Images de page
PDF
ePub

razzo, où Moustaï pacha laissa garnison. Il ordonna également d'occuper Tyranna, Elbassan, Croie, et renvoya la cavalerie des Dibres au Romili vali-cy.

Le fils d'Ali, qui dans d'autres temps aurait crié victoire, et qu'on aurait salué à son retour à Janina du titre de gazi (1); Mouctar se contenta d'informer son père de la retraite de Moustaï pacha, qui était le premier succès de ses machinations politiques.

On fut dans l'allégresse à Janina d'un évènement qui permettait d'espérer qu'on conserverait la moyenne Albanie, pays capable de procurer des ressources, qu'on ne pouvait plus tirer de la Thessalie. L'orage parut s'éloigner; Pachô bey, campé entre le Vardar et l'Haliacmon, n'avançait pas; l'escadre qui s'était montrée dans la mer Ionienne avait cinglé vers la Morée : on respira.

(1) Gazi, Tang Erpartorixos, vainqueur, belliqueux, héros. Leunclav. in Onomastic. ad Hist. Turcic. et Not. ad Alex. p. 415. Dans l'acception que les Turcs lui donnent, il peut être comparé à l'imperator des Romains.

CHAPITRE III.

Composition d'une armée turque en général.

Retraite d'Odyssée. Entrée de Pehlévan à Lépante. - Ravage l'Etolie. -Retour d'Anagnoste auprès de lui. S'empare de Vonitza. Le capitana-bey soumet Port - Panorme, Canina, Avlone. Ghéortcha se rend au Romili vali-cy.

tar abandonne Bérat; flexion de ce Barbare.

[merged small][ocr errors]
[merged small][ocr errors]
[ocr errors]

Mouc

Retour

- Transports qu'ils éprouvent en

Pehlévan devant Prévésa.

[blocks in formation]

leurs à un ami. Cause véritable de la mort de sa fille, Marche de Pehlévan sur Arta. Troupes d'Ali battues à Arrivée d'un agent russe à Janina. -Le se- Défection générale des

Krio - Nero. rasker Pachô bey passe le Pinde. chefs et des troupes d'Ali. Le cheïk Jousouf abandonne l'Épire. - Pachô bey retrouve sa femme et son fils. léges et profanations de Pehlévan.

Sacri

L'IDÉE lá plus juste qu'on puisse se former d'une armée turque composée de contingents (je parle ici d'après ce que j'ai vu) serait de la comparer à ce que disent nos vieilles chroniques des bandes de pélerins, moitié guerriers, moitié dévots, qui se rendaient à Saint-Jacques de Compostelle, chantant des litanies, faisant rude guerre aux huguenots, et pillant les villages situés sur leur route. Ici, les huguenots sont les chrétiens qui ont toujours tort, parce qu'ils sont les opprimés, quoique les plus nombreux, et d'une religion différente de

celle du peuple conquérant. Au lieu de gens caparaçonnés de coquilles, des Kalenders, bigarrés et coiffés de bonnets pointus, montés sur des ânes en signe d'humilité, quoique l'orgueil soit partout compagnon de la besace, marchent en tête des files tumultueuses en vociférant: Allah! Allah! autant que les forces leur permettent de crier. Viennent ensuite les Délis (fous), ou cavaliers d'élite, qui battent l'estrade en pillant à plusieurs lieues à la ronde. Après eux marchent les Timariots, espèce de cavalerie nationale, affourchés sur des chevaux ou des mulets, enharnachés de bâts, les pieds passés dans des cordes en guise d'étriers; et les Spahis, dont chaque soldat, monté à sa manière, n'offre plus la régularité que ce corps présentait autrefois, dans les armées turques. On voit ensuite paraître l'infanterie, qui est regardée comme le dernier corps de la milice chez un peuple dont elle fut la gloire, aux siècles de sa splendeur militaire, quand les enfants de Hadgi Bektadge firent trembler la chrétienté. Divisés par bannières, les soldats, armés de fusils sans baïonnette et de calibres différents, chargés d'énormes pistolets, de larges poignards, avec des sabres attachés en sautoir, marchent tumultueusement en élevant des nuages de poussière, d'où sort un bruit semblable au mugissement d'un troupeau de taureaux. Après l'infanterie, paraissent les Topdgis (canonniers), qui font traîner leurs pièces d'artillerie par des bêtes à cornes ou par des chrétiens qu'ils chassent à coups de fouet. Enfin, derrière ce mélange effroyable de barbares, dont les

uns chantent, et les autres tirent en l'air pour s'amuser, s'avancent les seraskers ou généraux richement vêtus, entourés d'un domestique insolent; qui annonce l'importance de ses maîtres en distribuant des coups de bâton à quiconque n'a pas soin de se tenir à une distance respectueuse. Malgré leur brutalité, c'est sous le patronage de cette valetaille prétorienne et des sephers odalicks (1), que se placent les vivandiers grecs, les fripiers juifs et les Zingaris ou Bohémiens, faisant tour à tour le métier de forgerons, de musiciens, de nécromanciens, de voleurs de poules et de bourreaux publics.

On conçoit la confusion d'une pareille armée dans sa marche et à chaque campement, où elle serait dans un dénuement absolu, sans le secours des enfants d'Israël, qui furent de toute antiquité des hommes essentiels chez les rois de l'Orient, où plus d'un Joseph et d'un Tobie trouvent encore le moyen de faire le monopole pour le compte du souverain, sans oublier leur fortune particulière (2).

(1) Les Turcs n'ont que trop bien conservé cette coutume contraire aux lois de la nature qu'avaient les Romains, qui désignaient ces misérables sous le nom de Pellices..... et il existe encore des hommes se disant chrétiens qui osent préférer cette race de Sodome et de Gomorrhe aux chrétiens orthodoxes.

(2) C'est constamment quelque Juif qui est le directeur des subsistances militaires des armées ottomanes (charge sujette par toute terre à critique ), quoiqu'elle roule sur un petit nombre d'articles; car c'est aux Spaïs et aux Timariots à se fournir d'orge pour leurs chevaux, et du pain nécessaire à

Chacun s'établit à sa guise, et tandis que les valets dressent les tentes, les bazars s'ouvrent dans les différentes parties du camp.

C'est dans ces marchés que les maraudeurs mettent en vente les bestiaux qu'ils ont enlevés aux paysans, et que les Bohémiens, qui ont dépeuplé les basses-cours, étalent des sacs de volailles à demi asphyxiées par la vapeur du soufre, qu'ils emploient pour les faire tomber des arbres, en les étourdissant. Les cantiniers grecs dressent leurs tabagies; les marchands de tabac, les vendeurs d'opium et de thériaque préparent leurs pilules enivrantes; les cafetiers turcs allument leurs fourneaux; les Hébreux, armés de trébuchets, font le change des monnaies; les soldats chantent en s'accompagnant de leurs mandolines; le serasker donne audience; les grands se visitent; le camp retentit des cris des derviches, qui psalmodient des versets du Coran; et, sans établir ni sentinelles, ni postes avancés, chacun s'endort ensuite à la garde de Dieu (1).

leur propre nourriture, à moins qu'on ne soit obligé de camper long-temps au même endroit.

(1) Un camp ottoman, dit Mouradjea Dohsson, est embarrassé d'une foule d'employés civils, de prêtres, de derviches, de marchands, de valets, de bagages et de tentes. Des bandes de troupes irrégulières, des essaims d'aventuriers et de brigands, font qu'on peut réunir, comme dans la campagne de 1769, quatre cent mille hommes. Les chefs, sans aucune idée de l'art militaire, ne font jamais d'entreprise sans avoir consulté les astrologues et les almanachs, pour choisir les jours heureux; on interroge aussi le Coran en l'ouvrant au hasard, et on se règle d'après le sens des premières paroles qui se présentent.

« PrécédentContinuer »