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, m'efforçois, dit-elle, d'y réfifter, plus il
me combloit de fes faveurs, & d'une espece
de gloire dont il fembloit que je fuffe toute
environnée, fans que je puffe fuir de quel-
côté
› que que ce fit (27) „,.

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Sur ces entrefaites, paffa par Avila le P. François de Borgia, qui, étant Duc de Candie avoit tout quitté pour entrer dans la Compagnie de Jefus, dont il étoit alors Commiffaire Général en Efpagne. Thérefe obtint, par le moyen de fon Directeur & de François de Salfede qu'il vînt la voir & lui donner fes confeils.,, Après qu'il m'eût entendue fur ce qui fe paffoit en moi il me dit que c'étoit l'efprit de Dieu, & qu'il ne croyoit ,, pas qu'il fût à propos d'y réfifter davanta ,, ge; qu'on avoit bien fait cependant de l'ef,, fayer, & que je devois continuer à com,, mencer mon oraifon par la méditation de quelque myftere de la Paffion; mais que fi dans la fuite Notre Seigneur élevoit mon efprit, je n'y réfiftaffe plus, & que je laiffaffe faire fa divine majefté, pourvu que de ma part je n'y contribuaffe pas. J'en demeurai fort confolée & ce bon Gentilhomme auffi, qui avoit une grande joie d'avoir entendu un fi faint perfonnage affurer pofitivement que c'étoit l'efprit de Dieu; il continuoit toujours de m'aider en tout ce qu'il pouvoit, & de me donner fouvent de bons & falutaires avis

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Le Confeffeur de Thérefe ayant été envoyé peu de temps après, dans une autre Ville ce fut pour elle un grand fujet d'affliction.

(27) Chap. 24.

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OCTO. 15.

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Son ame fe trouva comme dans un défert, fort éperdue, & agitée de plufieurs craintes. Elle OCTO, 15, s'imaginoit qu'elle alloit retomber dans fes anciens défauts, & qu'elle ne pourroit jamais rencontrer un Directeur auffi fage & auffi éclairé. Elle en trouva cependant un autre qui, par vingt ans des plus rudes épreuves intérieures, s'étoit élevé à une haute contemplation. C'étoit le P. Balthazar Alvarez de Paz, homme confommé dans la vie fpirituelle (c).,, Ce bon Pere dit-elle, me fit entrer dans une voie de plus grande perfection. Il me difoit que pour contenter Dieu entierement, je ne devois rien négliger de tout ce qui étoit en mon pouvoir; & il accompagnoit fes paroles de beaucoup de douceur, & des manieres les plus infi,, nuantes. Il fembloit que mon ame n'étoit pas encore bien forte, mais au-contraire trèstendre, particulierement fur certaines liaifons d'amitié dont j'avois de la peine à me détacher; car quoique cela n'allât pas juf,, qu'à offenfer Dieu, l'affection que je me fentois pour ces perfonnes, étoit grande, 11 me fembloit qu'il y auroit eu de ma part

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Il fut enfuite Recteur de Sa lamanque, Maître des Novices, puis Recteur à Vil lagarcia, en 1576. De-là il paffa aux fonctions de Vifi teur dans l'Aragon; après

(c) Voyez fa Vie, par le P. Louis Dupont. Voyez auffi le détail que le P. Baker a donné de l'oraison de ce faint homme, dans l'Ouvrage intitulé: Sanda Sophia. Le P. Alvarez, né en 1533, s'é-quoi on le choifit pour Pro toit fait Jéfuite en 1555. vincial du Pérou. Mais cette Après avoir été Recteur à deftination ayant été chang Médina-del-Campo, on le gée, il fut Provincial de la nomma Procureur de la Pro-Province de Tolede. Il mou vince de Caftille, en 1571. rut dans cette Ville, en 1580,

»une espece d'ingratitude à les abandonner; & » c'étoit ce qui me faifoit dire à mon Confes»feur, que puifque Dieu n'y étoit pas offen- OCTO. 15. »fé, je ne voyois pas quelle néceffité il y » avoit que je fuffe ingrate. Il me conseilla » de recommander la chofe à Dieu pendant » quelques jours..... afin de connoître le parti » que je devois prendre.

Un jour que Thérefe fut long-temps en oraifon, fuppliant inftamment le Seigneur de l'aider à le contenter en toutes chofes, elle commença l'Hymne Veni Creator, qu'on lui avoit recommandé de réciter & pendant qu'elle la difoit, fon ame fut faifie d'un raviffement fi fubit, qu'elle en perdit prefque la connoiffance. Ce fut la premiere fois que Dieu la favorifa d'une pareille grace. Elle entendit alors ces paroles: Je veux déformais que vous ne converfiez plus avec les hommes, mais feulement avec les Anges. Elles firent une telle impreffion fur fon coeur, que depuis cette épo· que, elle n'eut plus que du dégoût pour toutes les amitiés particulieres dont le Seigneur n'étoit pas l'objet. Elle ne trouva plus de confolation à converser avec qui que ce fût, excepté avec les perfonnes qu'elle favoit aimer Dieu, & s'efforcer de le fervir. La réfolution qu'elle prit alors de renoncer à fes anciennes liaisons, fut fuivie de la plus prompte exécution; & elle affure qu'il en refulta beaucoup de bien pour les perfonnes-mêmes avec qui elle avoit cette étroite familiarité. Elle fe trouva par-là dans cette heureuse liberté qu'elle n'avoit pu acquérir par tant d'années de travail & de peines, au détriment même de fa fanté.

Au refte, ce ne fut pas la feule fois qu'elle éprouva ces fortes d'extafes, & qu'elle entenOCTO, 15. dit cette voix intérieure qui lui faifoit connoître la volonté du Seigneur. Inftruite par une longue expérience, elle affure, dans le vingtcinquieme Chapitre de fa Vie, que ce font des paroles fort diftinctes, qui ne s'entendent pas à la vérité, des oreilles du corps, mais que l'ame entend très-bien, & même plus diftinctement qu'elle ne pourroit les entendre par l'entremife des fens. Elle ajoute que, quand même ce ne feroient pas des paroles de careffes & de douceurs mais de févérité & de réprimande, elles n'en opérent pas moins des effets merveilleux fur l'ame la préparant à ce que Dieu défire d'elle, l'attendriffant & y répandant la lumiere, la joie & la tranquillité; en forte que fi elle étoit auparavant dans la féchereffe & l'inquiétude, tour cela s'évanouit en un moment.

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Mais éviter l'illufion fi commune en pour pareil cas, Thérese recommande fur-tout de bien difcerner les fauffes douceurs qui accompagnent quelquefois ces fortes de raviffements. » Elles font, dit-elle, bien différentes des » douceurs véritables que Dieu répand dans » une ame... J'entends par ces douceurs vérita»bles, une joie douce, forte, vive, fonciere, » touchante, & tranquille; car pour ces fim»ples attendriffements d'ame, & ces fenti»ments paffagers de dévotion, qui, fembla»bles à des fleurs naiffantes, fe flétriffent, & » tombent au moindre petit air de perfécution, » je n'appelle pas cela du nom de dévotion » quoique ce foient toujours de bons commen» cements & de faintes difpofitions, mais qui

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> ne fuffifent pas pour rendre une ame capa»ble de difcerner les effets du bon & du mau» vais efprit...... Lorfqu'ils ont celui-ci pour OCTO. 15, » principe, il femble que tout bien s'évanouit » & s'enfuit loin de l'ame; il ne lui refte » qu'un dégoût général & un trouble univer» fel, fans aucun bon effet; car quoiqu'en » apparence il femble infpirer de bons défirs »ils font fi foibles, & l'humilité qu'il inf» pire eft fi fauffe, fi remplie d'inquiétude, » & fi dénuée d'onction & de paix, qu'il n'eft » pas difficile d'en reconnoître l'Auteur, pour » peu qu'on ait d'expérience ».

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Thérefe éprouva deux ou trois fois cette tentation; mais comme elle étoit bien perfuadée que le Seigneur ne permettoit jamais qu'une ame humble & ferme dans la foi, s'égarât en fuivant les confeils de ceux qu'il lui avoit donnés pour guides, elle triompha toujours de ces illufions. Son triomphe cependant fut balancé par un combat long & pénible. La nouveauté & la profufion des graces qu'elle recevoit du Ciel, alarmerent encore une fois les perfonnes à qui elle avoit donné fa confiance. Le P. Alvarez lui-même fut ébran

par l'avis unanime de cinq ou fix Religieux, qui penfoient tous qu'elle ne devoit plus communier fi fouvent, qu'il falloit reftreindre fon oraifon, lui faire fuir la folitude, lui recommander de fe tenir en garde contre le Démon qui cherchoit à la féduire.

Thérese voyant d'un côté que tant de perfonnes vertueufes étoient de cet avis, & ne pouvant de l'autre y acquiefcer intérieurement, parce qu'elle étoit perfuadée que ces faveurs venoient du Ciel, conçut un grand

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