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EXTRAIT DU MONITEUR.

Du samedi 6 mai 1815.

Q

EXTÉRIEUR.

SUISS E.

Lausanne, le 1er mai.

UAND on considère le ton furieux de quelques gazettiers, les levées extraordinaires d'hommes qu'ils annoncent, les masses qu'ils font mouvoir, il est difficile de conserver l'espoir du maintien de la paix.

Cependant en rapprochant les événemens, les actes des souverains et les dates, on voit que les actes ne sont encore que le résultat d'une première opinion fondée sur des événemens qui n'étaient pas complettės.

Lorsque les souverains ont renouvelé à Vienne le traité de Chaumont, ils ne pouvaient connaître ni l'entrée de Napoléon à Paris, ni la fuite des Bourbons, ni le résultat des tentatives faites dans le Midi pour organiser la guerre civile, ni la capitulation du duc d'Angoulême, ni la conduite magnanime de l'Empereur à son égard, ni son embarquement après la capitulation, ni enfin tous les actes du gouvernement impérial depuis l'époque de sa restauration.

P

De jour en jour ces actes et les détails des événenemens, parviennent à la connaissance des peuples et des cabinets. Nos journaux et plusieurs feuilles allemandes les publient; la vérité parvient à se faire connaître. On revient d'une première impression, et l'on commence a penser que si emportées par la passion hors de la politique que leur prescrivent leurs intérêts, quelques puissances contiennent à s'aveugler sur le caractère et les intentions du Gouvernement français, et sur les dispositions de la nation, toutes ne peuvent partager long-tems une aussi dangereuse erreur.

Par exemple, beaucoup de dersonnes se refusent à croire que la Russie, dans cette guerre nouvelle, consente à jouer un rôle secondaire vis-à-vis de l'Angleterre : des préventions qui, sous ce rapport, vont jusqu'à l'antipathie, sont assez connues; elle s'était formée, dit-on, pendant le voyage de l'Empereur Alexandre en Angleterre ; elle s'est développée et accrue pendant les longues délibérations du congrès.

La fameuse letrte insérée au Moniteur du 20 janvier dernier, lettre qui a fait tant de sensatiou; cette pièce, la plus curieuse qui ait paru pendant la tenue du congrès, et dans laquelle perçait tant d'inimitié contre les Anglais, était sortie du cabinet d'Alexandre. Ce prince n'a pas d'intérêt direct à faire la guerre à la France; il est entraîné par le mouvement de la Prusse qu'il protège, et qui donne ses fureurs pour des inquiétudes. Si la Prusse pouvait acquérir la conviction que le nouveau Gouvernement français ne

veut point se mêler des affaires de l'Allemagne et s'en tient strictement au traité de Paris, cette effervescence sans but serait bientôt calmée; la Russie serait déliée de son engagement, et l'Autriche sortirait d'une position si fausse que, placée entre ses intérêts et ses alliances, elle se trouve forcée de combattre contre elle-même, et de s'épuiser en sacrifices sans inspirer de confiance.

Ces considérations prennent encore plus de consistance, lorsqu'on voit que les troupes ne marchent pas aussi vîte que le disent les gazettes, et qu'au moment où l'on sera réuni, on trouvera des moyens de défense dont on n'avait pas calculé la force. La grande majorité de la Suisse, à cet égard, n'a qu'un vou, comme elle n'a qu'un intérêt. Elle desire la paix générale. Mais sur-tout si la guerre éclate, elle desire être neutre, non pas aux termes d'une vaine déclaration, mais dans toute la force et dans toute la réalité qu'on doit donner à ce nom.

INTÉRIEUR.

Strasbourg, le 1er mai.

Le plan des alliés n'est plus cette fois de faire une attaque générale et simultanée sur toute la rive droite du Rhin, mais sur le Moyen-Rhin, depuis Mayence jusqu'à Ostende. Ils n'auraient depuis Lorrack jusqu'à Mayence qu'une armée de 60 à 70 mille hommes destinée à tenir nos forces en échec et à couvrir l'Allemagne méridionale.

On attend toujours des troupes sur la rive droite,

mais on n'en a point encore vu. La landwerh badoise s'amuse à tirer sur les pêcheurs.

Le comte de Wrede commande depuis Manheim jusqu'à Kehl. Il n'y a plus de Prussiens dans Mayence.

On parle d'une convention entre le roi de Naples et l'Autriche, par laquelle ce prince s'engagerait à respecter le royaume de Lombardie; et l'empereur d'Autriche, de son côté, garantirait au roi de Naples ses États, et consentirait à se retirer de la coalition contre la France.

Liège, le 25 avril.

(Extrait d'une lettre particulière. )

Vous avez raison, mon ami, de plaindre la situation dans laquelle nous nous trouvons depuis l'arrivée de nos généreux libérateurs; bientôt ils auront la jouissance de nous voir succomber sous le poids qui nous accable.

Le gouverneur-général de ces provinces, M. de Sack, vient de frapper nos contrées d'une contribubution nouvelle de 6 millions. Des milliers de malheureux sont dans la triste nécsssité de laisser vendre ou saisir leur mobilier, vu l'impossibilité d'y satisfaire.

Les logemens militaires n'ont pas peu aidé à la ruine des habitans, sur-tout de ceux qui sout connus par leur ancien attachement à la France. Joignez-y la persécution, les mauvais traitemens de tous genres, et vous verrez si l'on peut bénir le ciel de notre heureuse délivrance, et s'applaudir de la douceur de notre guvernement paternel.

Les agens prussiens, revêtus de pouvoirs illimi

tés, peuvent, selon leur caprice, ordonner impunėment les arrestations les plus arbitraires et exercer le despotisme le plus odieux.

Les plaintes les plus jutes, les mieux fondées, mais formées par des hommes amis de la France, ou seulement soupçonnès tels, sont impitoyablement écartées ; ces personnes doivent par fois se trouver trop heureuses, quand on ne les rend pas victimes de leurs justes réclamations.

Je me tairai sur les nouvelles politiques: toute l'Europe semble de nouveau en armes contre la France, mais la France trouvera des puissances auxiliaires dans ce pays, et même dans une grande partie de l'Allemagne.

Les nouvelles particulières qui peuvent ne point vous être indifférentes, sont les suivantes :

M. Regnier, ancien procureur - général près la cour impériale de Liège, a cru devoir se soustraire à la déclaration que le gouvernement prussien exigeait de lui, comme Français; il en résulte que sa maison est remplie de militaires en exécution, et qu'elle est à peu près livrée au pillage.

Le jeune Leruitte se trouve aussi au nombre des proscrits.

Ayant fait la dernière cempagne dans le 4° rẻginent des Gardes d'honneur, il revint dans ses foyers après le traité de Paris. Ce jeune homme avait encore l'imagination toute pleine des traits de valeur dont il fut le témoin, lorsque peu de jours après, se trouvant à un dîner où l'assemblée était nombreuse, il en parla avec exaltation, et osa dire

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