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c'est ce qui arriva au siége de Fontarabie. Le cardinal avoue que les soldats ne voulaient point se battre. Il raconte des détails bien extraordinaires qui prouvent que M. le Prince ne pouvait faire donner un assaut quand il le jugeait nécessaire. Personne ne commandait en chef. Mais quand une pareille anarchie règne dans une armée, cela ne peut provenir que des dispositions principales; et lorsque tout obéit à un premier ministre aussi puissant que l'était Richelieu, un tel désordre ne peut venir que de lui. Ou par jalousie il ne voulait point que M. le Prince eût la gloire d'un grand succès, ou par haine pour le duc d'Epernon, il voulait perdre le duc de la Valette son fils, comme il le perdit effectivement. Il dit que ce duc commandait la plus grande partie de l'armée, et il le peint désobéissant formellement à M. le Prince. Le prince n'avait donc pas toute l'autorité d'un général en chef. S'il l'avait eue, c'eût été lui qui aurait mérité les reproches du cardinal pour n'avoir pas sçu se faire obéir. Or, s'il n'avait pas toute l'autorité d'un général en chef, c'était bien certainement par la faute d'un ministre tout puissant. Richelieu prenait des mesures bien différentes lorsqu'il voulait assurer les succès d'un général qu'il affectionnait.

On voit dans ses nombreuses lettres au cardinal de la Valette, qu'il désirait vivement la gloire de ce cardinal dans les opérations de la guerre. Il en faisait sa propre gloire, parce qu'il était prêtre et cardinal comme lui. En lui annonçant un officier-général qui va le joindre, il fait son portrait, et il a soin d'ajouter qu'il est facile. Lorsque les armées de la Valette et de M. le Prince se rapprochent, il lui écrit : « Lorsque vous ap<< procherez des troupes de M. le Prince, on met<< tra ordre aux compétences. Je sçais bien qu'on «< ne sçaurait vous proposer une condition plus << fâcheuse d'aller en lieu où ce personnage que «ait pouvoir.... On a déjà mandé à M. le Prince << l'ordre que le roi veut être gardé entre les di«< verses armées, lorqu'elles seront jointes, qui « est que chacun commande la sienne. » Deux armées jointes ne sont plus qu'une armée, et ne doivent avoir qu'un chef. Pourquoi leur conservait-il deux chefs indépendants? Vous découvrez facilement le motif.

Lorsqu'il s'agit d'un général dont Richelieu désire les succès, il se garde bien de le gêner dans son commandement. Il répète sans cesse au cardinal de la Valette qu'il est le maître de ses opérations, et que le roi trouvera bon tout ce qu'il fera. Pourquoi n'a-t-il pas suivi des idées aussi

justes relativement à l'armée qui faisait le siége de Fontarabie? il aurait préservé le nom français, le nom de Condé et les armes du roi d'une défaite qui n'aurait jamais eu lieu, si le prince avait eu l'autorité qu'il devait avoir.

On trouverait difficilement dans notre histoire une action militaire plus mal conduite et une déroute plus honteuse que le siége et la levée du siége de Fontarabie : ce malheur ne peut être attribué qu'à ces causes que je viens d'indiquer, et qui proviennent toutes des défiances et de la jalousie de Richelieu. Ce système d'espionnage et de délations fut continué par le cardinal Mazarin il voulut enrôler le maréchal Fabert dans cette bande ignoble; on connaît sa belle réponse.

Dans la campagne où le grand Condé remporta la victoire de Lens, Rantzau, qui contrariait ses opérations, recevait les ordres immédiats de la cour. Son armée était dans le plus mauvais état, manquait de tout, mal payée, travaillée par les maladies. Il ne dut le succès qu sa grande habileté, et à cet ascendant irrésistible qu'il avait sur nos guerriers, et par conséquent sur la fortune. Mazarin avait appris cet espionnage à l'école de Richelieu.

Ces causes de mésintelligence et d'un mauvais service ressortent d'autant plus fortement, qu'on

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voit, sous Richelieu, le duc de Saxe-Weymar, commandant une armée à la solde de la France, commencer et achever les plus brillantes camIl était maître de ses opérations. Richelieu le secondait en lui donnant des hommes, de l'argent et de bons généraux français; il n'avait rien à craindre de la gloire de Weymar cet étranger ne pouvait lui disputer le pouvoir en France.

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Ainsi donc ce ministre, qui dégradait et flétrissait les grands corps de l'Etat, qui élevait et enrichissait ses amis sans mesure, qui laissait des hommes puissants commettre des exactions tant qu'ils étaient ses partisans, qui souffrait que d'autres désobéissent formellement au roi, compromettait la gloire du roi, la sûreté de l'Etat, en divisant les généraux, en infectant les armées d'espions et de délateurs, en les partageant en royalistes et cardinalistes; en même temps, il avilissait la dignité royale en se plaçant auprès d'elle avec des gardes, en accusant, en humiliant la reine par une audacieuse persécution: tout cela pour sa grandeur personnelle. Et c'est ce ministre que l'on peint comme le restaurateur de l'autorité royale!

CHAPITRE IX.

Résumé des chapitres précédents, et nouvelles observations.

LE cardinal de Richelieu reçut de la nature un de ces caractères vigoureux, si rares parmi les hommes, et surtout en France. J'aime à voir, dans une de ses lettres au maréchal de Schomberg: «Au nom de Dieu, souvenez-vous de ne << trouver de difficulté à quoi que ce soit. » Il avait l'âme forte et l'esprit audacieux. Ces deux qualités se manifestèrent merveilleusement dans la conduite des affaires étrangères. Il fut grand dans cette partie. Il suivit le plan d'Henri IV, relati

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