une eau

fétide les avaient remplacées. Les exhalaisons mé phitiques, corrompant l'atmosphère, commençaient à produire une foule de maladies qui enlevaient les hommes et les animaux. On craignait la peste, lorsque, dans les premiers jours du mois de janvier (1), la mer du golfe des Alcyons, désertant tout à coup son rivage, s'éloigne; et revenant pré→ cédée d'une trombe bruyante poussée par la tempête, renverse les maisons, déracine les arbres et menace de transformer l'Achaïe en un vaste tombeau. Les habitants ne sachant ou fuir lèvent des maius suppliantes au ciel. Déja la vague couvre le temple antique de Cérès que les modernes ont consacré à saint André; elle mugit, elle se gonfle, lorsqu'au fort de l'ouragan quelques coups de ton> nerre ébranlent les airs. Le ciel est apaisé! Les nuages vomissent des torrents de pluie, les flots tombent, et celui qui assigna à l'Océan le sable des plages pour limite, lui a ordonné de rentrer dans ses bornes marquées. L'arc céleste se dessine sur le front du mont Panachaïcos. On respire, et bientôt après les tristes maladies s'éloignent avec les vapeurs émanées des antres de la terre, d'où sortit autrefois le serpent Python, emblême des maux attachés aux grandes convulsions du globe.

Ainsi que dans les sociétés primitives, où les hommes voyaient Dieu partout, les Moraïtes ti

(1) Ces deux phénomènes se succédèrent le 22 décembre 1820 et le 9 janvier 1821.

rèrent des phénomènes qui venaient d'éclater la certitude de leur prochain affranchissement, après les épreuves d'une guerre semblable au choc des éléments dont ils avaient été témoins. Ainsi Pierre l'ermite (1), dans une semblable circonstance, avait annoncé la coalition des princes chrétiens qui devaient se réunir pour délivrer le saint tombeau. Plus circonspects, les Grecs ne se communiquaient leurs espérances qu'en parlant des prodiges qui se manifestaient de toutes parts. On avait vu pleurer la vierge de Mega Spiléon. Les caloyers du couvent de Saint-Luc avaient entendu, aux heures de matines, une voix qui leur disait de prendre courage! Les pères Basilidiens de la Montagne-Sainte avaient aperçu, pendant les fêtes de la nativité, une croix lumineuse au haut du mont Athos, à l'endroit où la croyance vulgaire prétend que le tentateur transporta J.-C. pour lui montrer tous les royaumes du monde. Des pélerins, venant de Jérusalem, attestaient qu'ils avaient navigué durant plusieurs nuits, au milieu de l'Archipel, entre des vaisseaux d'où partaient, à chaque changement de quart, les cris de ΧΡΙΣΤΟΣ ΝΙΚΑΙ, ΧΡΙΣΤΟΣ ΒΑΣΙΛΕΥΕΙ. LE CHRIST TRIOMPHE, LE CHRIST EST VAINQUEUR! Un religieux du monastère de SaintBélisaire, en Thessalie, était sorti de son tombeau et avait frappé aux portes de chaque cellule, en

in gest. Dei per Fran

(1) A la suite du tremblement de terre de l'année 1095. V. Albert. Hist. Hierosolym., lib. 1, cos, p. 186.

avertissant ses frères de se préparer au combat. Les cénobites des Météores (1) avaient vu du haut de leurs montagnes les églises de la Thessalie livrées aux flammes par la main des infidèles. Les Souliotes, revenus de l'étonnement que leur avait causé la dernière victoire remportée sur les Turcs, l'attribuaient à l'archange Saint-Michel. Avec une foi aussi sincère que celle des habitants de Delphes (2) qui virent les héros et les dieux indigènes écrasant les Gaulois sous les roches détachées du mont Lycorée, ils affirmaient qu'un cavalier, brandissant une lance étincelante, avait poursuivi les Turcs jusqu'au village de Catchika, où il avait disparu au milieu des ruines de l'église du Saint-Taxiarque, d'où l'on avait entendu sortir le cri de guerre de la milice céleste: DIEU SEUL EST GRAND!

Ces prestiges, avant-coureurs ordinaires des grandes commotions politiques, car on n'improvise pas les révolutions destinées à jeter des racines profondes, étaient produits et nourris par les défiances existantes entre les chrétiens et les mahométans. Ces derniers ne voyaient dans les Grecs que des partisans de la Russie, et les autres, ne trouvant aucun appui sur la terre, cherchaient au ciel des consolations capables de leur inspirer des résolutions salutaires. On savait de part et d'autre que les temps étaient accomplis, et cepen

(1) Couvents situés en Thessalie qui sont spécialement désignés par ce nom.

(2) Pausan. Phocic.

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