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COURS GRADUÉ DE LITTÉRATURE FRANÇAISE

MORCEAUX CHOISIS

DES

CLASSIQUES FRANÇAIS

PROSE ET VERS

PAR A. PELLISSIER

Professeur de l'Université

RECUEIL

COMPOSÉ D'APRÈS LES PROGRAMMES OFFICIELS

POUR LA

CLASSE DE TROISIÈME

TROISIÈME ÉDITION

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie

79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79

1878

PRÉFACE

Ce choix de morceaux destinés à être lus, médités et appris par cœur vient après mille autres excellents recueils qui l'ont préparé; s'il se recommande à l'attention, c'est par l'exactitude avec laquelle a été réalisé le programme sui

vant.

Tous ces extraits ont été gradués d'après l'ordre de difficulté croissante, avec un tel soin, que par degrés l'esprit peut passer de l'anecdote intime et familière à l'expression la plus noble du sentiment moral et religieux.

Pour mettre ces études littéraires d'accord avec les autres études de nos élèves, les sujets contenus dans chaque volume se rattachent autant que possible aux questions d'histoire, aux programmes de sciences, aux ouvrages des auteurs classiques grecs, latins et français qui sont imposés à chaque classe. Ces rapports concourent à l'unité de l'instruction, facilitent le travail de la mémoire et donnent le goût et l'habitude de l'ordre et de la méthode; par là toutes les parties de l'enseignement peuvent se soutenir et se compléter.

En adoptant l'ordre logique des sujets, de préférence à l'ordre chronologique des auteurs, il a été possible de rapprocher un poète d'un orateur, un ancien d'un moderne; rapprochement fécond qui contient plus d'une leçon de goût et provoque la curiosité critique du lecteur. Cette distribution

CLASSE DE 30.

Ââ

permet aussi de suivre la chaîne des changements opérés par le temps dans l'esprit littéraire de la France. Quel progrès dans l'art de décrire et de sentir les beautés de la nature, de La Fontaine à Chateaubriand, en passant par Jean-Jacques Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Delille et Volney. Combien de réflexions suggère la transformation du drame chevaleresque du grand Corneille dans la tragédie majestueuse de Racine, qui devient à son tour le mélodrame philosophique de Voltaire! Enfin avec quel intérêt nous aimons à suivre cette veine de l'esprit français mis au service du bon sens, depuis les Essais jusqu'à Zadig; avec quel légitime orgueil nous retrouvons la même finesse de pensée ennoblie par une élévation morale qui n'émousse en rien la vivacité du trait, dans le Cours de littérature dramatique et dans Paris en Amérique.

Une exclusion sévère de bon nombre de morceaux que la tradition seule avait fait respecter m'a permis d'offrir une large place à ceux de nos contemporains qui méritent de devenir classiques. Mais, des contemporains plus encore peut-être que des écrivains du XVIIe et du XVIIIe siècle, je n'ai voulu admettre que le bon, l'excellent, l'exquis; il ne s'agit point de faire une galerie complète d'histoire littéraire, mais un choix de modèles; ce livre est un musée classique et non une collection d'amateur.

Quelques bons auteurs ayant consacré leur talent et leurs soins à traduire de grands écrivains anciens ou étrangers, ce n'est pas sortir du cercle de notre littérature que de faire quelques emprunts à ces traductions et de montrer aux jeunes gens, Plutarque avec Amyot, Dante avec Rivarol, Lamennais, Ratisbonne, Homère avec Ponsard, Platon avec Cousin, Milton avec Chateaubriand, Horace avec M. Patin.

Je me suis abstenu de toute note admirative et j'ai admis avec une grande sobriété quelques éclaircissements étymologiques et les explications qui m'ont paru indispensables, soit pour indiquer l'intérêt tout particulier qui s'attache à un morceau, soit pour marquer la place d'une scène ou d'un fragment dans une composition dramatique. Tout ce qu'on peut rencontrer dans un dictionnaire ou trouver par la réflexion a été supprimé au profit du texte même des auteurs.

Le critique même le plus ingénieux s'expose au piquant reproche de Molière :

Il prend soin d'y servir des mets fort délicats;

Oui, mais je voudrais bien qu'il ne s'y servît pas.

Un mérite auquel les érudits seuls pourront être sensibles et qui cependant intéresse tout le public des lecteurs, la renommée de nos grands écrivains et même la gloire littéraire de la France, c'est la correction et l'exactitude des textes. Il doit sembler étrange de prétendre rectifier les textes adoptés de Corneille où de Bossuet; et cependant rien n'est plus nécessaire, car d'incroyables altérations de toutes sortes s'y sont glissées et accréditées. Pour ce travail délicat, les excellentes éditions publiées sous la direction de M. Regnier fournissent des guides dignes de toute notre confiance.

Enfin il n'est pas un seul fragment qui, à sa valeur littéraire ne joigne un autre intérêt, celui d'exposer un phénomène de la nature, un caractère ou un événement historique, une vérité morale, philosophique ou religieuse.

Plus les moyens de s'instruire sont aujourd'hui répandus et popularisés, plus il faut parer aux dangers d'une instruction malsaine et corruptrice; plus les œuvres de l'esprit se multiplient, plus on doit choisir les passages à proposer en modèles. Savoir beaucoup est le propre d'un érudit; savoir à fond ce qu'il y a d'excellent, voilà ce qui fait l'homme de goût, l'homme bien élevé, ce que nos pères appelaient si justement l'honnête homme.

A d'autres temps, la théorie commode de l'art pour l'art; tout dans notre époque, le mal comme le bien, tout nous avertit que l'éducation morale est la grande affaire de l'humanité, le salut ou la perte de l'avenir. Cette préoccupation sérieuse et patriotique est l'âme de ce nouveau recueil; jamais la déférence pour un maître de la littérature n'a passé avant le respect des jeunes âmes qui nous sont confiées; je n'ai admis comme beau que le reflet et la splendeur du bien.

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