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bonnes graces,

graces, malgré les bruits fourds осто. 15. 99 qui fe répandirent fur des entretiens trop libres que j'avois eus. Il eft vrai qu'on n'er ,, pouvoit parler avec certitude tant parce qu'ils durerent peu, qu'à caufe du foin extrême que ma paffion pour l'honneur m'avoit fait prendre, afin de les cacher, fans confidérer, ô mon Dieu, qu'ils ,, ne pouvoient être cachés à vos yeux qui ,, pénétrent toutes chofes

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Il y avoit environ trois mois que Thérefe cultivoit cette liaifon dangereufe, lorfqu'elle fut confiée aux Religieufes Auguftines d'Avila, qui avoient coutume d'élever les filles de fon rang. Les huit premiers jours qu'elle y paffa, lui furent affez pénibles, moins par le déplaifir d'être au Couvent, que par l'appréhenfion que l'on n'eût connoiffance de fa conduite. Elle étoit déja laffe des vanités, & tout en s'y livrant, elle avoit toujours confervé une grande crainte des Jugements de Dieu. Auffi, quand elle avoit le malheur de l'offenfer, elle avoit foin de s'en confeffer au plutôt. Au bout de huit jours, fes inquiétudes fe diffiperent, & elle le trouva mieux au Couvent que dans la maison de fon pere..

دو

Toutes les Religieufes, dit-elle, parurent auffi fort fatisfaites de moi, & me ,, témoignerent beaucoup d'affection , parce ,, que Dieu me faifoit la grace de contenter ,, toutes les perfonnes avec lefquelles je me trouvois. J'étois alors très-éloignée de vouloir être Religieufe; mais j'avois de la joie de me voir avec de fi bonnes filles; car celles de cette maifon avoient beaucoup de vertu de piété, & de régularité. Je

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» commençai

,, commençai dèflors à rentrer dans les bons fentiments que Dieu m'avoit donnés dès „, mon enfance; & je connus combien gran

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de eft la grace qu'il fait à ceux qu'il met ,, en la compagnie des gens de bien. Il me femble qu'il n'y avoit point de moyen dont fon infinie bonté ne fe fervît pour me rap,, peller à lui

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lés,

Parmi les Religieufes du Monaftere, il y en
avoit une fur-tout que Thérefe prit fingu-
lierement en amitié: elle lui ouvrit fon cœur
lui donna toute fa confiance, & ne fe condui-
fit plus que par fes confeils. C'étoit la Maî-
treffe des Penfionnaires, fille également re-
commandable par fa difcrétion & par fa fain-
teté. Elle parloit de Dieu avec beaucoup d'onc-
tion; Thérese ne fe laffoit pas de l'enten-
dre. Un jour elle lui raconta comment ces
paroles de l'Evangile : Il y a beaucoup d'appel-
mais peu
peu d'élus
l'avoient portée à fe
faire Religieufe, & lui parla des récompenfes
réservées à ceux qui renoncent à tout pour
leur falut. De fi faints entretiens commen-
cerent à bannir de l'efprit de Thérefe les
mauvaises habitudes, à y rappeller le défir
des biens éternels, & à en ôter l'extrême
éloignement où elle étoit d'embraffer l'état
religieux. Elle ne pouvoit plus voir quel-
qu'une des foeurs pleurer en priant Dieu, ou
faire quelques autres actions de piété, fans
lui porter envie, parce qu'elle avoit, dit-
elle, le cœur fi dur à cet égard, qu'elle au-
roit entendu lire toute la Paffion de Notre
Seigneur, fans verfer une feule larme; ce qui
l'affligeoit beaucoup.

Elle paffa dix-huit mois dans ce Monastere
Tome X.

B

осто. 15.

осто. 15.

& y profita beaucoup de la bonne éduca

tion que l'on y donnoit. Elle offrit au Sei

gneur des prieres ferventes, dans le deffein d'en obtenir les lumieres néceffaires pour le choix d'un état où elle pût le fervir fidelement. Elle défiroit cependant que fa volonté ne fût pas de l'appeller à l'état religieux, quoiqu'elle ne redoutât gueres moins celui du mariage. A la fin, elle eut quelques défirs de fe faire Religieufe; mais ils s'effacerent bientôt de fon efprit; ce ne furent que de fimples velléités, telles que la plupart des jeunes Penfionnaires en ont dans des moments de ferveur.

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» Quoiqu'alors, dit-elle, je ne négligeaffe » pas entierement ce qui regardoit mon falut, Notre Seigneur veilloit beaucoup plus ,, que moi, à me faire embraffer la profeffion ,, qui m'étoit la plus avantageufe. Il m'en,, voya une grande maladie qui m'obligea de ,, retourner chez mon pere. Quand je fus guérie on me mena voir ma foeur qui demeuroit à la campagne, & qui avoit une telle affection pour moi, qu'elle fouhaitoit ,, de tout fon coeur, que je demeuraffe tou,, jours avec elle. Son mari me témoignoit auffi beaucoup d'amitié ; & j'ai cette obligation au Seigneur, d'avoir été chérie par,, tout où j'ai été, quoique je ne le méritaffe pas, étant auffi imparfaite que je le fuis 99°

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Sur la route qui conduifoit à la maison de fa foeur, étoit la demeure de Pierre Sanchez de Cépede fon oncle. Thérefe y paffa quelques jours, & en retira de grands avantages par les entretiens qu'elle eut avec son oncle.

C'étoit un homme d'une vertu éminente, qui profita de cette courte entrevue, pour infpi- OCTO. 19. rer à fa niece l'amour de la piété. Comme il aimoit à lire de bons Livres, il engagea Thé refe à prendre part à fes lectures; & quoiqu'elle n'y trouvât pas grand plaifir, elle ne fit paroître aucun dégoût; car il ne fe pouvoit rien ajouter à fa complaifance, quelque pei ne qu'il lui en coutât. Elle la pouffoit fi loin, que ce que l'on auroit dû regarder comme une vertu dans les autres étoit fouvent en elle felon fes propres termes, un grand défaut , parce qu'elle manquoit fouvent de la difcrétion néceffaire.

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Quoique Thérefe n'eût demeuré que quelques jours auprès de fon oncle, ce qu'elle y avoit lu & entendu, joint à l'avantage de converser avec des perfonnes vertueuses, fit quelque temps après, une telle impreffion fur fon cœur, qu'elle comprit mieux que jamais, que tout ce que nous voyons ici-bas n'eft rien, que le monde n'eft que vanité, & qu'il paffe comme un éclair.

L'efprit tout occupé de ces penfées, lorfqu'elle fut de retour dans la maifon de fon pere, elle délibéra férieusement fur les moyens de faire divorce avec le monde. Il fallut d'abord combattre cette ancienne répugnance qu'elle avoit pour l'état religieux; & trois mois fe pafferent dans cette cruelle perplexité. De plus, fa fanté continuoit d'être fort mauvaife, & tout fembloit lui annoncer qu'elle ne pourroit jamais fupporter les auftérités d'un Couvent. Une feule chofe la foutenoit au milieu de fes peines; c'étoit le plaifir qu'elle goûtoit en lifant de bons Livres. Les Epîtres

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de Saint Jérôme fur-tout, ranimerent tellement fon courage, qu'elle réfolut de déclarer à fon pere, le deffein où elle étoit de fe confacrer au Seigneur. Cette ouverture une fois faite, rien ne lui paroiffoit devoir en fufpendre l'effet.,, C'étoit pour moi, dit-elle, pref,, que la même chofe que de prendre l'habit de Religieufe, parce que j'étois fi glorieufe, qu'ayant une fois annoncé ma résolution, il me femble que je n'aurois jamais ,, pu consentir à me dédire. Mais comme mon ,, pere avoit moi une tendreffe extrapour ordinaire, il me fut impoffible d'en obtenir la permiffion que je lui demandois ,, malgré toutes les inftances que je pus lui faire, & malgré toutes les follicitations des perfon,, nes que j'employai pour le fléchir. Il répon dit conftamment que je ferois après fa mort, ,, tout ce que je voudrois. Cependant la connoiffance que j'avois de ma foibleffe, me faifant fentir combien ce retardement pouvoit m'être préjudiciable, je tentai une autre voie pour venir à bout de mon deffein,,. Elle fortit un jour de grand matin, & alla fe présenter aux Carmélites de l'Incarnation, pour y être admife au nombre des Novices. Cette démarche coûta cher à fon coeur, par tous les regrets qu'elle éprouva en quittant un pere fi tendre. Mais la grace furmontant la nature, Thérese entra dans le Couvent, & ne tarda pas à y prendre l'habit. Il y avoit dans ce Monaftere une de ses intimes amies nommée Jeanne Suarez. Quelque affection que Thérefe eût pour elle, la difpofition de fon cœur l'eût portée à entrer dans tout autre Monaftere, fi elle eût cru y mieux fer

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