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LIVRE PREMIER.

PREMIÈRE CAUSE DE LA RÉVOLUTION.

LE MINISTÈRE DU CARDINAL DE RICHELIEU.

CHAPITRE PREMIER.

Dessein de cet ouvrage. Etat de la France à la mort d'Henri IV, et pendant les quatorze années écoulées depuis sa mort jusqu'à l'instant où Richelieu prit les rênes du gouvernement.

RIEN n'est plus digne de l'attention d'un Franla recherche des causes d'une révolution

çais que qui pèse depuis quarante ans sur la France. Après huit siècles d'existence, sans aucune révolution,

quoique souvent travaillée par des guerres civiles, la monarchie française s'est écroulée. Je chercherai la première cause et toutes celles qui l'ont suivie, jusqu'à la révolution de 1830.

J'ai toujours pensé que l'administration du cardinal de Richelieu est la cause principale de ce grand bouleversement; je crois qu'il a dénaturé entièrement la monarchie. L'influence de son ministère s'est étendue sur les grands corps de l'Etat; il a mis la France dans une telle position, que la monarchie ne pouvait plus se soutenir que par le génie personnel de ses rois, et devait périr sous des rois faibles. Je suis soutenu dans cette pensée par Bossuet et Montesquieu, qui ont dit plus d'une fois et qui ont prouvé que les grandes révolutions sont toujours préparées par des causes qui agissent long-temps d'a

vance.

Pour prouver ce que je viens de dire, non seulement j'accumulerai les preuves, mais encore je ferai ressortir souvent l'idée principale par des répétitions inévitables, car je vous ferai remarquer les mêmes et constants effets de la conduite du cardinal envers les grands de l'Etat, envers les parlements, et dans d'autres branches de son administration. Comme je veux prouver qu'il affaiblit l'autorité royale, au lieu de la fortifier,

ainsi qu'on l'a répété si souvent, il faudra bien que cette idée se reproduise chaque fois que je produirai les preuves.

Examinons d'abord dans quelles circonstances commença l'administration du cardinal de Richelieu.

Il prit les rênes du gouvernement quatorze ans après la mort d'Henri IV. Henri avait pacifié et enrichi son royaume. Les parlements obéissaient et donnaient l'appui des lois à l'autorité royale. Les coupables étaient punis, la maison de Lorraine soumise. Le duc de Bouillon avait été réduit à subir les lois qu'Henri lui avait imposées, et les protestants étaient fidèles. Ce grand prince diminuait tous les jours le pouvoir des grands en leur enlevant leur ancienne autorité dans la levée des impôts, en les privant du droit, dont ils avaient joui jusqu'alors, de nommer les commandants des nombreuses places fortes de leurs gouvernements, ainsi que les titulaires d'un grand nombre d'emplois civils et militaires. L'Hôpital avait commencé cet ouvrage par des ordonnances pleines de sagesse; nos plus habiles magistrats ont regardé ces lois comme des lois fondamentales. Il diminua la puissance des grands du royaume, en leur ôtant des droits et des prérogatives usurpées, qu'il rendit à l'autorité royale.

par

Il montra les bornes du pouvoir des parlements. Mais ces changements, si importants pour la couronne, ne dégradaient ni les grands ni la magisne leur ôtaient pas les moyens d'être utiles par une haute considération, et leur enlevaient seulement le pouvoir de nuire au gouvernement. On avait vu l'effet de la conduite sage et constante de l'Hôpital et d'Henri IV envers les lements, et surtout envers celui de Paris. Ce parlement fut dirigé, conduit, mais non avili. Il. résulta, de la considération dont il jouissait, qu'il put rendre à la France le plus grand service en reconnaissant la reine, mère de Louis XIII, régente du royaume. Sans cet acte du parlement, les princes du sang auraient disputé l'autorité à la reine-mère, et la France serait retombée dans la guerre civile. Tant il est vrai qu'il faut toujours, et surtout dans les circonstances difficiles, trouver quelque part le langage et l'autorité des lois.

Le parlement faisait alors un grand acte politique dont il n'y avait pas encore eu encore eu d'exemple. Mais, émané du sanctuaire des lois, il frappa les peuples et les grands, et produisit l'effet d'une autorité légale. Le parlement se conduisit ainsi, suivant la remarque qui fut faite alors, plutôt pour donner un bon exemple, que pour exercer une autorité qu'il n'avait pas.

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Il est essentiel de remarquer d'abord combien était respectée l'autorité du roi mineur. Aussitôt

après la mort d'Henri IV, plusieurs chefs protestants avaient saisi des places fortes. La reine promulga un édit portant l'oubli de ces actes coupables, et l'ordre de remettre ces places. «< Il « ne se trouva personne, dit le cardinal de Ri«chelieu dans ses Mémoires, qui ne rendît une << prompte obéissance aux volontés du roi. » Cette ⚫ volonté suffisait donc, quoique le roi fût mineur.

Tout homme instruit connaît la bonne conduite des protestants de la Rochelle sous le règne d'Henri IV; ils furent aussi soumis pendant la régence. Lorsque les princes et le duc de Bouillon, mécontents, se retirèrent de la cour, les assemblées des protestants à Saumur et à la Rochelle se dissipèrent au premier ordre de la reine, -donné au nom du roi.

La France jouissait de la plus grande tranquillité, et la paix régnait en Europe, lorsque le cardinal prit les rênes du gouvernement. Il est essentiel de bien remarquer et de ne pas oublier cet état général des choses; car, ayant touvé le royaume si tranquille, il le jeta dans des troubles continuels pendant dix-huit années que dura son ministère.

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