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Malheureux les ennemis
De ce prince redoutable!
Heureux les peuples soumis

A son empire équitable?

Chantons, bergers, et nous réjouissons :
Qu'il soit le sujet de nos fêtes.

De ces lieux l'éclat et les attraits,
Ces fleurs odorantes,
Ces eaux bondissantes,
Ces ombrages frais,

Sont les dons de ses mains bienfaisantes.

Il veut bien quelquefois visiter nos bocages;
Nos jardins ne lui déplaisent pas.
Arbres épais, redoublez vos ombrages;
Fleurs, naissez sous ses pas.

O ciel, o saintes destinées,

Qui prenez soin de ses jours florissants,
Retranchez de nos ans

Pour ajouter à ses années!

Qu'il règne ce héros, qu'il triomphe toujours;
Qu'avec lui soit toujours la paix ou la victoire;
Que le cours de ses ans dure autant que le cours
De la Seine et de la Loire.

Qu'il règne ce héros, qu'il triomphe toujours,
Qu'il vive autant que sa gloire !

Les Hirondelles.

Captif au rivage du More,

Un guerrier, courbé sous les fers,
Disait : « Je vous revois encore,
Oiseaux ennemis des hivers;
Hirondelles, que l'espérance

Suit jusqu'en ces brûlants climats,
Sans doute vous quittez la France :
De mon pays ne me parlez-vous pas?

Depuis trois ans je vous conjure
De m'apporter un souvenir
Du vallon où ma vie obscure

RACINE.

Se berçait d'un doux avenir.

Au détour d'une eau qui chemine
A flots purs, sous de frais lilas,
Vous avez vu notre chaumine :
De ce vallon ne me parlez-vous pas?

L'une de vous peut-être est née
Au toit où j'ai reçu le jour;
Là, d'une mère infortunée
Vous avez dû plaindre l'amour.
Mourante, elle croit à toute heure
Entendre le bruit de mes pas;
Elle écoute, et puis elle pleure :
De son amour ne me parlez-vous pas?
Ma sœur est-elle mariée?
Avez-vous vu de nos garçons
La foule aux noces conviée

La célébrer dans leurs chansons?
Et ces compagnons du jeune âge
Qui m'ont suivi dans les combats,
Ont-ils revu tous le village?

De tant d'amis ne me parlez-vous pas ?

Sur leurs corps l'étranger peut-être

Du vallon reprend le chemin;

Sous mon chaume il commande en maître;

De ma sœur il trouble l'hymen,

Pour moi plus de mère qui prie,

Et partout des fers ici-bas!

Hirondelles de ma patrie,

De ses malheurs ne me parlez-vous pas ?

BÉRANGER.

Le Nid abandonné.

Dans un jardin du voisinage
Deux merles avaient fait leur nid,
Trois œufs furent le témoignage
Du doux serment qui les unit.

Je les ai vus sur ma fenêtre,
De la pointe à la fin du jour,
Couver, trois semaines peut-être,
L'espoir tardif de leur amour.

Les petits ont vu la lumière;
J'entends leurs cris; il faut nourrir
Cette jeunesse printanière

Qu'on craint toujours de voir mourir.

Que de soucis et que de joie!
On ne peut rester endormi;
Sans cesse il faut guetter la proie;
Il faut éviter l'ennemi.

O vertu, tendresse immuable;
O soins constants, travaux passés,
Par quel amour insatiable
Serez-vous donc récompensés.

Ce matin des cris de détresse
Dans le jardin ont résonné,
Les merles voletaient sans cesse
Autour du nid abandonné.

Sans doute un épervier rapide,
Une couleuvre aux yeux perçants,
Ou des enfants, troupe perfide,
Auront surpris les innocents?

Non, dès qu'ils ont senti leurs ailes,
Les ingrats ont fui pour toujours,
Avides d'amitiés nouvelles,
Oublieux des vieilles amours.

Ils vont étaler leur plumage,
Voler et chanter dans le ciel,
Sans entendre le cri de rage
Qui sort du buisson paternel.
A quelles cruelles épreuves
Seront soumis les fils ingrats!
L'affection, comme les fleuves,
Descend et ne remonte pas.

Allez, enfants, douces chimères,
Rêves menteurs qui nous charmez;
Vous n'aimerez jamais vos mères
Autant qu'elles vous ont aimés.

1. CHANSONS. (Heugel édit.)

G. NADAUD 1.

Adieux sur la montagne.

Là, nous avons vécu de divines journées,
Parlant des vérités et des biens éternels;
De célestes lueurs nous y furent données :
La sagesse descend dans les cœurs fraternels.

Je partis le premier, rappelé dans les villes,
Et lui, pour prolonger notre cher entretien ;
Me suivit jusqu'au bout de ces forêts tranquilles;
Et son bras ne pouvait se détacher du mien.

Il nous fallut enfin rompre la douce chaîne.
Alors, restant, malgré le soleil lourd et chaud,
Debout au bord des pins, et tourné vers la plaine,
Il me voyait descendre et me parlait d'en haut.
Longtemps, sur ce trépied de mousse et de bruyère,
Cette image à jamais vit dans mon souvenir,
Je l'aperçus baigné d'une ardente lumière,
Tenant son bras levé comme pour me bénir.

Et Dieu m'a retiré cette main forte et pure,
Ce rayon tout-puissant qui m'aurait rajeuni!
Dans ces bois, altérés de ton souffle, ô Nature !
Nous n'irons plus tous deux respirer l'infini.

LAPRADE.

Ma Mansarde.

Il n'est que d'être roi pour être heureux au monde.
Bénis soient tes décrets, ô Sagesse profonde,
Qui me voulus heureux; et, prodigue envers moi,
M'as fait dans mon asile et mon maître et mon roi.
Mon Louvre est sous le toit, sur ma tête il s'abaisse,
De ses premiers regards l'Orient le caresse.
Lit, siéges, table y sont portant de toutes parts
Livres, dessins, crayons, confusément épars.
Là, je dors, chante, lis, pleure, étudie et pense.
Là, dans un calme pur, je médite en silence
Ce qu'un jour je veux être; et, seul à m'applaudir,
Je sème la moisson que je veux recueillir.

Là, je reviens toujours, et toujours les mains pleines,
Amasser le butin de mes courses lointaines,

Soit qu'en un livre antique à loisir engagé,
Dans ses doctes feuillets j'aie au loin voyagé,
Soit plutôt que, passant et vallons et rivières,
J'aie au loin parcouru les terres étrangères.
D'un vaste champ de fleurs je tire un peu de miel.
Tout m'enrichit et tout m'appelle; et chaque ciel
M'offrant quelque dépouille utile et précieuse,
Je remplis lentement ma ruche industrieuse.

A. CHÉNIER.

Les Nuages.

Lorsque j'étais en pleine mer, et que je n'avais d'autre spectacle que le ciel et l'eau, je m'amusais quelquefois à dessiner les beaux nuages blancs et gris, semblables à des groupes de montagnes, qui voguaient à la suite les uns des autres sur l'azur des cieux. C'était surtout vers la fin du jour qu'ils développaient toute leur beauté en se réunissant au couchant, où ils se revêtaient des plus riches couleurs et se combinaient sous les formes les plus magnifiques.

Un soir, environ une demi-heure avant le coucher du soleil, le vent alizé du sud-est se ralentit, comme il arrive d'ordinaire vers ce temps. Les nuages, qu'il voiturait dans le ciel à des distances égales comme son souffle, devinrent plus rares, et ceux de la partie de l'ouest s'arrêtèrent et se groupèrent entre eux sous la forme d'un paysage. Ils représentaient une grande terre formée de hautes montagnes, séparées par des vallées profondes et surmontées de rochers pyramidaux. Sur leurs sommets et leurs flancs apparaissaient deş brouillards détachés, semblables à ceux qui s'élèvent .des terres véritables. Un long fleuve semblait circuler dans leurs vallons, et tomber çà et là en cataractes; il était traversé par un grand pont appuyé sur des arcades à demi ruinées. Des bosquets de cocotiers, au centre desquels on entrevoyait des habitations, s'élevaient sur les croupes et les profils de cette île aérienne. Tous ces objets n'étaient point revêtus de ces riches teintes de pourpre, de jaune doré, de nacarat, d'émeraude, si communes le soir dans les couchants de ces parages; ce paysage n'était point un tableau colorié : c'était une simple estampe, où se réunissaient tous les accords de la lumière et des ombres. Il représentait une contrée éclairée, non en face, des rayons du soleil, mais par derrière de leurs simples reflets. En effet, dès que l'astre dụ

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