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Dessiné d'après nature,

ces renseignements; le discours étudié de Machmoud pacha, au lieu d'amener le visir Ali à tirer le parti le plus avantageux de sa position, ne servirent qu'à hâter sa perte. Il avait toujours été le plus dangereux adversaire de sa fortune, parce qu'il jugea constamment les hommes et les choses d'après la perversité de son esprit. Passant donc subitement du découragement où il était réduit, à un excès d'orgueil, il s'imagina, dès qu'il eut congédié le parlementaire de Khourchid, que ses ouvertures de réconciliation étaient la preuve de l'impuissance où l'on se trouvait de le réduire; et il ne rêva plus que vengeances et succès; déja ses émissaires avaient soulevé les campagnes.

Une immense insurrection, qui s'agglomérait autour de l'armée impériale, allait forcer Khourchid de voler au secours de Constantinople, menacée par les Russes; et le sultan serait bientôt trop heureux de le nommer son Romili vali-cy. Réunissant alors les Schypetars mahométans, les Armatolis et les Souliotes, Ali, qui croyait qu'on traiterait avec lui, rétablissait l'ordre dans la Hellade, en faisant exterminer les Souliotes, les Armatolis, et ce qui restait de beys échappés à ses proscriptions. Il ne fallait qu'un peu de patience pour obtenir de pareils résultats; et Ali adressa, le 7 mars, au serasker, des contre-propositions de la teneur suivante :

<< Si la justice est le premier des devoirs d'un prince, celui de ses sujets est de lui obéir et de << lui rester fidèles. C'est de ce principe que dérivent

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« les récompenses et les peines; et quoique mes << services aient suffisamment justifié dans tous les << temps ma conduite, j'avouerai cependant que j'ai « démérité du sultan, puisqu'il a levé le bras de sa «< colère sur la tête de son esclave. Après avoir de«< mandé humblement pardon, je ne craindrai pas d'invoquer sa sévérité contre ceux qui ont abusé « de sa confiance. A ces fins, j'offre, 1o de payer les << frais de la guerre et les tributs arriérés de mon gouvernement, sans délai et sans aucune remise. «< 2o Comme il importe, pour le bon exemple, que «< la trahison d'un inférieur envers son supérieur reçoive un châtiment exemplaire, je demande que Pachô bey, qui a été mon domestique, soit décapité, lui seul étant rebelle, et l'auteur des calami<< tés publiques qui affligent les fidèles musulmans. « 3o Je conserverai, ma vie durant, sans renouvel<«<lement d'investiture annuelle, mon pachalik de « Janina, le littoral de l'Épire, l'Acarnanie et ses dépendances, aux titres, charges et redevances «< dues ou à devoir au sultan. 4° Il y aura amnistie << et oubli du passé pour tous ceux qui m'ont servi

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jusqu'à ce jour. Si ces conditions ne sont pas ac

ceptées sans modifications, je suis préparé à faire << bonne défense.

« Donné au château de Janina, ce 7 mars 1821.»> Ce mélange de soumission et d'arrogance n'aurait mérité qu'une juste indignation, si Khourchid n'avait pas eu intérêt à dissimuler. Il répondit au visir Ali, que la nature de ses demandes excédant ses pouvoirs, il allait les communiquer à Con

stantinople, et que les hostilités seraient suspendues, s'il le souhaitait, jusqu'au retour de son courrier. Cet article ayant été accepté, le serasker tourna ses vues du côté des Souliotes, qui, sachant Ali entré en pourpalers, consentirent à un armistice, et Jousouf pacha, prêt à les attaquer, reçut l'ordre d'ajourner son entreprise. On se flatta même d'un rapprochement général quand Khourchid eut fait choix de Békir Dgiocador pour traiter avec les chefs de la Selléide, qui convinrent d'envoyer des commissaires à Candja afin d'aviser aux moyens d'un arrangement définitif.

Arrivés de part et d'autre à leur destination, les députés de Souli, et Békir, convinrent que l'espace compris entre Candja où se trouvaient les avantpostes des chrétiens, et Loroux que Jousouf pacha occupait, serait déclaré neutre; et les conférences des plénipotentiaires s'ouvrirent au milieu des forêts de la Cassiopie, d'où l'on délogea, par précaution, jusqu'aux charbonniers. Après s'être juré une inviolable sûreté sur l'Évangile et le Coran, les ambassadeurs, qui n'avaient pour abri contre les pluies de l'équinoxe du printemps, que le feuillage, vainqueur des hivers, d'un chêne égilops, se trouvant fort mal à l'aise, consentirent à transférer le siége des négociations à Prévésa. Il fut en conséquence décidé que Békir livrerait aux Souliotes cinquante otages turcs à leur choix; et à cette condition deux de leurs capitaines, nommés Lambros et Zervas, se rendirent dans cette ville, où ils arrivèrent le 15 mars 1821.

Si ce fut un spectacle flatteur pour les Grecs de voir leurs frères de la Selléide traiter, de puissance à puissance, avec Khourchid, celui-ci cherchait à s'en venger sur les chrétiens du Péloponèse. L'archevêque de Patras, Germanos, et les Archontes de l'Achaïe, qui n'avaient pu faire révoquer l'ordre de se rendre en otage à Tripolitza, se disposaient à partir pour cette capitale, où tous les primats des vingt canons de la Morée, ainsi que les enfants des principaux capitaines du Magne, avaient ordre de se réunir. La terreur était générale. Les Patréens étaient menacés de voir arriver chez eux une garnison de deux mille janissaires. On parlait de désarmement, de mesures de surveillance, de catégories de gens suspects, d'arrestations prochaines, lorsque deux des principaux négociants grecs de Patras, mandés au sérail du vaivode, prévenus qu'on les y tiendrait en arrestation, se réfugièrent au consulat de France.

Il n'en fallait pas davantage pour exaspérer les mahométans, qui se seraient portés à quelques excès, si l'on n'avait pas réussi à leur persuader que les deux individus qu'ils cherchaient avaient passé à Zante. L'équipage d'une barque ionienne, auquel on eut le temps de donner le mot, attesta et jura, , par Saint-Denys (1), qu'il les avait vu débarquer dans cette île, où la police du gouvernement britannique faisait journellement incarcérer ceux

(1) Ce Saint Denys n'est pas l'aréopagite, mais un gentilhomme Zacynthien, qui fut évêque d'Égine. Étant revenu à

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