43. La Sainte-Alliance des peuples J'ai vu la Paix descendre sur la terre, Semant de l'or, des fleurs et des épis. L'air était calme, et du dieu de la guerre Elle étouffait les foudres assoupis.
<< Ah!» disait-elle, «égaux par la vaillance, Français, Anglais, Belge, Russe ou Germain, Peuples, formez une sainte alliance,
Et donnez-vous la main.
Pauvres mortels, tant de haine vous lasse; Vous ne goûtez qu'un pénible sommeil. D'un globe étroit divisez mieux l'espace: Chacun de vous aura place au soleil. Tous attelés au char de la puissance, Du vrai bonheur vous quittez le chemin. Peuples, formez une sainte alliance, Et donnez-vous la main.
Chez vos voisins vous portez l'incendie; L'aquilon souffle, et vos toits sont brûlés; Et quand la terre est enfin refroidie, Le soc languit sous des bras mutilés. Près de la borne où chaque État commence, Aucun épi n'est pur de sang humain. Peuples, formez une sainte alliance, Et donnez-vous la main.
Des potentats, dans vos cités en flammes, Osent, du bout de leur sceptre insolent, Marquer, compter et recompter les âmes Que leur adjuge un triomphe sanglant. Faibles troupeaux, vous passez, sans défense, D'un joug pesant sous un joug inhumain. Peuples, formez une sainte alliance, Et donnez-vous la main.
Que Mars en vain n'arrête point sa course; Fondez des lois dans vos pays souffrants; De votre sang ne livrez plus la source
Aux rois ingrats, aux vastes conquérants. Des astres faux conjurez l'influence; Effroi d'un jour, ils pâliront demain. Peuples, formez une sainte alliance, Et donnez-vous la main.
Oui, libre enfin, que le monde respire; Sur le passé jetez un voile épais.
Semez vos champs aux accords de la lyre; L'encens des arts doit brûler pour la paix. L'espoir riant, au sein de l'abondance, Accueillera les doux fruits de l'hymen. Peuples, formez une sainte alliance, Et donnez-vous la main.»
Ainsi parlait cette vierge adorée, Et plus d'un roi répétait ses discours. Comme au printemps, la terre était parée; L'automne en fleurs rappelait les amours. Pour l'étranger coulez, bons vins de France: Da sa frontière il reprend le chemin. Peuples, formons une sainte alliance, Et donnons-nous la main.
BERANGER, Chansons (1818).
Sois-moi fidèle, ô pauvre habit que j'aime! Ensemble nous devenons vieux.
Depuis dix ans, je te brosse moi-même, Et Socrate n'eût pas fait mieux. Quand le sort à ta mince étoffe Livrerait de nouveaux combats,
Imite-moi, résiste en philosophe: Mon vieil ami, ne nous séparons pas.
Je me souviens, car j'ai bonne mémoire, Du premier jour où je te mis.
C'était ma fête, et, pour comble de gloire, Tu fus chanté par mes amis.
5 to defir, o'prε del ãƒε:n
mə rətənir.
e sɛt utra:5
me pa.
lizɛt a mi dø: zu:r a tã d uvraz : mɔ̃ vjɛj ami, nə nu sepa:rɔ̃ pa.
Ton indigence, qui m'honore,
Ne m'a point banni de leurs bras. Tous ils sont prêts à nous fêter encore: Mon vieil ami, ne nous séparons pas.
A ton revers j'admire une reprise: C'est encore un doux souvenir. Feignant un soir de fuir la tendre Lise, Je sens sa main me retenir.
On te déchire, et cet outrage Auprès d'elle enchaîne mes pas.
Lisette a mis deux jours à tant d'ouvrage: Mon vieil ami, ne nous séparons pas.
T'ai-je imprégné des flots de musc et d'ambre Qu'un fat exhale en se mirant?
M'a-t-on jamais vu dans une antichambre T'exposer au mépris d'un grand? Pour des rubans la France entière Fut en proie à de longs débats;
La fleur des champs brille à ta boutonnière: Mon vieil ami, ne nous séparons pas.
Ne crains plus tant ces jours de courses vaines Où notre destin fut pareil;
Ces jours mêlés de plaisirs et de peines, Mêlés de pluie et de soleil.
Je dois bientôt, il me le semble, Mettre pour jamais habit bas.
Attends un peu, nous finirons ensemble: Mon vieil ami, ne nous séparons pas.
BÉRANGER, Chansons (1819).
45. Adieux de Marie Stuart
Adieu, charmant pays de France, Que je dois tant chérir!
Berceau de mon heureuse enfance, Adieu! te quitter, c'est mourir.
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